Histoires Des Invités

 

La Carotte Nantaise 14

Claude D'Eon

 

CHAPITRE 14: LE RENARD DANS LE POULAILLER.

Nous quittions Diane avec une appréhension, en espérant que tout se passe comme prévu: elle était vraiment en colère... Dans le pire des cas, je comptais sur Carole pour sauver la situation. À peine montés dans l'Audi, Denis étouffa un bâillement:
- " Ouafff. Je suis claqué. J'ai baisé toute la nuit, et je te raconte pas ce que j'ai encore mis à ma Lady Di ce soir. Elle doit avoir la chougne en bouquet de violette. T'es salaud, aussi, de foutre le feu et te barrer… Je la trouve hyper bandante en guêpière. Merci pour son cadeau, j'en profite un max. " Il parlait à Luc. Je souris à ses expressions imagées:
- " Oui, je la trouve aussi diablement attirante. Si ça peut te consoler, ça m'a coûté de me refuser à elle. J'ai horreur de décevoir une femme. " Il n'était pas trop dans la conversation:
- " Ouais… Je crois que je vais rentrer tôt. Tu devrais prendre ta voiture, je ne voudrais pas gâcher ta soirée. " Il me déposa devant la maison. Je pris les papiers et les clés de la Clio et je démarrais rapidement. Je ne voulais pas risquer de rencontrer Diane. Carole ne s'était pas manifestée non plus.

Mélanie s'affairait devant sa voiture, dans un petit haut léopard et une minijupe noire. On aurait dit une … professionnelle. Elle devait m'attendre et ne voulait pas l'afficher devant la population locale. Elle était très sensible au " qu'en dira-t-on ", mais si elle se met à tapiner devant chez elle... Dès qu'elle aperçut nos voitures, elle monta dans la sienne et démarra à notre suite; je roulais à une allure modeste pour qu'elle nous rejoigne sans difficulté.

Nous avions rencontré quelques soucis pour nous garer: Nemours n'est pas une mégapole, mais c'était samedi soir et nous avions dû marcher un peu. Je suis entrée la première et je fis patienter Denis à côté de la boîte, devant une épicerie nocturne, le temps d'avertir Chloé. Il pouvait y soupeser les melons en attendant pour exprimer sa sensualité.

Curieusement, il n'y avait pas grand monde. Chloé prenait les commandes entre les tables, et je l'attendais au bar. Je saluai la gentille barmaid:
- " Salut Isa! C'est calme, ce soir… " Elle me fit un sourire intrigué:
- " Heu… Salut! C'est pas encore l'heure de pointe… On se connaît? " Je réalisai que j'avais quelque peu changée:
- " Oui, je suis Alicia, la petite amie de Chloé… On s'est vue, avant-hier, tu m'avais même fait une blague… " Elle fit de grands yeux:
- " Ah oui! Bien sûr! Mais tu avais une perruque blonde… Chloé m'a raconté pourquoi tu en mettais, je suis désolée pour toi. J'espère que ce n'est pas trop grave… En tout cas, elle n'arrête pas de parler de toi. Tu as mis le grappin sur son cœur, on dirait. " Je me demandai ce qu'elle a bien pu lui raconter. Pas la maladie-qui-fait-pas-rire, tout de même...

- " Un gin fizz et un baby… pourquoi tu te marres comme ça, Isa? " Chloé posa son plateau sur le bar, juste à côté de moi: je lui tournais le dos. Je fis volte-face et lui souris:
- " Bonsoir, mon amour… " Après quelques secondes d'hésitation, Elle me serra dans ses bras et m'embrassa passionnément. Quelques cris enthousiastes fusèrent des tables alentour.
- " Petite salope! Pas un mot, ni un coup de téléphone! Je ne pensais plus te revoir… " Je baissai les yeux. C'est vrai que je n'avais pas été trop galante avec elle…
- " Je suis désolée. Je t'avais trouvée un peu distante, quand on s'est quittées. Je ne croyais pas que tu tenais tant à moi… "
- " T'es marrante! T'as pas vu la tête que me faisait ma patronne? J'étais un peu à la bourre, je ne voulais pas abuser… Enfin, si c'est un malentendu, n'en parlons plus. Tu es venu voir tes copines? " Je lui fis un sourire mutin:
- " Tu ne crois pas que je sois venue pour tes beaux yeux, tout de même? " Elle me fit à voix basse, un sourire au coin des lèvres:
- " Petite conne… "
- " Et figure-toi que j'ai amené mon mari… " Sa réaction fut partagée entre un grand plaisir et une immense déception:
- " Ah? Ah bon… " Je lui fis un clin d'œil:
- " Rassure-toi, il ne va pas rester en selle longtemps dans le rodéo que nous avons mitonné… Je te demande juste de jouer le jeu : devant lui, tu ne me connais pas, OK? " Elle sourit, un peu inquiète quand même:
- " D'accord. Mais ne faites pas trop de vagues, vous risqueriez de vous faire jeter tous les deux. Pour toujours, et ça, je ne le veux pas. " Un cri au fond de la salle attira mon attention:
- " Par ici, Mélanie ! " C'était la voix puissante de Caroline. Il m'avait bien semblé avoir entendu appeler avant ça, mais ce devait être la voix fluette de Corinne, Caro était venue en renfort en beuglant de sa voix mâle.

Je localisai la table de mes amies et repris ma conversation:
- " Je t'ai apporté quelques papiers concernant tes finances. On y jettera un œil, si tu veux bien… " La barmaid nous interrompit:
- " Chloé, ça gueule au fond, table seize. Et enlève vite ta commande, si tu veux recevoir un billet entre tes beaux nichons! " Isa me fit un sourire appuyé: elle avait dû lui raconter...

J'étais parti en direction des tables quand je me rendis compte que j'avais oublié mon époux fidèle sur le trottoir. J'espérais qu'il ne se sera pas éclipsé avec un melon bien mûr… Non, il m'attendait sagement, en s'occupant sainement: il ne faisait que regarder les petits culs courtement vêtus qui défilaient sur le trottoir. Je l'attirai de l'index en souriant et il accourut tel un toutou fidèle:
- " Ça y est, c'est bon? "
- " Oui, mais ne te fais pas trop remarquer. " Ça, ce n'était pas évident. John Travolta au milieu d'une boîte à clitos, on fait mieux comme tenue de camouflage... Il me suivit docilement jusqu'à la table de mes amies. Il ne manquait que Steph:
- " Salut les filles! C'est Alicia! Vous me reconnaissez, en brune? " Caroline se leva la première pour me faire la bise:
- " Oui, bien sûr… Figure-toi qu'on t'épie depuis que tu es arrivée, et on se demandait si c'était vraiment toi. Mélanie t'a reconnue à coup sûr: elle a encore l'œil! " J'espérais qu'elle n'avait pas gaffé : On n'était pas censées se connaître beaucoup… Elle reprit:
- " Et qui c'est, ce charmant jeune homme qui ne craint pas d'introduire ses attributs au milieu du territoire des amazones? " Elle plaisantait, mais je sentais bien que sa présence ne lui plaisait pas trop.
- " Je vous présente mon mari Denis. Il a tenu à m'accompagner... Je lui ai parlé de cet endroit, et il n'a pas pu résister à une telle profusion de filles. " Ce disant, je fis la bise au reste de la tablée. Corinne me jeta un regard un peu coupable. Elle croyait que je lui en voulais encore de ne pas m'avoir choisie, sans doute… Nous nous étions à peine installés, Denis sur la banquette moelleuse à côté de Caro, moi sur une chaise, que Caroline attaqua:
- " Dis donc, tu n'es pas très galant… Tu pourrais laisser la meilleure place à ton épouse! " Il se défendit d'un ton innocent:
- " Bof, tu sais, elle a le cul bien rembourré, elle peut se le permettre. " Elle bouillait:
- " C'était bien, ton match de foot? C'était sur quelle chaîne? " Il avait l'air perdu:
- " Heu… Je m'en souviens plus… C'était sur le satellite, je crois… "
- " Pour un passionné, ça ne t'a pas trop marqué, on dirait… "
- " Bof, c'était surtout pour boire des bières entre potes. Mais tu dois savoir ce que c'est, toi, l'amitié virile… " C'était le grand amour entre eux deux. Caroline ruminait la dernière réplique de Denis quand elle leva le bras et l'agita:
- " Steph! Ici! Amène Chloé! " J'espérais qu'elle n'allait pas déballer notre liaison devant Denis. Pas tout de suite…

Stéphanie nous fit la bise -en oubliant sciemment mon époux- et s'installa à côté de son amie, sur une chaise. Elle se serait bien mise sur la banquette, mais pas à côté de Denis:
- " Putain, qu'est ce qu'il fait chaud dans ma boutique! Avec tous ces spots, c'est l'horreur... C'est qui? " Elle désigna négligemment mon fidèle époux du menton en s'adressant à Caro. Elle se fit un plaisir de l'éclairer:
- " C'est le blaireau dont Alicia nous avait parlé. Tu sais, celui qui trompe sa femme à couilles rabattues… Sa femme un peu… naïve. Je dirais bien autre chose, mais je ne voudrais pas la vexer. De toute façon… " Elle s'arrêta net. Chloé était arrivée à notre table:
- " Salut les filles… Tiens, bonsoir Monsieur ! C'est rare de voir un homme ici ! En principe, ils ne restent pas longtemps. Surtout à cette table… " Elle fixait Caro et Steph d'un air de défi. Elle reprit, à la cantonade:
- " Je vous écoute, Messieurs dames... " Denis répondit du tac au tac, comme s'il était seul au monde:
- " Un demi ! Il fait chaud dans votre boui-boui. Surtout avec tous ces petits culs en chaleur… " J'étais très fière de mon époux. Il était merveilleusement odieux, et tellement naturel…

Caro fit entre ses dents, assez fort pour qu'on puisse en profiter quand même:
- " Putain, quel gros con… Ça doit être lui qu'on appelle " Ducon de Nemours* … " Un coup d'œil circulaire me confirma que c'était le sentiment général qui régnait à cette table. Denis souriait, inconscient du malaise qu'il suscitait. Apparemment, bien sûr.

