Histoires Des Invités

 

La Carotte Nantaise 21

Claude D'Eon

 

CHAPITRE 21: MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE.

J'avais à peine allumé mon ordinateur que les enfants arrivèrent timidement. Je ne fus pas plus surpris que ça de voir Ouissecasse dans les bras de Jasmine, elle, fourrant son nez dans ses poils. J'avais l'impression de voir un éternel remake du même film, avec une interprète différente à chaque fois, le rôle de l'irrésistible jeune premier étant toujours tenu par notre Don Juan bicolore.

Je les entraînai au fond du jardin pour qu'ils s'occupent des bêtes. Régis se plaignit que Diane l'avait déjà forcé à s'occuper de ses poules naines, et ils n'avaient pas l'air très chaud pour traire les chèvres :
- " Mais si, vous allez voir, c'est amusant ! Et toi, Régis, ça te fera un entraînement, de peloter des mamelles… " Jasmine se moqua de lui, mais Carlos arriva à l'improviste derrière elle :
- " Fais gaffe à l'âne, il adore… Ah!… Trop tard... " Il est vraiment rapide pour faire des conneries. Pour avancer, par contre… Régis tenait sa vengeance :
- " Tu as fait une touche, on dirait ! Qui se ressemble, s'assemble ! "

Je leur expliquai ce qu'il fallait faire -j'avais d'ailleurs accroché le mot de Carole sur la porte de la remise- et m'en allai travailler, non sans avoir arrosé au passage le jardin qui souffrait de la chaleur. Ce n'est que devant mon ordinateur que je me suis souvenu que le mot de Carole se terminait par des propos très crus à mon égard… Bof, je me suis dit qu'ils en verront d'autres, si ce n'était déjà fait…

Les petits monstres étaient déjà revenus après une demi-heure, en courant et en se chamaillant. Je pris une grosse voix menaçante : c'est vrai que je fais très peur…
- " Qu'est-ce qui se passe, ici ?! " Régis dénonça sa sœur :
- " Elle a bu du lait de chèvre sans le faire bouillir, et elle s'est amusé à en recracher un peu sur moi en disant que c'était comme ça que je faisais ! " Régis avait peut-être atteint la majorité, mais il était bien moins mûr que Jasmine. On pouvait même dire qu'il était encore vert, pas sec. Je fis, très flegmatique :
- " Oui, elle n'a pas tout à fait tort… Alicia peut en témoigner. " Il se rengorgea devant sa sœur, jalouse. Je tentai de la consoler :
- " Mais toi, ne fais pas cette tête ! N'oublie pas que tu dors chez moi cette nuit ! " Elle me fit un petit sourire timide et regarda rapidement ses pieds. J'avais l'impression que son assurance déclinait à vue d'œil… Je me demandais ce qu'elle voulait vraiment.

Je leur fis déposer leur collecte à la cuisine et les entraînai à l'étage :
- " Venez, les monstres. Je vais vous montrer où je vais vous enfermer pour la nuit. " Comme je n'entendais qu'un silence de mort derrière moi, je rajoutai :
- " Heu… Je plaisantais, là… "

Je les fis pénétrer dans une pièce qui servait surtout l'hiver, ou bien lorsqu'il faisait très moche : La salle de jeux. C'était la plus grande pièce de l'étage, anciennement la chambre conjugale de mes parents. Au milieu trônaient un billard anglais et un baby-foot, et dans les coins des jeux d'arcade -démodés- et deux flippers, pas tout jeunes non plus, des modèles mécaniques des années soixante. Plus une console de jeux et un vieil ordinateur familial, si ça ne suffisait pas. Régis était surexcité, et tournait en rond dans la pièce :
- " Ouah ! Super ! Ah Ouais ! Putain, t'aurais dû me dire ça depuis un moment, sûr que j'aurais squatté ici ! " Voilà justement pourquoi je ne lui avais rien dit…

Jasmine était plus attirée par le billard et caressait une queue d'une manière plutôt équivoque. Comme je la regardais en souriant, elle s'en rendit compte et la reposa rapidement. Elle me fit timidement :
- " On peut jouer avec ? " Je mis mes mains sur les hanches :
- " Bien sûr que non ! Ce sont des objets de collection… Mais si, banane, allons ! Pourquoi tu crois que je vous ai fait venir ? Amusez-vous ! Je vous demande juste de n'allumer que les appareils dont vous vous servez : Ce n'est pas par radinerie, mais ça fait tout disjoncter sinon. En plus, ça fait des parasites sur mon PC. Allez, je vous laisse. " Ils étaient déjà à l'œuvre avant que je n'aie fini de parler.

Mon téléphone Internet s'arrêta de sonner au moment où je retournai dans mon bureau. Vu l'heure, ce devait encore être Hiroshi… Eh non : c'était ma famille australienne... J'activai le rappel automatique et une voix féminine chère à mon cœur me répondit presque aussitôt :
- " Oui ? "
- " Bonjour Maman ! Tu dois être bien matinale pour m'appeler à cette heure… "
- " Bonjour mon chéri ! Non, il est seulement deux heures du matin. Je ne trouvais pas le sommeil… Il fait frais, cette nuit, c'est l'hiver chez nous. J'ai dû mettre un châle. " Elle avait compris " sept heures ", et sa notion de froid m'amusait. Elle ne devait pas faire souvent de bonhommes de neige, là où ils étaient. Il est vrai qu'ils sont partis là-bas pour ne plus jamais connaître le froid…
- " Tu m'appelais pour prendre des nouvelles ou tu as des problèmes ? " Elle soupira, pensive…
- " Rien de tout ça… Ton père et ton frère sont partis à la pêche en mer ce soir et je suis seule à la maison. J'avais un petit coup de cafard, et je pensais à toi, à Carole et à la maison… Vous me manquez. "
- " Moi aussi je pense souvent à vous, surtout l'hiver. Tu ne t'ennuies pas, j'espère ? " Elle rit :
- " Oh non, alors ! Je suis folle de golf, et je me suis mise au tennis l'année dernière. Des vacances de luxe toute l'année, au bord de la mer, je ne vais pas me plaindre ! En plus, ton père nous a offert un voyage au Japon pour notre quarantième anniversaire de mariage. Ça fait longtemps que j'en rêvais, mais j'ai un peu peur : ce n'est pas très très loin, mais tellement différent du monde occidental… "
- " Tu sais sûrement que j'ai un grand ami à Osaka, il s'appelle Hiroshi. Le pauvre apprend le Français pour plaire à Carole, il en est fou amoureux. Je crois que ce serait une bonne idée que je vous mette en rapport tous les deux. "
- " Oui, avec grand plaisir ! Mais je ne parle pas Japonais… " Je ris :
- " Mais moi non plus, qu'est-ce que tu crois ! Parle-lui en français, il ne demande que ça, et si vraiment il ne comprend pas, rabats-toi sur l'anglais. Je le contacte dès que possible, mais à mon avis, il sera fou de joie. "

Nous avons papoté un long moment et je lui donnai des nouvelles du village et de Carole. J'évitai bien sûr soigneusement nos dernières péripéties, cela ne cadrait pas du tout avec les convictions religieuses de Maman, ni avec sa vision du couple. Ce faisant, j'envoyai un petit courrier à Hiroshi qui me répondit presque aussitôt: Il devait dormir à côté de son ordinateur, prêt à intervenir… Il n'était pas en ligne sur notre réseau restreint, ce qui ne l'empêchait pas d'être en liaison continue via Internet.

J'en fis part à ma maman :
- " Pendant que nous parlions, il m'a déjà répondu : c'est bref, il n'aime pas trop écrire… Il se débrouille mieux à l'oral. Voici son mail : " Oui, beaucoup plaisir, parler maman Luc. " Et là, je te passe les fautes d'orthographe, mais je t'envoie son mail pour les coordonnées. Tu as même son numéro de téléphone Internet. Tu n'as qu'à cliquer dessus. " Ma maman était ravie de pouvoir converser avec un japonais. Je crois que c'était un de ses -chastes- fantasmes :
- " Merci beaucoup, mon chéri. Embrasse bien Carole, et fais une caresse de ma part à Gribouille ! Bisous, mon grand ! " Elle raccrocha. Pour le nom de notre félin, elle retardait un peu… Je continuai à travailler sans grande conviction jusqu'à sept heures moins dix, et allai rejoindre la progéniture de mes maîtres.

Ils jouaient au billard : Jasmine mettait la pâtée à son frère qui me semblait plutôt grognon.
- " Eh bien, Régis, on dirait que la petite panthère des banlieues t'a bien étrillé… " Il fit mine d'asséner un violent coup de queue derrière la tête de sa sœur, concentrée sur la série qu'elle achevait :
- " Elle m'a tanné pour que je joue avec elle... Moi, je préfère les jeux électroniques. " Il louchait sur la console du jeu " Galactica. " Jasmine nous contemplait d'un air supérieur, le sourire aux lèvres, sa queue entre les pieds :
- " Je mets la pile à tous les garçons qui me défient. Et je parie toujours leur petite gueule d'amour ! " Régis compléta en l'imitant :
- " …Et c'est pour ça qu'ils me laissent gagner ! " Elle lui tapota l'estomac avec sa queue en arborant son petit sourire narquois que j'aime tant :
- " On n'a rien parié, face d'alien, et je t'ai écrabouillé quand même. " Je levai les bras pour abréger leur joyeuse dispute :
- " Bon, les enf… " Je me rattrapai en souriant à Jasmine :
- " Madame, Monsieur, je dois m'absenter pour une période indéterminée. Je vous laisse la maison, faites ce que vous voulez, mais n'allez pas dans mon bureau. Il y a là du matériel sensible, et s'il lui arrivait malheur, je serais dans de sales draps. Pour le repas, je vous laisse fouiner, il y a du pain dans le panier, des pizzas au congélo et des tomates sur la table et dans le jardin... Et pas de Ouissecasse au micro-ondes, s'il vous plait ! " Ils rirent.

Régis avait démarré une partie de Baby-foot avec sa sœur : lui qui préférait les jeux électroniques…
- " T'inquiète, on est des enfants de familles décomposées. On gère… Et paf ! Tu l'as pas vue venir, celle-là ! " Apparemment, je pouvais les laisser seuls, ils se passeraient fort bien de moi, le temps que je fasse la connaissance de notre Germain…

Une voiture assez luxueuse barrait l'entrée du portail de mes voisins : notre prestigieux invité devait déjà être là… La lumière était allumée dans l'atelier encombré de Diane, et je pus l'entendre discuter boutique avec un homme qui ne me semblait pas trop commode. Ma maîtresse m'avait assuré avoir de quoi le retenir assez longtemps pour que j'aie le temps de ne pas louper mon entrée...

Je me glissai à l'étage pour me préparer : Je m'appliquai à bien me travestir, me maquillai avec soin et revêtis la tenue complète de soubrette, bas y compris. Mon reflet dans la grande glace me plaisait toujours autant, mais je dus me faire violence pour écourter ma contemplation : notre invité ne devait pas tarder à entrer, et il me fallait préparer son arrivée.

Je m'activais en cuisine, préparant les amuse-gueule avec Denis, aussi absorbé que moi. Il me briefa rapidement sur la conduite à adopter et se laissa aller à s'épancher un peu :
- " Tu me rends vraiment fou... Tout à l'heure, quand tu m'as montré ton cul, bien moulé dans ta petite culotte sexy, j'avais une terrible envie de te le bourrer sur le capot de ta bagnole. Et j'ai écouté les gars parler, ils passaient leur temps à t'insulter, et en même temps, ils m'enviaient terriblement. Il faut que tu reviennes… Surprends-moi ! Je pense beaucoup à toi, et à Diane aussi, bien sûr... Attention, les voilà. "

Il haussa le ton :
- " Bon sang, Alicia, tu le fais exprès ? Tu t'es encore trompée d'assiette ! Tu mériterais que je te fouette à nouveau ! " Je me confondis en excuse :
- " Pardon, Monsieur. J'avais pas la tête. C'est qu'on reçoit un Monsieur important, aujourd'hui... " Diane et Germain, dans le hall, avaient bien sûr tout entendu. Ce dernier sembla flatté, et lança à la cantonade :
- " C'est vrai que je suis le meilleur expert de la région, souvent consulté par la justice et mes collègues moins doués… D'ailleurs, Diane, tu me déçois profondément : cela se voyait à l'œil nu que ce n'était pas un véritable Lalique*, mais une pâle copie des années cinquante. Quant à ta soi-disant commode Louis Seize... Mon temps est précieux, réfléchis à deux fois avant de me déranger, la prochaine fois… "

Je cherchais un terme adéquat pour définir notre invité… Voyons… Ah ! Oui. Un con fini : Suffisant, le maître du monde. Et physiquement, pas beau : assez petit, bedonnant, les cheveux plus sel que poivre dégarnis au milieu, le crâne nu camouflé par une élégante série de mèches plaquées sur sa calvitie, un grain de beauté -de toute beauté- sur la joue et une grosse lippe tombante et humide. Voilà pour la partie visible. Sinon, il était très élégant, très bien habillé et très soigné. Je comprenais encore mieux le choix de mes maîtres : ce serait terriblement humiliant de lui appartenir…

Ils s'installèrent au salon, Diane continuant stoïquement de se faire rabaisser par son mentor. Je servais les apéritifs et présentais les plats d'amuse-gueule, me faisant sans cesse rabrouer et critiquer par mes maîtres. Germain tantôt piquait dans le plat que je lui présentais, tantôt me chassait d'un revers de main comme un insecte gênant. Il leva un sourcil intrigué quand il surprit Denis remonter sa main sous ma robe et me faire pousser un petit cri en me pinçant la cuisse assez cruellement. Il ne dit mot, mais vit que Diane y semblait tout à fait indifférente, jusqu'à ce que les caresses obscènes de Denis me fassent échapper quelques olives qui roulèrent au sol. Diane s'emporta brusquement et me frappa bruyamment la cuisse :
- " Mais quelle cruche ! Fais attention ! Continue, et je te bats ! " Germain semblait interloqué, et je vis redoubler la flamme lubrique qu'il avait dans l'œil quand il me regardait. Diane voulut briller un peu devant son Pygmalion qu'elle avait grandement déçu, et lui fit, quelques minutes après cet incident :
- " Qu'est-ce que vous pensez de notre nouvelle bonne ? " Il fit une moue répugnante en regardant mes jambes :
- " Elle me semble plutôt empotée. Jolie, mais empotée. "
- " Vous savez, il est difficile de trouver du personnel peu exigeant de nos jours. Et puis, on peut la battre, ça compense les soucis qu'elle nous donne. Sans compter que mon époux use de son droit de cuissage… " Il semblait intéressé :
- " Mais que dis-tu ? Ce sont des pratiques d'un autre âge ! "
- " Je vous assure que c'est pourtant la vérité... Mais demandez-lui ! "