Nous avions passé nos commandes. Il s'intéressa à son harem potentiel:
- " Dis-moi, chérie, tu peux me parler de tes amies? Elles ont l'air à peu près charmantes, pour certaines… "
- " Avec plaisir, mon ange… Voilà Mélanie, une petite nouvelle, comme moi, qui est avec Corinne, ce joli petit brin de fille au charme eurasien… " Il lança à Corinne:
- " Ouais, tu es bien mignonne... Quand tu veux, je t'emmène faire un tour dans un endroit sombre! Je me suis jamais tapé une asiatique... Ta copine, je la laisse tranquille, j'aime que la chair fraîche. " Elles ne disaient rien, mais je voyais bien qu'elles n'en pensaient pas moins. Même Mélanie -pourtant au courant de notre petit manège- était visiblement offusquée. Je calmai le jeu:
- " Chéri, tu connais à peine mes nouvelles amies… Elles ne connaissent pas encore ton humour, vas-y doucement… " Les consommations arrivèrent. J'avais pris un vermouth. Denis but rapidement sa bière et nous gratifia d'un gros rot sonore. Bien sûr, il ne s'excusa pas. Il me fit, d'un air salace, en mettant ma main sur son sexe:
- " Ma poule, tu sais ce que j'aime, après ma bière… " Je regardai mes amies d'un air gêné, et me glissai en bas de ma chaise. Steph craqua:
- " Ah non! Vous n'allez pas faire vos saloperies ici! " J'excusai mon époux:
- " Tu sais, il a de gros besoins, j'essaie de le satisfaire du mieux que je peux… Et il devient agressif quand il n'a pas fait l'amour depuis un moment. "
- " Peut-être, mais on a pas envie d'assister à vos cochonneries... Allez dans les chiottes, comme tout le monde! " Elle fixait Mélanie et Corinne qui baissèrent la tête. Denis prit le relais, toujours insouciant:
- " Ouais, tiens, j'ai envie de pisser... La bière, c'est terrible pour ça… Y a des chiottes pour mecs, ici? Bien que certaines nanas à cette table ont des têtes à faire dans un urinoir… " Il disait ça en regardant Caro et Steph d'un air goguenard. Caro répondit, les dents serrées:
- " Ouais, c'est juste derrière. Ça fait hommes et handicapés. Je trouve ça logique. "
- " Et bien merci, gentes dames… Je vais faire pleurer le colosse. Viens, ma poule. Je sens que tu vas déguster, je suis en forme. "

Je m'excusai timidement, pris mon sac et rejoignis Denis aux toilettes. Elles étaient assez vastes et comprenaient, outre les toilettes fermées pour handicapés, un lavabo et un urinoir. Je refermai la porte et le pris dans mes bras en riant:
- " Tu es un fou furieux! Tu vas finir par te faire arracher les couilles! " Il me sourit fièrement:
- " Ma prestation te plait? J'en suis content. Bien, je vais pisser, j'ai vraiment envie. On va rester un moment, et tu ressortiras en boitant un peu, en marchant les jambes écartées. D'accord? " Je pris un air sérieux:
- " Non. On le fait vraiment. " Il sourit en silence et fit son petit pipi. La porte s'ouvrit doucement et les têtes de Mélanie et de Corinne apparurent. Elles voulaient être discrètes, c'était raté. Je me mis à genoux:
- " Entrez, les filles! " Elles avancèrent timidement. Je pris le sexe de Denis entre mes doigts et le suçai avec entrain. Il avait les yeux fixés sur Corinne, plutôt gênée. Il jouit rapidement dans ma bouche, en grognant. Je le tétai amoureusement encore un moment, le temps que son érection reprenne. C'était l'affaire de quelques minutes, tout au plus.

Tout en le gardant dans ma bouche, je baissai ma culotte, pris le tube de gel intime que j'avais dans mon sac et me lubrifiai consciencieusement. Je me relevai et m'appuyai sur bord du lavabo. Denis releva ma robe, découvrant fortuitement mon bandage et me pénétra sans ménagement, m'arrachant un cri. J'adorais quand il me forçait comme ça, surtout devant des admiratrices… Corinne, incrédule, fit à sa compagne à voix basse:
- " Tu crois qu'il est en train de la… "
- " Je crois bien que oui... Et elle a l'air d'aimer ça… Ils m'excitent terriblement, tous les deux… " Elle l'enlaça et commença à la caresser. Corinne se débattit:
- " Non! T'essaieras pas ça avec moi. Je ne suis pas une détraquée. Allez viens, on s'en va. " Elles nous laissèrent seuls. Mélanie en aurait bien vu plus… Il faudra que je l'invite.

Denis jouit bruyamment en moi. Il préférait de loin la sodomie à la fellation. Moi, comme je ne savais pas quoi choisir, je préférais faire les deux. Il se retira, rangea son matériel et sortit en sifflotant, m'abandonnant affalée sur le lavabo, la robe relevée. J'aimais quand il se conduisait comme ça… Je crois qu'il prenait vraiment son rôle à cœur… Je restai un instant les fesses à l'air, rêvant d'une nouvelle pénétration: je n'avais pas d'orgasme, mais j'adorais ça… Je dus me faire violence pour me rajuster et sortir à mon tour.

J'affectai de prendre une démarche incertaine pour vanter la vitalité de mon époux. Je m'installai à ma place, les yeux baissés. Quand je les relevai, je vis que c'était la soupe à la grimace. Tournée générale. Mélanie rompit la glace:
- " Tu as de la chance d'avoir un homme si vaillant : on l'a vu à l'œuvre, il ne rechigne pas à la tâche… "
- " Oui, mon chéri m'aime beaucoup, et il a toujours envie de moi. " Il rajouta, fort galamment:
- " Oh, J'ai toujours envie tout court! Je pourrais même vous baiser toutes sur la table, et recto-verso encore! " Steph tapa du poing sur la table, épaulée par sa compagne:
- " Ce coup-ci, y en a marre! Barre-toi, espèce de gros connard, ou je t'arrache tes grosses couilles de macho et je te les rentre dans le cul à coup de talon! " Je baissai les yeux, traumatisée qu'on puisse attaquer ainsi mon si tendre époux. Lui, toujours aussi décontracté:
- " Ouais, je me casse. Il y a rien à tirer ici, à part la petite chinetoque coincée et Alicia, mais ça, c'est la routine. Je vais faire un tour ailleurs, boire avec des potes. Allez, salut, les filles, merci pour la bière, et bonne broute! " Il sortit en riant et en singeant les filles d'une table voisine, heureuses aussi qu'il s'en aille.

Caro m'engueula:
- " Putain, mais qu'est ce que tu fous avec un con pareil? C'est vraiment la caricature du gros con de beauf macho! Et en plus, il te saute sur commande! " Chloé revint enlever les verres vides et renouveler les consommations. Je fis timidement:
- " Je l'aime… Il me fait bien l'amour, et je ne peux pas me passer de son sexe. Il faut toujours que je l'aie en moi pour me sentir heureuse. " Caro fit à Chloé:
- " On dirait que tu as encore tiré le bon numéro… " Chloé n'avait pas été traumatisée par la prestation éblouissante de Denis:
- " Ce qu'elle fait avec son mec, c'est son problème. Je peux vous jurer que dans mes bras, c'est pas la même personne. " Elle renouvela les commandes. Je me laissai séduire à nouveau par une Suze-cassis. Corinne me fit en riant:
- " Ce coup-ci, j'y touche pas… Dis, c'est quoi le bandage qu'on a vu? Tu es blessée? " Elle est décidément observatrice. J'improvisai une explication plausible, déguisant ma réflexion en embarras:
- " Non, c'est pas ça… C'est gênant… Denis a toujours envie de moi, et me prend n'importe quand. Comme il veut que je sois… réceptive à ses assauts, il me fait porter un petit godemiché dans mon vagin. Je le porte en permanence, ça me maintient disponible, et ça me donne un peu de plaisir quand il me sodomise. Il ne me prend quasiment que comme ça, d'ailleurs. " Elles étaient horrifiées par mes révélations. Sauf Mélanie, qui cachait mal son excitation. Chloé, qui était à la table voisine, me jeta discrètement un regard amusé. Corinne, à qui décidément rien n'échappait, me fit cette remarque:
- " Au fait, ton mec t'a plantée là, sans te demander comment tu allais rentrer? " Je lui caressai le genou. Ça, je pouvais encore me le permettre:
- " T'inquiètes pas, on a chacun notre voiture. Il pensait juste rester le temps de mettre de l'ambiance. " Caro me fit:
- " Eh bien, c'est réussi. Tiens, regarde qui nous fait coucou au bar… "
Denis s'agitait près du comptoir, un bouquet de roses à la main. Je crois qu'ils en vendaient à l'épicerie d'à côté. J'ai cru comprendre que c'était moi qu'il appelait, et allai le retrouver. Il posa le bouquet sur le zinc et m'enlaça furieusement. Il me posa sur un tabouret et colla son sexe contre le mien, en une étreinte torride. Il me glissa à l'oreille, entre deux baisers:
- " Tu me rends fou, petite salope. Tu es vraiment trop bonne. Et qu'est ce que tu es chaude… " Je lui rétorquai sur le même ton:
- " Je suis à vous, Maître, baisez-moi tant que vous voulez. Ce sera où, quand et comment vous le déciderez, je ne vous demanderai jamais grâce… " Il se recula brusquement et partit à grand pas. Arrivé à la porte, il me lança avec force, fièrement, afin que tout le monde entende :
- " Je t'aime, Alicia, ma chérie! " Et il disparut.