Il se tourna vers moi avec l'air amical d'un pervers offrant des bonbons à la sortie des écoles :
- " C'est bien vrai, ma fille ? " Je tordais mes doigts, fortement impressionnée :
- " Oui, Monsieur. J'ai pas tout compris ce que vous avez dit, mais mes maîtres sont très gentils de me garder : Je fais des bêtises, alors ils me battent, c'est normal. Et Monsieur Denis il m'aime bien, je suis contente qu'il me pardonne toujours après qu'il… a fait ses petites affaires avec moi. Voilà. " Il soupira d'aise, et fit à mes maîtres :
- " Eh bien, je trouve que vous avez de la chance ! Ma gouvernante est moins… arrangeante. Elle vous coûte cher, si ce n'est pas indiscret ? " Diane fit la moue :
- " Oh, ça va… On lui donne une amende à chaque fois qu'elle fait des bêtises et qu'on doit la battre, ce qui fait qu'on ne lui doit presque rien à la fin de la semaine. " Il était de plus en plus étonné :
- " Dis-moi… Heu… Quel est ton nom, ma petite ? "
- " Alicia, Monsieur. "
- " Dis-moi, Alicia, Tu gagnes beaucoup d'argent, chez tes maîtres ? " Je hochai la tête avec véhémence :
- " Oh oui, Monsieur ! Quand j'ai pas fait trop de bêtises, je gagne bien vingt euros ! Alors, le dimanche matin, quand je peux sortir pour aller à la messe, j'achète toujours un petit cadeau à Monsieur au bureau de tabac à côté de l'église et des fleurs à Madame pour les remercier. Chez mes anciens maîtres, je n'avais rien et je pouvais pas sortir. En plus, ils faisaient venir plein de messieurs qui s'amusaient avec moi. Alors le soir, j'avais mal aux fesses. Mais c'est pas pour me plaindre, hein ? Et maintenant, je suis très heureuse. Et je mange bien aussi : quand y en a, je peux même manger les bons restes de mes maîtres. " Diane avait du mal à se retenir de rire, et pouffa carrément quand je la couvai de mon regard de Saint-Bernard éperdu de reconnaissance. Germain prit ça pour de la moquerie envers une pauvre fille simplette, abusée de façon éhontée.

Devant tant de naïveté, le désir l'envahit :
- " Dis-moi, Diane, pourrais-tu me prêter les services de… d'Alicia pour un Week-end ? Je crois que la pauvre petite aurait besoin de leçons auprès de ma gouvernante. " Diane semblait gênée :
- " C'est qu'on y est très attaché. C'est une gentille fille, vous savez… " Germain laissa tomber brutalement :
- " Combien ? " Diane répondit du tac au tac, sur le même ton sec :
- " Cinq cent euros. " Il siffla entre ses dents :
- " Eh bien, c'est le prix d'une call-girl de grand standing… Deux cent. "
- " Je suis antiquaire, pas brocanteuse : C'est à prendre ou à laisser. Cinq cent. " Il soupira et sortit un billet de cinq cent euros de son portefeuille et l'agita sous mon nez avant de le donner à Diane :
- " Tu vois ce que tu me coûtes ? J'espère que tu m'en donneras pour mon argent ! " Je pris un air navré en me tordant les mains et regardai Diane et Denis :
- " Je suis désolée, mes chers maîtres. Je savais pas que je vous revenais si cher. Je savais bien que vous me donnez trop. " Germain me prit la main, la caressa et fit à Diane :
- " Au fait, j'ai peut-être agi un peu vite... Je ne suis pas sûr de ses… Compétences, après tout… " Diane me tira brutalement par l'autre main et me dit sèchement en me forçant à m'agenouiller :
- " Fais ce que tu fais à Monsieur quand il boit son café, après dîner ! " Je regardai autour de moi et fis d'un air gêné :
- " Bien, Madame. Mais je venais de lui faire dans la cuisine, avant que vous êtes rentrés... " Denis pouffa :
- " Ne t'inquiète pas, c'est juste pour une démonstration… " Je m'agenouillai entre les cuisses de Denis et lui fis une fellation très excitante à regarder. Je commençais à être bien rôdée…

Denis était en transes :
- " Voilà… Oui, comme ça… Elle suce très bien, ma petite salope… Oui, vous pouvez l'insulter, pour elle, c'est normal. Qu'est-ce qu'elle est bonne… Ça se sent qu'elle a beaucoup de pratique. Et elle fait ça de la manière que vous voulez, vous n'avez qu'à demander. Même pour la sauter : moi, je passe mon temps à la prendre par derrière, et du matin au soir : Diane est soulagée… Bon, arrête maintenant. Arrête, je te dis ! " Il m'arracha à grand peine de son sexe en riant :
- " Le problème, c'est que c'est une petite assoiffée ! Pour elle, c'est une récompense... " Je reboutonnai tristement son pantalon, me relevai et lui fit avec des yeux de chien battu :
- " Je suis désolée, Monsieur. Je n'ai pas l'habitude d'arrêter avant que vous soyez content. Je crois que je mérite pas ma récompense, cette fois. Vous allez me taper ? " Denis rit en me flattant la cuisse :
- " Non, pas cette fois… Va dans ta chambre te préparer, j'arrive bientôt. Tu auras ta récompense, mais de l'autre façon. " Je lui souris en faisant une petite révérence à notre invité :
- " Merci, Monsieur Denis. J'aime presque autant… Au revoir, Monsieur… " Et je montai les escaliers, juste assez pour ne plus être vue.

Germain n'en croyait pas ses yeux :
- " Quelle chance vous avez ! Diane, cela ne te gêne pas que ton mari copule ainsi avec la soubrette, et devant toi, encore ? " Elle secoua la tête en riant :
- " Pas du tout ! Vous savez, elle nous sert à tous les deux, moi aussi j'en profite. Elle est également très douée pour le cunnilingus, et toujours disponible, quand Denis n'en a pas l'utilité. Mais il arrive assez souvent qu'on s'en serve tous les deux en même temps. C'est notre jouet, quoi... Vous comprendrez aisément que vous la laisser tout un week-end, ça nous coûte vraiment. "

Ils se levèrent :
- " Je repasserai la prendre vendredi soir, à cinq heures. Qu'elle soit prête. " Denis était toujours excité :
- " Excusez-moi, Germain, mais je vais la retrouver : je n'y tiens plus ! " Diane et Germain sortirent, et je l'entendis faiblement dire à ma maîtresse :
- " Vraiment, quelle chance… " Le reste se perdit au dehors.

Denis tomba sur moi, assise sur les marches :
- " Tu es encore là ?! Allez, monte, j'étais sérieux ! " Il me poussa brutalement dans la chambre et me laissa juste le temps de me préparer sommairement avant de me prendre sauvagement. Je m'appliquai à rester totalement inerte pour lui être encore plus agréable, mais cette fois, il me fit assez mal et me fit crier un peu. J'adore être violentée de la sorte, et là, j'avais été plutôt servie… Il jouit avant de m'avoir infligé une vingtaine de coups de reins et resta en moi quelques instants, en me caressant les épaules :
- " Tu m'as fait bander comme un âne avec tes histoires de Cosette. Tu as vu avec quel gros porc on va t'accoupler ? Je voudrais bien le voir te saillir, t'écraser de son gros ventre. Tu es contente ? " Je soupirai d'aise :
- " Oui, très ! C'est vrai qu'il me répugne, mais j'en aurais encore plus de plaisir à vous servir. Par contre, il ne sait pas que je ne suis pas une fille : Ça risque de tourner court, voire même au vinaigre… " Il me tapota la cuisse en se relevant :
- " J'ai une idée : Tu as tes règles… "

Denis redescendit rejoindre son épouse après avoir fait sa toilette. Je pris une douche et me rechangeai en Luc avant de souhaiter une bonne soirée à mes maîtres et voisins. Diane m'embrassa en riant :
- " Tu es fou de raconter de telles horreurs ! Je voulais juste te présenter comme une fille facile, pas comme une attardée qui se fait exploiter ! J'ai cru que j'allais tout faire capoter quand tu m'as fait rire. Apparemment, tu es très convaincant…"
- " J'ai comme l'impression qu'il a bien mordu à l'hameçon. Pour le reste, fais-moi confiance, j'ai ma petite idée. "
- " Tu me raconteras après. Passe une bonne soirée avec les enfants… "
Elle m'avait dit ça sur un ton lourd de sous-entendus. Denis ne rajouta rien, mais il savait que j'allais passer la nuit avec sa fille et il ne sautait pas de joie.