J'étais toute chamboulée. Je restais à regarder le bouquet de roses que je faisais tourner dans mes mains. Je vivais plusieurs vies en même temps, et je commençais à être dépassée par mes émotions. Cela devenait plus que du jeu…

Je rejoignis mes compagnes en traînant les pieds. Elles m'accueillirent en silence. Bien sûr, elles n'avaient rien perdu de la scène… Je lâchai, en serrant mon bouquet dans les bras et en fixant la table:
- " C'est aussi pour ça que je l'aime… " J'étais sincère. C'était la première fois qu'un homme m'offrait des fleurs.

Chloé vint à ma rescousse:
- " Viens avec moi au bar, on va les mettre dans de l'eau. " Elle m'entraîna jusqu'au comptoir et je tendis les roses à Isa qui me souriait très gentiment, avec affection. Elle était à côté de nous deux pendant notre courte étreinte, et elle avait compris que j'avais été réellement touchée.
- " Merci, Isa, tu es vraiment gentille. " Elle me tapota la main:
- " De rien. Appelle-moi Isabelle. Je préfère. " Chloé m'attira à l'écart:
- " J'ai cru comprendre que tu avais encore tes bandes? "
- " Ben oui, j'ai pas trouvé mieux… "
- " J'ai un copain qui fait un numéro de travesti, dans un cabaret plutôt gay, il a sûrement ce qu'il faut. Il s'appelle Claudine. Tu veux aller le voir? " J'étais un peu effrayée:
- " Ben… Je le connais pas, moi… c'est gênant… "
- " Ne t'inquiète pas pour ça. Il y a là une copine qui le connaît bien. Viens, elle est juste là. " En effet, elle était à cinq mètres de nous. C'était une jolie brune à l'air très espiègle, affublée d'un rire plutôt sonore:
- " Natty, je te ramène la fille en question. Tu es toujours d'accord? "
- " Salut ma poupée! Je te suis depuis que tu es arrivée, tu es assez agitée, on dirait! Je viens juste de reprendre un verre: on y va dans une demi-heure, si tu veux… "
- " Avec plaisir, c'est très gentil de ta part. Je ne sais pas comment te remercier… "
- " Paye-moi un verre, quand tu reviendras. À tout à l'heure, je viendrai à ta table. " Elle retourna à sa conversation avec ses amies. Je remerciai Chloé et rejoignis ma place.

Corinne et Mélanie étaient en grande discussion, arbitrée par Caro et Steph. La conversation s'arrêta net quand je me suis assise. Je jetai un regard circulaire et les interrogeai du regard. Pas de réponse.
- " Vous parliez de moi, je suppose? " Mélanie se dévoua:
- " Oui, on parlait des relations ambiguës que tu entretiens avec ton mari. Et aussi de ta sexualité. On se demandait si… Tu prenais ton pied. Tu as l'air si soumise… " Elle avait l'air de s'amuser, à me poser toutes ces questions embarrassantes:
- " Tu sais, j'ai beaucoup de mal à avoir un orgasme. Et même là, je n'éprouve pas vraiment de plaisir. Un soulagement, tout au plus. Mais je sais ce qui vous choque: c'est que je me fasse sodomiser. " Elles baissèrent les yeux toutes en même temps. Même Mélanie. Je continuai:
- " Je trouve ça très pratique, et je n'y vois que des avantages: je n'ai pas besoin de contraception, Il jouit beaucoup plus vite, je suis disponible même pendant mes règles et je n'ai même pas de toilette à faire. Et en plus, j'aime assez. Réfléchissez-y… Mais c'est vrai que vous ne côtoyez pas les hommes… Enfin, si vous avez des questions, je vous répondrais avec plaisir. " Pas de question. Le sujet glissa sur les femmes battues et exploitées dans le monde, et sur l'arrogance de la gent masculine. Elles avaient raison, bien sûr, mais à les écouter, le monde était coupé en deux: les pauvres femmes d'un côté et les méchants hommes de l'autre. Je commençais à déprimer sérieusement quand une main se posa sur mon épaule et me fit à l'oreille**:
- " On y va? " Natty était venue me chercher. Je fis brièvement les présentations -pour celles qui ne la connaissaient pas-, m'excusai et sortit avec elle.

L'air était encore chaud. La nuit venait de tomber, mais je doutais qu'il fasse bon encore longtemps. Hier encore, c'était l'hiver. Elle me prit la main:
- " Viens, c'est par-là. C'est pas loin, deux pâtés de maison. Qu'est ce que tu lui veux, à Claudine? " Je suppose qu'elle n'était pas au courant : il fallait encore que j'improvise… Je sentais que tout ça allait bientôt me péter à la figure:
- " Je recherche un petit voisin qui a fugué. Ses parents sont inquiets. Il serait travesti, et c'est uniquement pour pouvoir les rassurer, et lui dire qu'ils l'aiment. Je mène une enquête à but humanitaire, en quelque sorte. " Elle serra ma main en me regardant:
- " Ah bon… C'est mignon, Alicia, comme nom. Tu sais, Je connais bien Chloé, et je sais quand elle est amoureuse. Et là, elle est amoureuse. Ne lui fait pas de mal. C'était pas du tout une bonne idée d 'avoir ramené ton mari ici. Ça lui a fait de la peine. " Je lui souris avec tendresse:
- " Ne t'inquiètes pas, elle était au courant. Je lui en avais parlé. Comme ça, elle arrêtera de l'idéaliser et d'en être jalouse. Crois-moi, c'est mieux comme ça… Et je trouve que Natty, c'est mignon aussi. Ça me fait penser à une chanson de Bob Marley: Natty Dread… " Elle rit:
- " Oui, on me l'avait déjà faite, celle-là. Mais mon vrai nom, c'est Nathalie. " Non, c'est pas Dieu possible…
- " Je ne sais pas si c'est une mode dans cette boîte, mais toutes les filles que j'ai croisées ont des diminutifs. Il n'y a que Corinne et Chloé qui n'en ont pas. " Elle s'esclaffa:
- " Corinne, entre nous, on l'appelle Coco, mais elle aime pas ça, elle trouve que ça fait communiste… Et Chloé, en réalité, c'est Clotilde. " Je ris à mon tour:
- " Ça, elle ne s'en est pas vantée! "

Natty m'aimait bien, peut-être parce que je rendais son amie heureuse… Nous étions vite arrivées devant la boîte: " Pop Model ". J'étais surprise de trouver deux endroits aussi exotiques dans une si petite ville, mais ils drainaient une grande population alentour. De plus, la mode était aux boîtes branchées, loin de tout. Natty s'entretint quelques instants avec le portier, un gars costaud, en cravate et lunettes de soleil. Il devait craindre les coups de lune… Il nous fit entrer visiblement à contre cœur, et un autre type, plus sympa mais assez speedé pris le relais. Après avoir longé la salle du cabaret -pleine, il nous guida à travers un dédale de couloirs glauques et encombrés. Il frappa à la porte et nous laissa devant dès qu'il eut entendu une réponse. Natty le suivit aussitôt après m'avoir dit:
- " À toute suite, je te laisse. N'oublie pas que tu me dois un verre! "

Elle aurait pu m'attendre… Était-ce par soucis de discrétion? Un grand gaillard à moitié travesti m'ouvrit la porte:
- " Oui? " Il avait l'air un peu à cran, comme si on venait l'emmerder toutes les cinq minutes. Je me présentai:
- " Je m'appelle Alicia. C'est Chloé qui m'envoie. "
- " Chloé comment? " La question qui tue.
- " Je ne connais que son prénom. Chloé, ou Clotilde, qui travaille au " Lolitas et mentalos. " Il sourit:
- " Ah ouais, ça doit être ma petite Clo-clo. Entre. " Je refermai derrière moi. Il se jeta aussitôt sur son nécessaire de maquillage et continua son peinturlurage. Je préférais le mien, mais, ayant fait du théâtre, je savais qu'il fallait forcer le trait à outrance pour avoir le résultat escompté. Il mettait des faux cils qu'il avait dû piquer à une girafe:
- " Qu'est-ce qui t'amène, ma jolie? Et tu t'appelles comment? " Il avait déjà oublié.
- " Moi, c'est Alicia. Je recherche une culotte ou une chose du genre pour cacher mon sexe. Je mets des bandes, mais c'est pas le top. Ça craint, niveau look. " Il laissa tomber son deuxième jeu de cils qui aurait pu servir d'éventail à un esclave nubien:
- " Qu'est que tu me chantes là? Tu ne peux pas t'acheter une culotte, comme toutes les filles? "
- " Et bien non, je ne suis pas une fille, c'est pour ça que Chloé… " Il se dressa et me scrutait de la tête aux pieds, en fixant le point milieu:
- " Tu me charries, là… " Voyant que je n'arriverai pas à le convaincre, je levai ma robe, baissai ma culotte et écartai mes bandages.
- " Et bien ça, alors, quelle merveille! Tu ferais un tabac en strip-teaseuse dans notre boîte! Peut-être un peu trop potelée, mais moi, je t'embauche tout de suite, même si tu danses comme un sac. Tu prends des hormones, tu te piques? " Je commençais à me lasser de cette question:
- " Même pas, c'est naturel. " Trois folasses, en uniforme américain -et féminin- de la seconde guerre mondiale entrèrent en riant. Elles devaient avoir fini leur numéro: il m'avait semblé les avoir vues sur scène en passant, dans un playback d'une chanson des " Andrews Sisters ". Claudine les harponna et m'exhiba:
- " Hé les filles! Venez voir cette merveille! " Elles ne semblaient pas follement émoustillées, jusqu'à ce que Claudine soulève ma robe:
- " Ouah! je le crois pas! Elle est parfaite! Une vraie fille! " Je rabaissai prestement ma robe : je n'étais pas -encore- une attraction… Les filles me laissèrent à regrets, en riant, et en me donnant des petits noms coquins.
- " Voilà mon problème. Vous pouvez faire quelque chose pour moi? " Il regarda sa pendule avec inquiétude:
- " D'abord, tu me tutoies. Ensuite j'ai ça. " Il leva sa robe à la Juanita Banana et m'exhiba une grande gaine noire.
- " Je veux pas te vexer, mais ça fait mémère. Je préfère encore mes bandes. "
- " Je te donne pas tort, mais ça me donne une silhouette féminine. Mais toi, tu n'as pas besoin de ça… J'ai peut-être ce qu'il te faut. " Il ouvrit un tiroir et le retourna avant de sortir une culotte plus… modeste:
- " Tu crois que ça t'irait? Elle est trop grande pour moi, j'ai maigri pas mal. Toi, par contre… " Je plaquai la culotte sur mes hanches: ça devait coller. J'enlevai mon bandage, ôtai ma robe pour faire profiter les éventuels amateurs de mon anatomie, et enfilai la chose.

C'était déjà beaucoup mieux. Ça ressemblait à un tanga, noir, fortement renforcé sur le devant de façon à bien niveler l'anatomie masculine:
- " Ça me va pas mal, mais ça me rentre bien dans le cul! " Il me fit avec un sourire moqueur:
- " C'est normal… Il faut bien que ça serre un peu, il faut souffrir pour être belle. Et puis si je peux me permettre, tu dois avoir l'habitude qu'on te rentre dans le cul… " Il me caressait les fesses avec envie. Je lui souris d'un air coquin:
- " C'est vrai… D'ailleurs, si ça te dit, la place est encore chaude… " J'étais restée sur ma faim. Il me lâcha et retourna à son habillage:
- " Merci, t'es gentille, mais je suis passive. Pour la culotte, ça m'ennuie de te la donner, ça coûte bonbon. C'est une fabrication artisanale. "
- " Tu l'as trouvée où? "
- " À Paris, dans le Marais***. "
- " Tu la mets souvent? "
- " Non, pas trop. "
- " Eh bien, je te la rachète. Dis un prix. "
- " Je sais pas, moi… Cinquante Euros? C'est bien parce que c'est toi et qu'elle a déjà servie. " Je sortis les billets :
- " Vendue! " Il enfourna la monnaie dans son vestiaire, mis la dernière touche à sa tenue, me fit la bise et me cria avant de disparaître :
- " Je te ferais passer l'adresse par Chloé! Tu peux regarder mon numéro, et pense à ce que je t'ai dit pour le strip-tease ! Je suis sérieux ! " Je tentai de revenir sur mes pas, et finis en coulisses, sur le côté de la scène. Je ne m'étais pas trompé : Claudine faisait bien un play-back sur Juanita Banana, version remixée. C'était gentillet, mais pas trop mon style. Je m'imaginai quelques instants sur la scène, effectuant un strip tease torride, avec un final à couper le souffle... Qui sait ? Je me laisserai bien tenter, si je savais mieux danser...

Après m'être fourvoyée quelques fois et m'être fait aiguillée par un personnel assez hostile, je me retrouvai dans la rue et retournai au " Lolitas ". Un groupe de jeunes que j'ai croisé m'avait fait des propositions indécentes en riant, que j'ai dû malheureusement décliner. Je ne suis pas une fille -si- facile… En entrant dans le bar, je fis un signe à Chloé -de loin, le pouce levé-, qui me fit un grand sourire. Il y avait beaucoup plus de monde, bien que la boîte soit maintenant ouverte.

Je posai la main sur l'épaule de Natty et lui fit la bise:
- " Merci ma chérie. Grâce à toi, j'ai trouvé ce que je cherchais. " Elle en était ravie:
- " Alors, il va bien? Tu l'as vu? Tu as prévenu ses parents? " Ah… J'avais complètement oublié cette excuse foireuse…
- " Heu… Oui, tout va bien. Il va bien, il rappelle ses parents. Alors, je te paye un verre, ainsi qu'à ces demoiselles? " Elle rit:
- " Doucement, on dirait un mec qui drague en boîte… Mais oui, avec plaisir. " J'avais dû prendre un ton macho, à mon insu. Mais question aventures, j'avais ma dose. J'appelai Chloé pour qu'elle prenne les commandes et lui fis un petit bisou discret. Je n'avais rien à partager avec ces filles, et retournai avec ma tablée:
- " Je rejoins mes copines. Tu m'enverras Chloé pour la note. Bises! "

Je me rassis à ma table. Steph me regardait d'un œil amusé:
- " Dis donc, on dirait que tu as la bougeotte, ce soir… " J'éludai la question. Je n'avais pas envie de replonger dans un alibi à la con. Moins on dit de mensonges, plus on se rapproche de la vérité****:
- " J'avais une course à faire… Vous parliez de quoi? D'Alicia et de sa sexualité hors norme? " Elles rirent. Caro me fit sérieusement:
- " Tu n'es pas le centre du monde, bien qu'on pourrait le penser, vu le nombre de personnes qui tournent autour de toi… Non, on parlait des femmes en politique. " Je soupirai:
- " Vous pouvez pas parler de fringues ou de vedettes de ciné, comme toutes les autres filles? " Elle se pencha vers moi:
- " Tu nous as bien regardées? On n'est pas comme les autres filles. " Je tentai de mettre un peu d'ambiance:
- " Bon, ou alors quelque chose de rigolo, comme le surnaturel, la vie après la mort, les extraterrestres… Ce serait pas plus festif, non, pour un samedi soir? " Steph lança à Mélanie:
- " Moi, je trouve que les femmes sont vraiment sous-représentées au sénat. Tous ces vieux machos séniles qui se serrent les coudes et se cramponnent à leur fauteuil, ça me donne la gerbe. " Bon, apparemment, c'était raté pour la soirée pyjama. Je commençais à me faire sérieusement chier.

Dieu merci, un ange vint à ma rescousse une fois de plus:
- " Ma chérie, je prends ma pause. Tu viens? " Chloé m'avait posé sa douce main sur l'épaule. Je me levai d'un bond et la pris par le bras. Elle m'attira jusqu'au bar, où elle demanda un verre d'eau à Isabelle. Elle avait quand même droit à un peu de sirop. Je la grondai:
- " Va doucement avec le sirop de cassis! J'en aurais plus pour ma Suze… " Elle rit:
- " Tu es la seule à en boire! Tu m'en as donné envie… C'est vachement bon, ça me change de la grenadine. Viens, on va dehors. J'ai cinq minutes. " Je lui posai la main sur l'épaule:
- " Au fait, tu n'as pas encaissé les consommations de la table de Natty! " Ça n'avait pas l'air de la préoccuper beaucoup:
- " Bah…Tu paieras à Isa… Après ma pause. "