Je retrouvai les enfants qui étaient encore en train de jouer. J'ai dû les tirer par les pieds pour qu'ils m'aident à préparer le souper : des œufs au plat et de la salade de tomate et concombre. Je me dis en moi-même : " Vivement que Carole rentre, je commence à en avoir assez de devoir faire de la grande cuisine… "

Le dessert avalé, je proposai une partie de billard à Jasmine, qui accepta avec joie :
- " Si je gagne, c'est moi qui décide de tout. Si tu gagnes, ce qui n'étonnerait, c'est toi ! " Régis, lui, était trop heureux de pouvoir s'adonner à ses jeux solitaires… Au fur et à mesure que la soirée s'avançait, elle s'enhardissait de plus en plus, me volant un baiser à chaque point gagné.

Elle avait à peine entré la boule blanche en quatre bandes -elle jouait très bien- qu'elle posa sa queue sur le velours vert et me sauta littéralement dessus, ceinturant mes hanches avec ses cuisses. Elle m'enlaça passionnément et me regarda droit dans les yeux, les siens écarquillés:
- " C'est moi qui mène la danse, d'accord ? " Elle retomba sur ses pieds, et fit tout naturellement :
- " On en fait une autre ? " je levai les bras et les laissai retomber avec fatalité sur mes cuisses :
- " On a plus rien à parier… " Elle sourit et me répondit, ingénue :
- " Ce sera le nombre de fois qu'on le fera ! " Je la laissai se bercer par ses illusions et moi, je me laissai convaincre de faire cinq autres parties, toutes perdues : Les négociations promettaient d'être longues…

Il était déjà onze heures. Je l'abandonnai à son frère, à sa grande déception :
- " Désolé, j'ai une course à faire. Je ne serai pas long. "

Je téléphonai au " Lolitas ", en prenant la voix d'Alicia. Isabelle me répondit :
- " Ah, c'est toi, canaille ! Ne te fatigue pas, tout le monde est au courant … Toutes mes félicitations, personne ne s'est douté que tu étais un garçon ! " Je repris ma voix mâle, déçu :
- " C'est plus la peine que je vienne, quoi… "
- " Oh ! Mais que si ! On se demande toutes à quoi tu ressembles, en mec. Tu es une vraie légende ! Même Caro chante tes louanges, c'est pour dire…"
- " En effet, ce doit être quelque chose… Dis, je voudrais savoir à quelle heure Chloé prend sa pause… "
- " À minuit moins dix, pourquoi ? "
- " Je veux lui faire une surprise. Tu ne lui donnes rien à boire et tu l'envoies dehors. D'accord ? "

Isabelle se demandait ce que je manigançais, mais je ne lui en dis pas plus. Je préparai soigneusement mes affaires, pris un sac, une glacière et un fauteuil de camping pliant, et allai emprunter la voiture de Denis. Le portail était fermé, ils avaient bouclé la maison pour la nuit. Heureusement que les enfants avaient la clé… Je sautai le portillon -je renonçai à essayer de l'ouvrir dans le noir- et entrai dans le salon, en laissant mon barda dehors.

Denis faisait violemment l'amour à Diane, sur le canapé, couché entre ses cuisses relevées bien haut. Je savourai ce spectacle avec grand plaisir -en pensant toutefois que leurs enfants auraient très bien pu se trouver à ma place- jusqu'à ce que Diane me remarque :
- " Tiens, tu… es là… Luc ? " Je me fis tout petit :
- " Je ne voulais pas vous déranger, je voulais voir si Denis pouvais me prêter sa voiture… " Il s'arrêta de besogner son épouse pour répondre :
- " Bien sûr ! Sers-toi, fais comme chez toi. Ça va, avec les gosses ? " Je pris les clés et les papiers et me dirigeai déjà vers la porte :
- " Oui, oui… Merci ! " Ils avaient repris leurs ébats avant que je ne referme la porte.

Il était minuit moins le quart quand je me garai à une centaine de mètres de la boîte. J'ai dû me dépêcher pour ne pas rater mon entrée, ou plutôt la sortie de Chloé. J'étalai mon matériel sur le trottoir, comme un vulgaire camelot. Chloé apparut à l'heure dite, l'air un peu étonnée de me voir :
- " Tiens donc ! J'aurais dû me douter que ça ne pouvait être que toi : Isabelle m'a fait plein de mystères, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille… " Je l'embrassai langoureusement :
- " Bonsoir, ma chérie. Je t'ai manqué un peu ? " Elle soupira, l'air triste :
- " Ohhh Oui... C'était si bien, chez toi… Ma copine arrive vers une heure. Je préfèrerais qu'elle ne te voies pas, elle n'est pas partageuse. Mais c'est quoi, tout ce bordel ? " Je dépliai le fauteuil et l'installai d'autorité dedans :
- " Ce bordel, comme tu dis, c'est le nécessaire pour une pause réussie. Bière ou lait de chèvre ? " J'avais ouvert la glacière et lui présentai les boissons. Elle rit :
- " Mazette ! Quel service ! Je prendrais plutôt une bière. Mais si tu pouvais faire goûter le lait à Isabelle, elle avait l'air plutôt intéressée. " Pendant qu'elle sirotait sa bière, confortablement installée, je massais ses pauvres pieds avec un baume apaisant. Chloé se pâmait :
- " Mon dieu, quel bonheur ! Toutes les serveuses n'ont pas cette chance… " De rares passants riaient en voyant notre manège, et quelques clientes du " Lolitas ", sorties pour fumer, vinrent nous épier avec amusement. Caroline et Stéphanie, mes deux amies pointèrent leur nez à la porte, et nous entourèrent bientôt :
- " Alors, petite cochonne, tu as tombé le masque ? Tu es plutôt mignon, pour un homme, dis donc ! En tout cas, tu es bien dévoué à ta copine. C'est vraiment adorable… Si tous les hommes étaient comme toi, on serait moins de gouines ! "

Chloé avait terminé sa pause. Elle me remercia avec émotion, sous les yeux attendris d'une petite troupe d'admiratrices :
- " Merci beaucoup mon petit chou. Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as émue…J'espère que tu vas rester un peu, que je profite de toi… "
- " Pas longtemps… Une toute jeune fille m 'attend à la maison. J'étais juste passé te faire un peu de bien… " Chloé reprit son service après m'avoir couvé longuement d'un regard reconnaissant. Elle n'a pas dû croire à mon excuse…

Je la suivis avec mon grand verre de lait que j'apportai à Isabelle :
- " Salut ma grande ! Tiens, voilà du lait de chèvre : Chloé m'a dit que tu voulais goûter… " Elle me dévisagea avec intérêt :
- " Salut, beau blond ! Tu es drôlement mignon aussi, en garçon… C'est vraiment gentil, le lait de chèvre : Chloé n'a pas arrêté de me faire bisquer avec ça ! " Elle goûta puis but le verre avec délice. Elle me le tendit et me fit d'une voix enfantine :
- " Encore ! " Je ris :
- " Non, je suis désolé, ma chérie, mais il n'y en a plus... Bon, je range mon matériel et je reviens. "