Nous étions appuyées contre la vitrine du Lolitas, assises sur le rebord de la fenêtre. Je me souviens d'avoir déjà fait un petit câlin à Carole au même endroit, une fois qu'on était sortis du restaurant qu'il y avait avant… Carole… J'espérais que tout se passait bien pour elle. Pour elles…
- " Alors, Claudine t'a dépannée? " Chloé m'a tirée de mes pensées.
- " Heu… Oui, Je lui ai racheté une de ses culottes. Assez sexy, au demeurant. Merci pour le tuyau. Ces bandes, ça foutait tout en l'air. " Elle se blottit contre moi:
- " Ne m'en veut pas, mais c'est pour ça que je t'ai poussé à aller voir Claude… Enfin Claudine. " Je lui fis une bise sur le front:
- " Mais non, pas du tout… En tout cas, je me doutais que c'était pas son vrai prénom. " Je poussai un gros soupir. Elle s'en inquiéta:
- " Ça va pas, tu t'emmerdes avec moi? " Je la serrai contre moi:
- " Mais non, au contraire. C'est juste que les copines me gonflent à critiquer tout ce qui n'a pas de clitoris. C'est leur idée fixe. Je me fais un peu chier, même beaucoup, et il me tarde de me coucher. Avec toi, bien sûr… " Elle me fit un sourire enjôleur:
- " Oh! Comme il me tarde aussi de finir mon service… Encore deux heures… Et j'ai les pieds en compote. "
- " Oui, j'ai pu les voir de près, ils sont très abîmés. " Elle regarda ses mains, honteuse:
- " Oui, ils ne sont pas beaux. Ça me gêne de te les montrer. " Je lui caressai la nuque:
- " Tu avais l'air d'aimer, quand je te les ai embrassés… "
- " Oui… Bien sûr, mais je m'en veux de t'imposer ça. " Je me levai brusquement:
- " Tu ne m'imposes rien. Je te le prouve. " Je m'accroupis sur le trottoir, devant elle, enlevai ses escarpins et posai ses pieds douloureux sur mes genoux. Je les massais avec entrain et les embrassais tendrement, sans m'inquiéter des regards intrigués que me jetaient de rares passants. Elle sirotait son verre en poussant des petits grognements de satisfaction. Un peu comme la dernière fois que je lui ai fait l'amour… Elle arracha ses pieds à ma sollicitude, à regrets:
- " Il faut que j'y retourne. C'était divin. Tu ne veux pas aller en boîte, t'amuser un peu? " Je lui remis ses chaussures:
- " Ouais, mais pas longtemps. C'est pas trop mon truc, le trémoussage de masse. Et puis, je suis fatiguée. "
- " Va danser. Quand tu en auras marre, je te donnerai mes clés et tu m'attendras. D'accord? "
- " Je préfère te ramener. Je t'attendrai, dussé-je séduire d'autres conquêtes pour patienter. " Elle me donna une légère gifle en riant:
- " Petite salope! "

Elle m'embrassa tendrement et rentra dans l'arène. Je la suivis jusqu'au bar, où Isa lui cria qu'elle était attendue à quelques tables avec impatience. Je me cramponnai au bar en jouant des coudes. Ce n'est pas qu'il y avait une cohue terrible, mais je voulais être en face d'Isabelle. Elle me fit un grand sourire:
- " Qu'est-ce que tu veux, ma belle? " Je lui rendis son sourire:
- " Juste payer les consos de la table de Natty. " Elle fouilla dans une liasse de tickets et me tendit la note. Je payai, et, avant qu'elle ait pris le billet que je lui tendais, lui saisis la main et l'embrassai avec un clin d'œil malicieux:
- " Vous pouvez garder la monnaie, mademoiselle. " Elle rit, la main sur le cœur.

Je retournai une nouvelle fois voir si mes copines avaient changé de chaîne. Je ne pris même pas la peine de m'asseoir: Elles parlaient de l'avilissement de la femme dans la publicité, et le diktat des mâles désirant des femelles sans défaut. Je mis mon grain de sel:
- " Dites, quand vous voyez une super nana faire de la pub pour du yaourt, vous croyez que c'est monsieur Muscle qui pousse le caddie? Non, ce sont les femmes! Et nous désirons toutes ces créatures de rêve, ou nous désirons leur ressembler, même la plus homo ou hétéro d'entre nous! C'est dans l'essence de l'humanité, et ça ne sert à rien de palabrer, ça fait des dizaines de milliers d'années que ça dure. Quelqu'un veut venir danser avec moi? " J'avais formulé ma question sur un ton enjôleur, qui tranchait avec ma diatribe véhémente -mais certainement discutable- qui les avait clouées sur place. Pour une fois, j'avais mouché les déménageuses associées. Corinne se leva d'un bond:
- " Oh oui! J'ai demandé à Mélanie, mais elle n'avait pas envie. On y va? " Elle était fraîche et pétillante, c'en était un plaisir. Je fis la bise à Mélanie, un peu triste de ne pas avoir ni le même goût ni la même énergie que sa jeune compagne. Je la rassurai en lui glissant dans le creux de l'oreille:
- " Ne t'inquiètes pas: Je veillerai à ce que personne ne te la prenne. Je m'enfermerai dans les toilettes avec elle, ce sera plus sûr… " Elle me fusilla du regard. Je lui caressai la joue en souriant, sans grand effet. Corinne me tira par le bras:
- " Allez, bouge! En plus, j'ai envie de pisser. " Je ne crois pas qu'elle m'ait entendue parler à son amie, mais ma plaisanterie risquait fort de se muer en prophétie…

Elle m'entraîna dans les toilettes. Il y en avait une de libre, et elle s'enferma avec moi. Elle baissa sa culotte et se soulagea rapidement, en faisant entendre un jet sonore contre la porcelaine, ma musique préférée :
- " Vache! Je commençais à avoir sérieusement envie! " Elle chercha désespérément du papier hygiénique dans le dévidoir:
- " Merde… Elles ont tout bouffé, les gouines! T'aurais pas un mouchoir en papier, dans ton sac? " Elle avait beaucoup d'humour, aussi. Je restai les bras croisés:
- " Oui, mais je ne te le donnerai pas. Lève-toi. " J'avais encore le goût de l'urine ma maîtresse sur la langue… Elle se leva, troublée. Elle savait ce que j'avais en tête, et de quoi je pouvais être capable. Je m'accroupis et glissai ma langue dans sa fente juvénile. Elle était bien épilée, seule restait une petite touffe de la taille d'une petite boîte d'allumettes. Je fis sa toilette rapidement. Elle en aurait bien supporté plus, mais je ne voulais pas la prendre à Mélanie. Juste la goûter, par gourmandise. Je me relevai:
- " Pourquoi tu t'es enfermée avec moi? Tu craignais de manquer de papier? " Sa voix était tendue par l'excitation:
- " Tu m'as terriblement troublée, maintenant et tout à l'heure. Ce que tu as fait, ce que tu as dit… Je t'admire : tu n'es qu'un sexe offert au plaisir de ton homme. " Je souris:
- " Un peu plus que ça, tout de même… " Elle se rassit sur les toilettes et mit les mains sur le bas de ma robe:
- " Montre-moi. Tout. " Je lui cramponnai les mains:
- " Non! Il n'y a rien à voir. " Elle me fit un sourire entendu:
- " Je sais tout, Mélanie m'a tout dit. " Quelle bavarde, celle-là…
- " Dit quoi? " Elle releva ma robe d'un coup sec:
- " Que tu es un homme… Tiens, tu n'as plus tes bandages… Chapeau pour l'alibi, au fait… " Je la laissai baisser ma culotte, très serrée. Elle caressait mon sexe, du bout des doigts:
- " Tu sais que j'en ai jamais vu de près? D'homme, je veux dire… "
- " Et bien, ta curiosité est récompensée. J'espère que tu es la seule au courant? "
- " Mélanie me l'a dit à l'oreille. Je lui faisais la gueule parce qu'elle m'a fait comprendre qu'elle en savait beaucoup plus que ce qu'elle voulait bien me dire, et elle a fini par craquer. Mais moi, rassure-toi, je sais tenir ma langue. " Elle tenta de me masturber maladroitement, et je lui mouillai les doigts:
- " Mais t'es plein de sperme! Je te fais jouir? " Je ris. Elle ne connaissait rien aux garçons, visiblement:
- " Mais non. Ce n'est que de l'excitation. Les garçons mouillent aussi, tu sais. Et je n'ai pas joui. " Elle goûta ses doigts, et suça mon gland du bout de ses douces lèvres:
- " C'est pas mauvais… Un garçon. C'est pas pareil qu'une fille… " Elle remontait ma culotte, mais je l'en empêchai. Elle crut que j'en voulais plus:
- " Non, s'il te plait… J'ai pas envie. Je voulais voir, c'est tout… " Je ris:
- " Mais non… C'est juste qu'il faut que je débande un peu… Voyons… Pensons aux sénateurs séniles qui se cramponnent à leur fauteuil… " Elle rit. Je lui caressai la joue:
- " Ça se passe bien, avec Mélanie? "
- " Oh oui, très bien… Nous sommes très amoureuses. Elle me fait faire de ces trucs… C'est vraiment très cochon. "
- " Avec son chien? " Elle me mit une tape dans l'estomac:
- " T'es bête… Elle est vicieuse, mais pas autant que toi… " Pour une fois, le Sénat avait agi: je pouvais me rhabiller sans problème. Nous sommes sorties, sous le regard entendu de quelques filles qui attendaient leur tour, peut-être pour faire la même chose… À l'entrée du dancing, la charmante videuse nous fit signe qu'il y avait juste deux entrées. Nous avons donc pris place sur le trémoussarium après un crochet par le vestiaire.