Caroline était confortablement assise dans mon fauteuil, et Stéphanie, baissée, farfouillait dans la glacière. Je lui mis un petit coup de pied aux fesses :
- " Hopopop ! Qu'est-ce que tu fous là-dedans ? " Elle rit :
- " Hé, sauvage ! On te gardait la boutique, et c'est comme ça que tu nous remercies ? " J'invitai Caro à se lever en frappant dans les mains :
- " Allez, ouste ! Je remballe ! L'attraction est terminée. Et comme je lis une foule de questions dans vos yeux bovins, je vous paye un verre vite fait. " Elles m'aidèrent à remporter mes accessoires jusqu'à la voiture après m'avoir mis une claque chacune. Ma galanterie légendaire m'avait encore jouée des tours… Moi, je trouve ça très joli, les yeux d'une vache…

J'attirai Chloé à notre table en lui adressant un signe de la main. Je n'ai pas eu à attendre beaucoup, elle avait les yeux constamment braqués sur moi. Les sœurs siamoises donnèrent dans l'originalité en commandant un baby et une vodka orange, et je les accompagnai avec mon désormais célèbre Suze-cassis. Chloé me confia :
- " Tu sais que tu as relancé la mode ? J'en ai servi six, rien que ce soir. Rassure-toi, j'ai renouvelé le stock ! " Elle m'embrassa rapidement et rejoignit le bar en gambadant joyeusement. Mon petit traitement semblait lui faire de l'effet…

Stéphanie me fit un grand sourire :
- " On a bien rigolé, après coup, de ton numéro avec ton soi-disant mari. Vous nous avez bien roulées… " Caroline renchérit :
- " Ouais, et le pompon, c'était le coup des roses : quel cinéma ! " Je pris un air grave et songeur :
- " Et bien non, justement : ça a été spontané, et sincère. Je suis amoureux de mon amant à la fois tendre et brutal, comme il est amoureux d'Alicia. Je vous jure que pour ça, on ne vous a pas joué la comédie. " Elles ne savaient plus quoi dire. Heureusement, Chloé reparut rapidement avec son plateau et je lui dis en riant :
- " Tu vois, tu es une vraie poupée mécanique : un coup de clé, une goutte d'huile et c'est reparti ! Bravo pour la diligence de ton service ! " Chloé s'approcha de moi et me tendit sa poitrine pour que je la félicite de plus près. J'en embrassai la partie visible -assez conséquente- et y glissai un billet de cinq euros.

Elle s'assit un moment sur mes genoux pour que j'en aie pour mon argent, jusqu'à ce qu'elle se relève brusquement :
- " Merde, voilà ma copine ! Elle m'a repérée, elle vient par ici : Elle est en avance… " Son amie était très jolie. Plus très jeune, mais diablement séduisante et altière, les cheveux blonds cendrés, mi-long du plus bel effet. Chloé voulut sauver les apparences :
- " Voilà, Messieurs dames, ça fait treize Euros cinquante. " Je lui tendis deux billets qu'elle empocha.

Quelque peu angoissée par la situation, elle fit à son amie :
- " Tu m'attends là, Joëlle ? Je prends une commande et je suis à toi... " Je la rattrapai au vol :
- " Hep, Mademoiselle ! Ma monnaie ! " Elle me paya et continua sur sa lancée.

Je fis à Joëlle, faussement remonté :
- " Il faut avoir l'œil, ici ! Ça fait deux fois qu'elle me fait le coup : Elle doit s'arrondir les fins de mois sur le dos des clients trop saouls pour compter ! " Joëlle me prit de haut :
- " Ça m'étonnerait, Monsieur ! Il n'y a pas plus honnête et travailleuse que cette fille. Et si vous voulez le savoir, je vais lui demander de partager ma vie, ce soir même. Nous sommes amoureuses depuis longtemps, Et j'ai même l'intention de sacrifier ma carrière pour elle, pour être toujours à ses côtés. " Chloé revint l'installer à une petite table isolée et Joëlle la força à s'asseoir avec elle, lui prit les mains en parlant avec solennité. Chloé se leva pour l'embrasser et la serrer dans ses bras, puis alla chercher sa consommation. Elle me jeta un air malheureux au passage : elle lui avait dit oui.

Caro commenta :
- " Je crois que votre histoire d'amour vient de se terminer… " Je me levai et leur fit la bise :
- " Bof !... On verra… Au pire, je viendrai m'enfermer aux toilettes avec elle !… Bon j'y vais, une jeune fille m'attend chez moi. Bisous. " Elles rirent. Pourquoi personne ne me prend au sérieux quand je dis la vérité ?

Je rendis la voiture à mes voisins, sans les voir cette fois, ils devaient être couchés. Par contre, à la maison, c'était un peu plus agité : Régis criait comme un putois dans la salle de jeux. A ma grande surprise, il était seul :
- " Ben pourquoi tu couines comme ça ? Tu t'es fait faire une pipe par miss Pac-man ? " Il rit :
- " Non, mais j'étais à deux doigts de faire péter le score de Galactica. J'ai flippé, et j'ai paumé. "
- " Elle est où, ta sœur ? " Il fit un geste évasif :
- " Elle m'a dit qu'elle allait faire un saut à la maison, mais je ne l'ai pas vue revenir. Tu as regardé dans ton lit ? " Il avait dit ces derniers mots avec un sourire malicieux.
- " Ah ! Non… De toute façon, je vais me coucher. Tu peux rester encore, si tu veux, et si tu ne te remets pas à hurler à la mort… " Il sourit :
- " Je crois que je vais faire pareil, ça commence à me péter les neurones, le démon du jeu... Bonne nuit avec ta panthère, si elle revient : je sens que tu ne vas pas fermer l'œil de la nuit… "

Je l'accompagnai jusqu'à la porte et il me fit la bise. Il me quitta à regret en me prenant les hanches:
- " Bonne nuit. Tu crois que je pourrais encore coucher avec Alicia, moi aussi ? " Je lui caressai la joue :
- " J'espère bien ! Je crois bien que la nuit avec toi était sa plus belle nuit... " Il sourit en détournant les yeux et disparut dans l'obscurité.

Je fis ma toilette du soir et entrai dans ma chambre, nu sous mon peignoir. Je fus tout de même plutôt surpris de trouver Jasmine assise dans le lit, appuyée sur des oreillers et regardant la télé, une émission musicale pour les jeunes. Elle était si petite dans ce grand lit, vêtue d'une chemise de nuit rose à volants un peu trop juste -celle de son enfance si proche- et pourtant si femme avec son maquillage glamour et sa cascade de longs cheveux noirs. Elle était belle comme un cœur, si touchante que j'aurais voulu la serrer dans mes bras et la couvrir de baisers. Mais nous n'avions pas les mêmes sentiments l'un pour l'autre et ma tenue était trop inconvenante pour que je me laisse aller à exprimer ainsi ma tendresse pour ma fille toute neuve…

Jasmine caressait distraitement Ouissecasse lové sur ses cuisses et qui ronronnait comme un fou. Elle éteignit la télé en me voyant et me fit d'une petite voix triste :
- " Ah, quand même, tu penses à moi… Tu as été voir une de tes maîtresses ? "

Je m'assis sur le lit et lui prit doucement la main :
- " Non, Jasmine, pas comme tu l'entends… " Elle me reprit :
- " Yasminah. " Je soupirai : Yasminah Müller, ça ne collait pas vraiment…
- " Je préfère Jasmine. C'est tellement plus joli, et plus doux… " Elle me sourit et minauda :
- " Comme tu veux, mon chéri… "
- " Je disais donc, je suis bien allé voir une dame, mais seulement pour lui apporter un peu de réconfort en lui offrant à boire et en lui massant les pieds. C'est une serveuse de boite de nuit, et elle travaille dur. Voilà. " Elle me croyait à moitié, mais je ne pouvais pas lui en vouloir, et lâcha après un profond soupir :
- " Si tu le dis… "

Je contemplai ma robe de chambre mal fermée et me levai :
- " Je vais passer autre chose. Ce sera mieux. " Elle me coula un regard gourmand, mais elle devait se méprendre sur mes intentions...