La musique n'était pas trop mal, récente, mais assez dans mon style. Bien sûr, on ne pouvait entendre que des femmes chanter. J'étais assez réticent à me déhancher à cause de mes chaussures: elles avaient une pointure de trop, et, malgré le coton, je sentais qu'elles risquaient de voler à chaque instant. Je décidai de les ôter et les coinçai derrière un radiateur pour être sûre de les retrouver. Je me sentais beaucoup plus libre et me défoulais hardiment, pour le plus grand plaisir de Corinne. La fatigue, chassée par cet afflux d'adrénaline, avait disparu. Elle me souriait et ne me quittait pas des yeux. J'avais bien l'impression qu'elle était à nouveau -ou encore- amoureuse de moi. J'affectais de ne pas la regarder directement, et observais les autres danseuses. Pas une ne semblaient s'intéresser à moi. Une fille m'a souri, toutefois. Je commençais à douter de mon charme vénéneux…

Après quatre ou cinq titres bien rythmés, La disc-jockey de la boîte -J'ai appris plus tard par Chloé que c'était la patronne- nous gratifia d'une balade romantique, assez incongrue après ce qu'on venait d'écouter. Aussitôt, Corinne m'enlaça passionnément sans me demander mon avis, me donnant une idée assez précise de ce que ressent un crabe dans les tentacules d'une pieuvre. Elle se collait à moi très étroitement, et j'avais l'impression confuse qu'elle recherchait le contact de mon sexe. Elle s'épancha dans mon oreille:
- " Je crois que j'ai envie de toi... Je te désire depuis que je t'ai vue pour la première fois, si timide devant le Lolitas… Je ne savais pas alors pourquoi je ressentais un tel trouble… "
- " Tu comprends maintenant pourquoi je me refusais à toi. Je ne crois pas que tu aurais apprécié la surprise… "
- " C'est vrai que j'aurais eu un choc. Mais moi, tout ce que je peux ressentir de toi, ce sont des sentiments de fille. Je veux dire que tu es une fille, ton sexe mis à part. "
- " Détrompe-toi. Je suis un homme, marié, et j'ai même une maîtresse, en dehors de mon amant. Et je ne te parle même pas de Chloé… Au fait, Mélanie t'a dit qui c'était, ma femme ? " Elle se recula et me fixa dans les yeux:
- " Non… Qui c'est ? " Je lui fis un bisou sur la bouche:
- " Si Mélanie ne te l'a pas dit, ce n'est pas la peine que je le fasse. Ce coup-ci, tu nous prendrais vraiment pour des tordus. " Elle rit:
- " C'est déjà fait. Je parie que c'est Mélanie ! Elle se plaint toujours de son mari pervers, et en plus, vous êtes arrivées ensemble. Bien sûr, je ne l'ai jamais vu, comme par hasard, il n'est jamais chez elle…" Je pris un air sérieux:
- " On peut dire que tu es perspicace. Mais qui est Denis, alors? "
- " Ben… Ton amant ! Vous vous êtes tournés tous les deux vers des personnes de votre sexe, mais vous restez ensemble pour assouvir vos fantasmes. C'est pour ça qu'elle était si émoustillée quand elle t'a vu te faire … Tu vois ce que je veux dire. "

Elle me fixait d'un air de défi. Je me rendis, après un long silence:
- " Il n'y a plus rien à ajouter. " Elle me serra fort dans ses bras, et me fit, surexcitée:
- " Si. Vous me partagerez toutes les deux. À trois, dans le même lit. "
- " Je ronfle… Bon, on en reparlera avec bobonne. " Elle était satisfaite. Elle avait dénoué l'imbroglio du siècle, et avait réussi à s'immiscer dans un couple de pervers. Je me demande si Jikka serait d'accord…

Nous avons dansé enlacée encore deux slows, nous nous sommes trémoussées jusqu'à une heure, puis nous sommes remontées. Elle me tenait par la main, et ne semblait pas vouloir me lâcher. Chloé nous vit et détourna brusquement le regard.

Nous nous sommes rassises à la table. J'avais besoin d'un verre, et les abreuvoirs de ces dames étaient à sec. J'essayais d'attirer l'attention de Chloé en remuant désespérément les mains, mais elle faisait la sourde oreille**.

Corinne avait retrouvé sa petite amie. Elle la couvrait de caresses et de baisers, mais Mélanie devait sentir qu'elle avait quelque chose à se faire pardonner, et y semblait assez hermétique. Chloé était au bar et confiait une commande à Isabelle. Celle-ci lui parlait assez sèchement en lui désignant notre table du doigt : elle emporta ses verres en haussant les épaules. Elle finit par arriver, en traînant les pieds, la mine sombre. Ses copines l'accueillirent en la chahutant, mais elle n'en avait que pour moi. Elle me fit, assez en rogne:
- " Ça y est, tu as tiré ton petit coup? C'est meilleur, avec une jeunette, hein? " Je me demandai si les femmes utilisaient aussi cette expression entre elles, ou si elle était juste destinée à l'homme que j'étais de temps en temps. Je lui souris tendrement:
- " Allons, ma chérie, nous sommes allées danser… "
- " Ouais… Dans les chiottes, il y a tellement plus de place… " Je suis sûre que toute la boîte était au courant. Mélanie n'avait même pas bronché. A peine avait-elle baissé les yeux…
- " Ce n'est pas ce que tu crois. Elle voulait voir… mes bandages, et ce qu'ils cachaient. Rien de plus. Fais-moi confiance… S'il te plait.... " Elle se radoucit un peu, mais je ne crois pas que je l'ai convaincue. À voir son regard… d'autant que Corinne avait recommencé à me couver des yeux, c'en était presque indécent. Elle prit les commandes, et je me laissai séduire par une crème de whisky. Corinne, qui buvait mes paroles comme si j'étais le messie, cria:
- " Oh oui, moi aussi! Ça fait longtemps que j'en ai pas bu, c'est vachement bon! " J'essayai de refréner son enthousiasme:
- " Hé, du calme! Tu devrais arrêter la cocaïne... Tu as les yeux bien brillants, je trouve… " Elle me regardait avec un immense bonheur dans les yeux:
- " C'est tout ce que tu m'as raconté sur Mélanie et toi qui me rend folle! Il me tarde de… " Je la coupai brutalement:
- " Oui, bon, ça va! Tout le monde n'est pas censé être au courant! " Mélanie nous regarda d'un œil noir, toutes les deux, et commençait à regretter d'avoir parlé. Bien fait. Steph et Caro, plutôt avachies l'une sur l'autre sur la banquette, nous regardaient nous débattre dans notre vaudeville en trois dimensions d'un air goguenard:
- " Tu nous mettras deux babies. Avec beaucoup de glace. "
- " Et toi, ma pauvre chérie? Bienvenue au club, au fait. " Chloé s'était adressée à Mélanie. Elle était ailleurs:
- " Hein? Ah! Heu… Encore un Margarita, s'il te plaît. Je crois que j'en ai besoin… "
- " Ouais, moi aussi, mais je ne dois pas boire pendant le service. " Elle s'éclipsa.

L'ambiance était assez tendue, seules les deux lesbiennes pur sucre semblaient s'amuser de la situation. Je ne serais pas surprise qu'elles y soient pour quelque chose… Chloé revint avec nos consommations. Elle semblait avoir digéré mon escapade, et me fit même un sourire, que je devinai un peu forcé tout de même. Je lui rendis un bien plus éclatant:
- " Viens m'embrasser, ma chérie. Pense à ce que j'ai promis de te faire… Encore pire que dehors. " Elle rit franchement:
- " Arrête, elles vont croire que tu es une perverse… " J'ouvris mon portefeuille pour payer, mais fis la grimace. Il ne me restait plus grand-chose, après mes emplettes chez Claudine, et les verres que j'avais déjà payés. J'eus tout de même juste assez.

Je sirotais mon dernier verre en écoutant parler mes amies. Elles avaient enfin entamé un sujet intéressant, le don d'organes. Nous étions toutes pour, sauf Mélanie qui tenait à rester intacte pour sa prochaine résurrection. Je repensai à Juliette: j'avais vraiment envie d'elle, malgré son âge.

Steph charriait Mélanie:
- " Parce que tu crois que tu vas rester nickel sous terre, en attendant sagement les trompettes du jugement dernier? Tu vas d'abord moisir et te faire bouffer par les vers, et dans vingt ou trente ans, on jettera tes trois nonosses qui resteront à la fosse commune. Après avoir piqué tes bagouzes et tes dents en or, bien sûr. Alors que tu aurais pu sauver une vie, que dis-je, plusieurs vies avec tes organes! Ça me révulse qu'on puisse encore croire à des conneries pareilles à notre époque! " Mélanie restait prostrée, mais ce n'était pas ces paroles de faux prophète qui allait la faire changer d'avis.