J'exhumai d'un tiroir du débarras un pyjama rayé flambant neuf que je n'avais jamais porté : il était horrible et semblait être taillé dans de la toile à matelas. Un cadeau humoristique de ma chère Ghislaine… D'habitude, je dors nu ou dans un long T-shirt faisant office de chemise de nuit. C'est d'ailleurs le seul pyjama que je possède.

Je ne l'avais jamais essayé -je n'en avais encore jamais été réduit à cette extrémité- et je fus surpris de nager dedans : il faisait bien trois tailles au dessus, et je ressemblais à un rescapé des camps de la mort là-dedans. Plus sexy, tu meurs !

Ce fut d'ailleurs aussi l'avis de Jasmine et je pus lire une expression d'effroi et d'amère déception lorsque je reparus devant elle :
- " Putain, mais quelle horreur ! Tu as fait les soldes à Buchenwald, ou quoi ? " Je pris quelques poses de mannequin dans un défilé de mode et lui répondit :
- " C'est chou, non ? C'est très " vintage ", je trouve… C'est un cadeau de ma belle-mère, c'est pour te dire à quel point elle m'aime ! "

Elle fixa le mur, les yeux humides, imperméable à mon humour :
- " Je sais maintenant que toi, tu ne m'aimes pas, mais j'aurais cru que tu aurais eu envie de moi, au moins… " À ces mots, je bondis sur le lit et lui pris les mains :
- " Comment peux-tu dire ça ? Je t'aime beaucoup, au contraire, et bien plus que je ne le devrais ! Je t'aime comme si tu étais ma propre fille ! Tu m'as manqué toutes ces années, tu sais ? Et aujourd'hui, je veux rattraper le temps perdu. "

Jasmine poussa un grand soupir plein de larmes :
- " Alors, c'est foutu ? Nous deux ? " Je la serrai tendrement contre ma poitrine :
- " Mais non… Ce n'est que partie remise, je te le promets ! Lorsque tu seras une jeune femme, que tu auras mûri un peu et si tu veux encore de moi, je serai là pour toi ! " Elle lâcha sur un ton morne :
- " Tant que je resterai vierge, je ne serai pas une femme… "
- " Tu n'as pas compris… Tu es encore trop jeune pour comprendre ce que je veux dire. "

Nous sommes restés quelques minutes blottis l'un contre l'autre, moi jouant avec une mèche de ses beaux cheveux noirs, Elle avec la queue de W qui finit par en avoir assez.

Ouissecasse sortit, et je brisai le silence :
- " Tu es vraiment une belle jeune fille, et tu sens très bon. Un vrai bonbon… " Elle fit une petite grimace :
- " Désolée, c'est du parfum de gosse, à la vanille. J'avais que ça sous la main. " Elle était très tendue. Nous sentant dans une impasse, je m'installai à ma place et mis la main sur l'interrupteur :
- " Tu veux dormir ? " Elle lâcha, peu convaincue :
- " Mouais… Dormir. Quand je disais " dormir avec toi, " je ne voyais pas ça comme ça… "

Je ne trouvais pas le sommeil, troublé par les soupirs incessants de Jasmine :
- " Tu ne dors pas ? " Elle était un peu aigrie :
- " Je vois pas comment je pourrais. "
- " Tu veux parler ? "
- " Ouais… Puisqu'il me reste plus que ça. " Seulement, je ne savais pas comment entamer la discussion, et de longues secondes s'écoulèrent avant que je me lance en rallumant la lumière :
- " C'est si important pour toi de perdre ta virginité ? " Elle se jeta dans mes bras et se blottit contre ma poitrine revêtue de sa toile à matelas :
- " Oui ! J'aurais voulu que ce soit toi le premier ! Cette nuit ! Demain matin, je me serais levée, j'aurais regardé le sang sur mes cuisses et je me serais dit ça y est, je suis une femme. Ta femme ! " Je la rassurai :
- " Hé bien, jeune fille, que de passion !… Tu sais, ça ne se termine pas toujours dans un bain de sang… Carole, elle, n'a quasiment rien senti et n'a perdu qu'une toute petite goutte. Ça dépend des femmes, et de la façon dont ça se passe. Mais pourquoi tu ne demandes pas plutôt à un de tes petits amis ? Une jolie fille comme toi, tu devrais avoir au moins un amoureux, non ? "
- " Ouais, c'est sûr… Ils sont bien gentils, tous, mais ils sont trop brutaux et ils me font mal, aucune tendresse. Ils sont tous pareils… Faut dire qu'à force de regarder des pornos, ils veulent aller trop vite, ils n'ont pas de sentiments. "
- " Toi aussi tu veux aller trop vite. Tu veux te débarrasser de ta virginité comme d'un mal de dent. Crois-moi, pour ce genre de chose il ne faut rien précipiter, ni rien programmer. Pour revenir à Carole -excuse-moi de reparler d'elle- ça s'est passé un après-midi d'été, tout naturellement, nous n'avions pas dit un mot ni l'un ni l'autre, c'est arrivé comme ça. Elle avait dix neuf ans, pourtant je crois qu'elle était -si c'est possible- encore plus délurée que toi ! " Elle fit, songeuse :
- " Dix-neuf ans… Je ne crois pas que je pourrais attendre si longtemps. Mais toi, tu avais quel âge ? "
- " Ben… Dix-sept, elle a deux ans de plus que moi. " Elle cria, victorieuse :
- " Tu étais mineur ! Tu vois qu'un adulte peut coucher avec une ado ! " Je tempérai ses élans :
- " Vu la différence d'âge, on ne peut pas parler de détournement de mineur ! Pour nous, par contre… Mais bon, pour revenir à ce qui te concerne, il y a plein de choses à faire avec un garçon avant de te sentir obligé de lui offrir ta virginité… " Jasmine poussa un profond soupir :
- " Ouais, je sais, j'en parle souvent avec Diane… Mais moi, c'est différent. J'ai un problème. Tu n'es pas tombé loin quand tu as parlé de mal de dent… " Je lui fis en riant :
- " Ne me dis pas que tu as une carie mal placée ! " Elle ne goûta pas mon humour et fit une moue contrariée :
- " T'es con. C'est pas drôle. J'ai le même problème que ma maman, elle a dégusté grave. " Je me sentais un peu bête sur ce coup :
- " Ah bon ? Pourquoi ? "
- " Mon hymen est à peine ouvert. Maman m'a dit que ça été terrible, et elle a eu très mal, elle a saigné beaucoup et elle a été déchirée... C'était mon Papa, Denis, il l'a presque violée malgré ses cris. Elle s'était gardée intacte pour lui, pour le jour de son mariage. "
La nouvelle me révulsa et m'attrista… Que Denis soit brutal avec moi, rien de plus normal. Mais violer son épouse -car pour moi, c'était résolument un viol- le soir de ses noces, je trouvais cela intolérable. Mettons ça sur le compte de la fougue -il était très jeune à l'époque, ou du banquet trop arrosé…
- " Ça alors… J'ai du mal à le croire. "
- " Et pourtant… C'est pour ça que je ne perds pas une occasion de le choquer ou de le contrarier. Je l'aime bien, c'est un bon papa, mais je ne peux pas oublier ce qu'il a fait à maman, surtout que je risque de vivre la même chose. Je lui en ai parlé mais il dit qu'il ne se souvient pas que ce soit si mal passé… C'est pour ça aussi que par moment j'en ai un peu marre d'être la petite Jasmine à Papa. "
- " Oui, je comprends un peu mieux certaines choses… En tous cas, une fille ne doit pas avoir mal. Peut-être une petite douleur passagère, mais qui doit être noyée dans l'amour et le désir, pas dans la peur ni dans la violence... Mais tu n'y es pas encore ! C'est toi qui décideras du moment, quand tu te sentiras prête à franchir le pas… "
- " C'est pour ça que je veux que ce soit toi. Ça me fait un peu chier d'attendre deux ans pour faire le remake de " Massacre à la tronçonneuse, " mais puisque tu as des principes… Je te promets de t'attendre ! "
- " Deux ans, c'est long, surtout à ton âge. Tu rencontreras certainement la perle rare d'ici là. "
- " Tu parles… Et puis, d'après Diane, tu es parfait pour une jeune fille. Tu n'es pas trop… gros. " Elle tentait de n'être pas trop maladroite et je lui demandai :
- " Dis-moi, tu as déjà vu un sexe de garçon ? "

Jasmine hésita un peu avant de me répondre, gênée :
- " Oui… Dans des films pornos de Régis. Mais ils sont bien trop énormes, ceux-là ! Je ne me vois pas me faire déchirer par un truc pareil. Régis avait les boules, il disait qu'il en avait une petite. " Je la rassurai :
- " Tu sais, ceux qu'on voit dans les films, ce sont des bestiaux d'élevage. Le… " Truc " moyen, comme tu dis, est beaucoup plus modeste. C'est comme la chanson de Pierre Perret, " le zizi ", il y en a pour tous les goûts… Et à la portée de toutes les bourses. " Elle n'avait pas fait attention au jeu de mot :
- " En tous cas, si tu en as un petit comme m'a dit Diane, je t'attendrai patiemment, je suis sûre que tu es fait pour moi ! " Je soupirai :
- " Oui, il est petit… " Elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire et s'excusa de sa voix d'enfant qu'elle prenait pour se faire pardonner de son père :
- " Je voulais pas dire ça… Excuse-moi. "

Je lui fit un grand sourire pour lui signifier qu'elle ne m'avait pas blessé :
- " Sinon, tu en es où avec les garçons, si ce n'est pas indiscret ? " Elle me répondit d'une moue dégoutée :
- " Bof… Pas brillant. Il y a un grand blond dans ma classe à qui je plait assez. On s'embrasse et je me laisse peloter un peu, mais ça me fait rien du tout, limite un peu chier. Je préfère encore me… Enfin, toute seule, quoi… Je te dégoute pas ? Tu crois que je suis normale ? "
- " Mais bien sûr que oui ! Inconsciemment, tu dois avoir peur des garçons et du mal qu'ils pourraient te faire. Mais pour parler de tes… Plaisirs solitaires, c'est tout à fait normal, et, contrairement à ce que à notre éducation Judéo-chrétienne nous a enseigné… "
- " Je suis musulmane. Enfin, un peu. "
- " Tout ça, ça vient du même tonneau. Donc, c'est très sain et c'est comme ça que tu construiras ta sensibilité féminine et ton épanouissement sexuel. Tu sais, je me masturbe encore très souvent, malgré toute la satisfaction sexuelle que j'ai. Et Carole aussi, d'ailleurs... Ce n'est pas ça qui va te dégoûter de faire l'amour, bien au contraire ! Et à ton âge, j'étais déjà un grand pratiquant de la chose, j'avais même déjà connu mon premier " Pénis elbow**… "

J'avais au moins réussi à la faire rire…
- " T'es con… Et pour une fille, on dit comment ? Moule elbow ? "
- " Je ne crois pas…Tiens, ça me fais penser à une blague : quelle est la différence entre une moule et un pull-over ? " Elle fit mine de chercher un moment et donna rapidement sa langue au chat :
- " J'sais pas. "
- " Le pull-over moule, et la moule pue l'ovaire. " Elle prit quelques secondes pour bien comprendre, sourit en secouant la tête et me dit :
- " T'es vraiment con... Mais si rigolo ! Mes copains me font pas marrer comme toi, ils sont plutôt genre prise de tête... Attends, bouge pas ! "

Elle attrapa son téléphone posé sur la table de nuit de Carole, le brandit à bout de bras et pris un cliché de nous deux, enlacés dans mon lit conjugal. Elle me soumit son œuvre :
- " Alors, on fait pas un beau couple, bien assorti ? Yasminah, La petite bombasse d'Anthony, et Luc, Mister Buchenwald 2001 ! " L'idée qu'elle conserve une preuve de notre fricotage -bien innocent- m'inquiétait un peu :
- " Tu n'as pas peur que quelqu'un voie cette photo ? Tes parents, surtout… "
- " Non, c'est pour ma collection perso, je l'ai cryptée. Et pour mes parents, t'inquiète, ils y entravent que tchi. Ils savent même pas se servir du minitel***, c'est pour dire… "

Elle reposa son téléphone et resta silencieuse, les yeux au plafond. Je la pris dans mes bras :
- " Alors, mon petit loukoum de banlieue, tu veux faire quoi ? " Elle me jeta un regard implorant :
- " J'ai vraiment pas sommeil… On joue encore un peu ? J'avais prévu un autre genre de loisirs, mais bon…"
- " Tes désirs sont des ordres ma princesse. Monte, je vais chercher des boissons d'avril… "
- " Mmm ? " Elle n'a pas réagi à mon pitoyable jeu de mot, hors saison de surcroît.
- " Non, rien. J'arrive. "

Jasmine avait préparé le billard quand je l'ai rejointe avec une bière et un cola light. Nous avons fait trois parties -sans enjeu cette fois- toutes gagnées par qui vous savez, puis deux de flipper ensemble. Elle ne savait pas y jouer -le flipper n'était plus de sa génération- et je lui en appris les subtilités en me collant derrière elle. Elle semblait apprécier ma méthode pédagogique et y prit vite goût -au jeu, pas à ma chaude proximité… Aussi, comme elle semblait au point, je la laissai jouer seule.

À la troisième partie en solo, elle éteignit l'appareil, se jeta dans mes bras et me fit avec la voix d'une petite enfant grognon:
- " J'en ai marre… Je suis fatiguée... Mais j'ai pas sommeil."
- " Tu veux prendre un bain ? Viens, on a une belle baignoire, à l'étage. " Cette idée la réveilla tout à fait:
- " Ah Ouais ! Je l'ai vue, elle est super chouette ! " Elle me menaça du doigt :
- " Je veux bien, si tu te baignes avec moi ! "
- " Bien sûr, je n'allais pas te laisser seule… Mais en maillot, pas tout nus ! " Jasmine, qui devait s'attendre à une telle réponse de ma part, grimaça un peu :
- " Bien sûr… je vais remettre mes sous-vêtements. Ils ont même pas eu le temps de sécher ! Demain matin, il faut que je demande à Diane de m'acheter un deux-pièces." Après avoir passé un maillot, je rejoignis Jasmine dans un bon bain bouillonnant.