J'avais fini mon verre, et avais envie de changer d'air:
- " Dites, les filles, je vais faire un retrait, je suis quasiment à sec. Vous voulez venir avec moi? " Corinne finit son verre avant de répondre, toujours aussi amoureuse:
- " Oh oui, on va prendre l'air! " Elles se levèrent toutes. Steph et Caro nous firent la bise:
- " Nous, on se casse. De toute façon, Ca va bientôt fermer. J'ai horreur de me faire jeter à coup de balai. " Caro rajouta en me regardant d'un air goguenard:
- " Et merci pour l'attraction. Ton mec est une véritable invitation au lesbiennat. Je te rassure, on a bien rigolé quand même, mais la prochaine fois, tu le laisses dans sa niche, on préfère... Allez, salut! " Elles s'éclipsèrent en se tenant par la main. Mélanie n'avait pas fait part de ses intentions, mais se préparait à nous accompagner. Elle n'allait pas encore nous laisser seules toutes les deux…
Je fis un petit signe circulaire de la main à Chloé pour lui signifier que je revenais, avant de sortir.

Comme je le craignais, ça s'était sérieusement rafraîchi. Dieu merci, j'avais ma culotte " Couilles Croisées " de Playsex. Le distributeur de billets n'était pas loin, près du commissariat et de l'endroit où j'avais laissé mon scooter la fois précédente. Je fis à Mélanie, toujours un peu sombre et boudeuse:
- " Ma chérie, la petite sait tout à notre sujet. Elle veut vivre avec nous. " Elle s'arrêta net:
- " Quoi? Qu'est ce que tu lui as raconté? " Je pris un air innocent, ce que j'étais après tout:
- " Moi, absolument rien, elle a tout deviné toute seule. Toi, par contre, tu as été trèèès bavarde… Et ne rajoute plus un mot à mon sujet, compris ? " Je retirai mes billets, et nous sommes rentrées au " Lolitas ". Je n'ai plus rien dit, les laissant se débattre dans leur quiproquo. Ça devait les occuper un moment… Elles sont passées devant la boîte sans s'arrêter, sans un mot pour moi.

Deux heures approchaient. J'étais assis au bar, en devisant par moments avec Isabelle quand elle passait à ma portée. Elle finit par ne plus bouger beaucoup et par essuyer ses verres avec un bruit de grincement agaçant. Elle me confia d'un air grave, pendant que Chloé nettoyait rapidement les tables au fond de la salle:
- " Tu sais, elle a presque pleuré quand Caro lui a dit que tu étais partie aux toilettes avec Corinne. Elle y est même allée, pour voir si c'était vrai. Quand elle est revenue, elle était complètement abattue. Déconne pas avec elle, elle est assez malheureuse comme ça… " Je lui souris:
- " Ne crains rien, C'est Corinne qui m'a entraînée. Elle voulait que je lui confie des détails croustillants sur mes rapports avec mon mari. Je lui ai raconté que j'utilisais du matériel… Bref, elle voulait voir. C'est tout. Je ne veux pas la piquer à Mélanie après avoir tout fait pour qu'elles se mettent ensemble. Mais je crois que tu en as été un peu témoin… " Elle me sourit franchement à son tour:
- " Oui, Tu as raison… Je te fais confiance. Tu n'as pas l'air d'être une écervelée, contrairement à ce que j'entends sur toi… Et même bien pire. Mais la voilà… Elle en a plein les bottes, on dirait. " En effet: elle arriva vers nous en boitant un peu, son plateau lourdement chargé de verres, en poussant un gros soupir:
- " Ouafff! C'est plus de mon âge, ces conneries... J'ai l'impression d'avoir cent ans. " Elle posa péniblement son plateau sur le comptoir et tomba dans mes bras. Elle sanglotait doucement:
- " Tu m'as fait peur… J'ai cru que tu allais me larguer pour Coco… " Je lui tapotai l'épaule:
- " Mais non, mais non… Tu as bientôt fini? " Isabelle répondit pour elle:
- " Ça y est, elle a fini. Elle va se changer et elle va rentrer chez elle se faire dorloter un peu. Je terminerai. "

Chloé remercia son amie -une vraie, celle là- et courut tant bien que mal se changer. Elle revint au bout de deux minutes, avec les mêmes vêtements que la veille. Nous fîmes la bise à Isabelle. Comme nous allions partir, je fis à Chloé:
- " Tu ne te caches pas sous le comptoir, ce soir? " Elle rit, et me fit avec de grands yeux ingénus:
- " Mais je ne me cachais pas, je lui faisais une pipe! " Isabelle secoua la tête en riant:
- " Allez, barrez-vous, pauvres malades! " Nous ne nous sommes pas fait priées. Mais avant, je suis passée derrière le comptoir, j'ai pris le bouquet de roses en en donnant une à Isabelle, ainsi qu'un baiser sur la bouche. J'aime goûter aux femmes…

Chloé n'a rien dit, elle avait même l'air d'avoir apprécié mon geste. Nous sommes rentrées directement chez elle, sans passer boire un petit coup. Moi, j'avais eu ma dose, et j'étais plutôt claquée. Je n'avais pas beaucoup de sommeil, ces temps-ci. Moi qui suis du genre marmotte…

En entrant dans son appartement, j'eus un choc. Il était toujours aussi ringard, mais on voyait qu'elle avait fait de gros efforts de nettoyage et de décoration. Je disposai les roses dans un grand vase à la mode -des années soixante- qui semblait les attendre et leur donnai de l'eau. Chloé fit voler ses escarpins dans l'entrée -ce devait être un rituel-, se déshabilla entièrement et s'allongea sur le lit en poussant un grand soupir. J'aurais bien aimé l'assister… Je me plantai devant elle, les mains sur les hanches:
- " T'as oublié d'écarter les cuisses… " Elle sourit, navrée:
-" Excuse-moi, je suis crevée. Je ne crois pas que je te ferais l'amour ce soir. " Moi, quand je suis avec une nouvelle conquête, même crevée, j'arrive encore à la désirer. Non, elle devait vouloir me faire payer mon fricotage… Mais j'en pris mon parti et entrepris de m'occuper d'elle, de gré ou de force. Je revins avec une bassine d'eau chaude qui devait lui servir à faire sa petite lessive -d'après l'odeur de détergent-, une serviette, du savon, ainsi qu'un tube de crème pour les pieds, trouvé dans son armoire à pharmacie. Je l'avais fouillée pendant son sommeil à la recherche d'un quelconque tube de lubrifiant, au cas où…

Elle releva la tête, intriguée, et un peu contrariée:
- " Qu'est-ce que tu fous? T'es pas fatiguée? "
-" Oh! Si… Mais moins que toi. Je veux m'occuper de ton corps. " Elle regardait la bassine et le savon, et dit comme je lui empoignais un de ses pieds martyrs:
- " Ah ouais… Je pue, quand même… Je te dégoûte? " Je lui fis d'un air salace:
- " Oh! Non, regarde… " J'engloutis son pied odorant dans ma bouche, aussi loin que je le pus. Elle me fixait, les yeux troubles, en soupirant. Je le suçai longtemps, et cela me faisait plutôt mal: elle avait de joli petits pieds, mais assez gros pour ma petite bouche. J'en fis autant avec l'autre, et les léchai sur toute leur surface, avec application, en n'omettant pas d'aller entre les orteils. Elle ne disait plus rien, et se laissait faire avec délice. Je posai la bassine sur le lit et les plongeai dedans. Elle sursauta:
- " Hou! C'est chaud! "
- " Ça te détendra… "

Je les savonnai abondamment en les massant énergiquement, puis les abandonnai un peu pour aller voir leur maîtresse. Ma maîtresse. J'appartiens à celle qui veut bien de moi. Elle m'embrassa fougueusement en m'enfonçant sa langue dans la bouche. En langage des signes, ça voulait dire " baise-moi! " Je descendais embrasser ses jolis seins aux petits tétons dressés. Je les caressais tendrement, délicatement, du bout des doigts et de la langue. Chloé soupirait d'exaspération et d'excitation.

J'essuyai ses pieds et les enduisis de crème nourrissante. Je lui prodiguai un nouveau massage long et consciencieux, puis me lavai les mains dans la cuvette, en feignant de ne pas m'apercevoir que j'étais attendue.

Elle m'attira sur elle, m'embrassa et me dit:
- " Putain, tu m'excites trop! Tu sais que j'étais sur le point de jouir? Personne ne m'a caressé les pieds comme tu l'as fait. Je n'aurais jamais cru que ce soit possible. On en apprend à tout âge, même sur soi… " Elle était bien bavarde… Je lui écartai les cuisses, doucement, et me mis à quatre pattes au-dessus d'elle pour la goûter. J'ouvris son sexe luisant et gonflé du bout des doigts, en prenant garde de ne pas le toucher et plaçai mon visage à quelques centimètres. Elle tendit son bassin pour mieux m'accueillir, mais je restais distante. Je l'effleurais du bout de ma langue, par petites touches très douces. Carole m'avait appris que cela devenait vite insupportable. Je résistais aux exhortations de Chloé qui souffrait le martyre. Elle désirait que je la prenne, en me lançant des termes très crus et en m'insultant, mais je restais impassible, continuant à la torturer. Elle ne pouvais pas me déloger: j'étais cramponné à ses cuisses aussi solidement qu'un morpion l'est aux poils pubiens d'un marin à l'escale.

Elle commençait à haleter, et me suppliait " d'achever sa moule à grands coups de bite. " C'est pour dire dans quel état je l'avais amenée. Curieusement, je n'étais pas spécialement émoustillée, concentrée sur mon travail de précision qui durait depuis un petit moment déjà. Je me sentais l'âme d'un bourreau qui torturait sans passion, parce que c'était son métier. Je n'irais pas jusqu'à dire que je n'y prenais pas de plaisir…

Je décidai de lui asséner le coup de grâce. J'aspirai son clitoris et me mis à le téter furieusement. Elle hurla longuement. Les voisins avaient attrapé leur balai pour lui intimer l'ordre de baisser ses vocalises, mais sans résultat. Elle devait en avoir l'habitude… Moi, j'aimerais bien être réveillée par les cris de ma maîtresse pilonnée par Denis…

Je remontai m'allonger à côté d'elle. Elle avait l'air apaisée, mais très triste:
- " Putain, mais qu'est ce que t'es salope… Je te criais que j'avais envie de toi, et toi, tu continuais à m'agacer avec ta langue… "
- " Tu n'as pas aimé? "
- " À ton avis… Mais on dirait que tu n'as pas envie de me sauter. Je suis sûre que tu préfèrerais Corinne… " Je me relevai et la toisai:
- " Il n'y a rien qui te choque? " Elle me détailla de la tête aux pieds, d'un air dubitatif:
- " Ben non… Je vois pas… "
- " Je viens de te faire l'amour pendant près d'une heure, les pieds compris, et j'ai encore mes escarpins. " Elle se rendit enfin compte qu'elle m'avait complètement négligée depuis que nous étions rentrées. Elle baissa la tête:
- " Ben… J'étais crevée. Je me suis foutu à poil pour que tu me sautes, que je puisse dormir. C'est vrai que ça ne s'est pas passé comme ça… " Je croisai les bras et lui fis la morale:
- " Ah bravo! Tu veux me faire payer mon petit flirt avec Corinne? " Elle ne répondit rien, et partit se laver les dents. Je débarrassai mon matériel et l'imitai, enlevai ma perruque et me démaquillai. Cette fois, je n'avais rien oublié.

Elle se coucha dans les draps et me regardait me dévêtir sans un mot. Elle ne fit même pas une remarque sur ma lingerie toute neuve. Je la rejoignis sous les draps et elle se blottit sur moi, silencieuse. Je lui en fis la remarque:
- " Toi, tu as un problème… " Elle soupira:
- " Tu ne m'aimes plus. J'ai tout entendu, dans les toilettes. Tu lui as fait l'amour. " Je soupirai à mon tour:
- " Mon dieu, que vous êtes compliquées, les femmes… Je l'ai juste goûtée. Ça n'a pas été plus loin. Je crois que je te l'ai déjà dit, mais je suis un esclave, au service de mon maître et de ma maîtresse. "
- " Oui, je crois que tu m'as dit que tu étais maso. Quel rapport?"
- " Oui… Et bien, par extension, je me mets au service de ceux ou celle qui le demande. Je prends mon plaisir comme ça. Et là, il se trouvait que Corinne n'avait plus de papier pour s'essuyer… " Elle m'arrêta:
- " Ça va, j'ai compris… Bonne nuit. Au fait, si tu veux me baiser, te gênes pas. " Elle me faisait encore la gueule. Si j'avais su, je l'aurais sautée, Corinne.

J'étais en rogne, et trop énervé pour dormir. J'avais une furieuse envie de me barrer, mais si je le faisais, j'étais sûr qu'elle ramperait à mes pieds pour me dire qu'elle était désolée. Je finis tout de même par m'endormir comme une masse. Je fus tiré de mon sommeil par les fesses de Chloé qui se frottaient sur mon sexe en érection. C'était une érection nocturne, sans désir. C'est même assez désagréable, contrairement à ce que peuvent penser certaines femmes qui nous prennent pour des satyres. Elle soupirait très fort, je crois qu'elle dormait, ou n'en était pas loin. Cette fois, elle ne me guidait pas, et je la laissais se calmer toute seule en me tournant. Elle revint à la charge et colla ses fesses sur les miennes. Elle s'arrêta net en se rendant compte que je m'étais retourné. Elle devait croire que j'étais mieux disposé… Je me rendormis rapidement.

Je fus réveillé par ses douces lèvres autour mon sexe. Je lui caressai la nuque, elle s'arrêta et vint m'embrasser tendrement:
- " Bonjour, mon chéri… Tu as bien dormi? " J'étais totalement vaseux:
- " Bof… Pas assez. " Elle me regardait dans les yeux. Enfin, plutôt les paupières : je n'étais pas franchement réveillé:
- " J'ai attendu toute la nuit que tu me fasses l'amour, comme la dernière fois… J'ai cru que tu allais me prendre, et puis tu t'es tourné. J'en ai pleuré… C'est ma faute, je suis une grosse conne... Tu me donnes un plaisir inouï, sans que tu en prennes toi-même, et moi je t'engueule. Je mérite que tu te venges sur moi. Fais-moi tout ce dont tu as envie. Fais-moi ce qu'on te fait. Sinon, je ne mérite pas ton amour…
- " C'est pas si simple. Et je ne veux pas me venger. " Elle avait l'air désespérée:
- " Mais si! Je suis méchante, égoïste, conne. Tu veux venir dans ma bouche, ou tiens, encore mieux: me prendre par derrière, comme tu aimes tant? " Je la calmai:
- " Bon, d 'accord, je veux bien te punir. Et si tu veux vraiment me faire plaisir, je te conduis à ma maîtresse. Elle cherche une nouvelle esclave. Et même qu'en ce moment, elle doit s'envoyer ma femme. Tu sais, la foldingue rousse… " Elle rit, les yeux pleins de larmes:
- " Ah ouais ?... Je te jure que je le ferai, si tu le désires. Je risque pas de te perdre, en faisant ça? "
- " Mais au contraire, c'est ma voisine ! Et son mari, c'est Denis, mon mari d'hier soir… " Elle se prit la tête dans les mains :
- " Hou là là… Mais il a l'air un peu… bizarre, non? " Je ris:
- " Mais non, C'était un rôle qu'il jouait… à la perfection. On s'est bien amusé, du reste. Bien, tu es prête pour ta punition? " Elle me fit un grand sourire, heureuse qu'on soit tous les deux de nouveau en phase. Elle se leva:
- " J'ai du beurre dans la cuisine, ça ira? " Je la retins par la main:
- " On a un peu évolué depuis le dernier tango à Paris. Mais ce n'est pas à ce genre de punition que je pensais. La sodomie doit être un plaisir, pas une corvée ni une torture. Reste ici. " Je n'avais plus du tout envie d'elle. Elle avait rompu le charme.

Je pris une longue règle plate que j'avais repérée sur son bureau et la fis mettre à quatre pattes sur le bord du lit. Je pris ma petite culotte toute neuve -celle que j'ai remplacée par mon tanga blindé- dans mon sac à main, l'enfournai dans sa bouche et la bâillonnai avec la bande. Je lui mis un grand coup de règle sur les fesses qui claqua comme un coup de fouet dans le silence du petit matin, et elle poussa un gémissement. Les voisins risquaient de ne pas apprécier… Je décidai de la frapper avec la tranche: ça ne faisait presque pas de bruit, mais beaucoup plus mal. Elle se laissa corriger sans trop bouger. Je n'entendais que ses gémissements, et ses sanglots. Elle se contorsionnait tout de même pour amortir les coups, mais je la frappais en tout sens, très vite, aussi sur les cuisses et le dos. Je crois qu'elle n'en pouvait plus, et moi, j'avais une érection terrible. Serais-je sadique? J'aurais décidément tous les vices !

Je jetai la règle par terre. Je me rappelai le souvenir traumatisant de son enfance. Je posai une main sur sa croupe et enfonçai mon majeur dans sa raie, caressant furtivement son petit trou qu'elle m'avait pourtant offert de bon coeur. Elle tressaillit en gémissant. J'avais envie de la saillir comme une chienne et de prendre égoïstement mon plaisir en elle, mais j'avais un meilleur projet pour ma semence...

Je m'habillai en homme. Elle ne pouvait pas parler, toujours bâillonnée, mais voyait que je m'en allais. Elle pleurait. Juste avant de partir, je la libérai:
- " Tu veux venir avec moi? " Elle essuya ses larmes:
- " Tu m'as fait drôlement mal… Je travaille à la boulangerie ce matin. Tu restes pas un peu, mon chéri? Et faire l'amour, maintenant? On a le temps… " Je lui répondis d'un ton glacial que je ne me connaissais pas :
- " Non, je n'ai pas envie. Je te laisse les papiers dont je t'ai parlé, il y a mon numéro de téléphone dessus. Appelle-moi si tu veux me voir cet après-midi. Je serais peut-être libre. " Je refermai la porte, la laissant pleurer à chaudes larmes sur le lit. C'était la première fois que je faisais pleurer une femme de la sorte. J'eus un pincement au cœur et la nausée me monta aux lèvres quand je démarrai la voiture:
-" Bah… Elle appellera. C'est sûr. "


À suivre dans " La carotte Nantaise 15: Juliette la grenouille. "


* Ne pas confondre avec la célèbre marque américaine de produits chimiques.

** C'est volontaire.

*** Quartier homo de la capitale.

**** Ce n'est pas de La Palisse, c'est de moi…

 

ŠLE CERCLE BDSM 2009