Elle avait bien vu la baignoire, mais elle ne savait pas qu'il y avait cette fonction supplémentaire :
- " Arrête de péter, gros dégueulasse ! " Je lui répondis d'un air las :
- " Toutes celles qui prennent un bain avec moi me sortent un truc dans ce genre. Ça devient plus drôle. " Elle tomba sur la boîte à côté de la baignoire, et en sortit un canard en plastique d'un air entendu :
- " Ouais, je connais, c'est la mode en ce moment... Ça s'allume comment ? Il est déchargé, peut-être ? " Jasmine le tournait en tous sens, cherchant la commande du vibromasseur de baignoire qu'elle croyait tenir entre ses mains.
- " Vous n'y êtes pas du tout, jeune fille à l'esprit pervers. C'est un honnête jouet que tu tiens là, et ceci est la maman. Les enfants sont dans la boîte. " Elle le rangea, déçue :
- " Ça, c'est plus de mon âge. " Je souris en revoyant Carole et Chloé promener leur petite famille de palmipèdes synthétiques à travers la mousse…

Elle rit en repensant à son souci premier :
- " Et dire que ma gynéco -enfin, celle que ma maman m'a emmenée voir- elle veut que je me fasse dépuceler au scalpel ! Ma mère était inquiète -elle était déjà passée par là- et elle a voulu l'avis de la doc. Elle a dit que je risquais d'être gravement déchirée, et elle voulait me faire une épistomie, ou un truc comme ça… "
- " Je crois que c'est une épisiotomie, mais je n'en suis pas sûr… L'incision est assez profonde, il me semble, et je crois que c'est réservé aux accouchements difficiles… " Elle était assez remontée contre les blouses blanches :
- " Ben non, tu vois… Enfin, je préfère de loin ta bistouriquette au bistouri. C'est quand même plus romantique… T'imagines ? " Dis, maman, c'était comment, ta première fois ? -C'est mon plus beau souvenir, ma fille, je me suis fait taillader la moule à coup de cutter… " C'est top glauque... "

Elle se calma vite et me coula un regard amoureux, éperdu de reconnaissance :
- " Je ne te remercierai jamais assez pour t'occuper si bien de moi. Je n'ai jamais parlé comme ça à qui que ce soit, sauf peut-être à Diane, mais elle, c'est une fille. Tu es si doux, si gentil… "
- " Et si majeur… Si ça se sait, je suis mort. " Jasmine fit mine de s'emporter et me tendit un superbe doigt d'honneur :
- " Et ce majeur-là, tu l'as vu ? Non mais, quel trouillard ! " Elle se radoucit et me prit la main :
- " Mais non, il ne s'est rien passé… J'ai joué un peu, et je suis rentrée. Je ne suis pas restée chez toi seule, mon frère ne m'a pas quittée. Et je fais courir le bruit que je ne suis plus vierge depuis plus d'un an ! Alors… " Je fis la moue :
- " Mouais, soit. Et cette histoire de piercing supplémentaire, c'est quoi ? C'est vrai ou pas ?"

Elle ouvrit grand ses yeux avec un air de gourmandise. Je comprenais mieux ce que pouvait ressentir un rat hypnotisé par un cobra:
- " Ah ! Petit coquin ! Je me demandais si tu allais m'en parler un jour… C'est pas faute de t'avoir tendu la perche ! C'est un truc que j'ai entendu à la radio, sur Skyfun FM, dans l'émission " Doc' ados. " Tu connais ? "
- " Beuh… Non. "
- " Les jeunes appellent pour parler de leurs problèmes de santé, mais ça tourne surtout autour du cul et des boutons sur la gueule. Et ben, il y a une fille -dix-sept ans, je crois, elle s'est fait mettre un anneau où je t'ai dit et elle appelait pour dire que c'était super génial, que depuis elle était super chaude, elle avait tout le temps le feu où je pense. Moi, je crève d'envie de m'en faire mettre un : Tu sais, c'est pas parce que je suis encore vierge que je n'ai pas de vie sexuelle… " Je soupirai :
- " Ça, j'avais cru comprendre... Par contre, ton coup de l'anneau, ça doit rendre dingue. Tu sais, pour apprécier le sexe, il faut du repos, que la nuit succède au jour, l'hiver à l'été… Non, là, je parle comme un vieux con !... Disons que tu aimes les frites : "
Jasmine hocha la tête avec véhémence :
- " Ah ! Ouais. Ça ouais ! " Je souris :
- " Bon, ça a l'air d'être un bon exemple… Bien, je t'en donne au petit déjeuner, au déjeuner, au goûter, au dîner… Comme ça tous les jours. Tu en serais vite dégoûtée ! Ton anneau, ce serait peut-être bien pour une escapade amoureuse, pour un week-end torride… Enfin, c'est toi qui vois, de toute façon, visiblement, tu fais toujours ce que tu as décidé… " Elle était pensive :
- " Je ferais ce que tu auras décidé pour moi, mon amour. Et je voudrais être ta maîtresse quand tu me jugeras assez mûre… " Je pris l'accent arabe d'un sultan et lui fit, d'un air hautain, en fumant un gros cigare imaginaire :
- " Toi mon loukoum, ma corne de gazelle à la douceur de miel, je te prends dans mon harem. Tu rejoindras mes trente autres favorites. Peut-être que si tu m'implores assez, tu auras l'honneur de réchauffer ma couche… " Ses yeux me lancèrent des éclairs, et elle me hurla dessus en arabe -du vrai- ce je compris comme étant des insultes en me faisant de grands gestes obscènes. J'en eus réellement des frissons dans le dos : Elle me faisait peur, cette gamine... Si j'avais tenté de la violer, je crois que je serais reparti la queue entre les jambes. Avec de la chance…

J'affichai une apparente décontraction, et lui répondis, posément, en bon français cette fois :
- " Ah non, désolé, je n'ai pas de Nadine Oumouk**** parmi mes connaissances… " Elle rit:
- " Je vais pas te faire un cours d'arabe ce soir... On sort ? Je me ramollis dans ta bouilloire. "

Nous sommes sortis du bain, et je laissai Jasmine se sécher et se changer seule. Elle me rejoignit dans le lit, moi, je m'étais déjà sagement recouché :
- " Ahhh ! Elle est vraiment trop cool ta baignoire. D'habitude, je prendrais plutôt une douche, mais avec toi, je suis prête à tous les sacrifices ! "
Elle me souhaita bonne nuit en me serrant fort contre elle. Elle s'était faite une raison, pourtant je sentais qu'elle mourrait d'envie de croquer la pomme. Je ne l'en aimait que davantage.

Ouissecasse était étonnamment absent, il devait roucouler avec la chatte de la voisine. Il avait beau être castré, il aimait bien passer des heures en sa compagnie, au clair de lune.

J'embrassai Jasmine, éteignis la lumière et lui souhaitai bonne nuit, comme si nous étions un vieux couple. La proximité de cette jeune et jolie créature dans mon lit me troublait quelque peu, aussi je lui tournai le dos, mais je sentis rapidement son haleine fraîche dans mon cou :
- " Tu dors ? "
- " Oui, bien sûr… "
- " Moi, non. J'arrête pas d'y penser, ça me brûle... " Je rallumai ma lampe de chevet, inquiet:
- " Ça va pas ? " Elle s'énerva un peu devant mon manque de jugeote :
- " Mais non… Je voulais dire que j'ai trop envie. Je meurs d'envie de manger des frites ! " Jolie métaphore… " Toi qui as l'habitude, tu peux quelque chose pour moi ? "
- " Oui, mange tes frites avec les doigts. " Elle me souffla à l'oreille d'une voix sourde :
- " Putain ! Ça, ça me ferai bien chier ! Alors que j'ai un beau mec dans mon lit… "

Je me dégageai doucement de son étreinte pour me lever :
- " Je savais que ce n'était pas une bonne idée. Je vais dormir à l'étage, dans la chambre d'amis. N'essaye pas de m'y rejoindre, je vais fermer la porte à clé. " J'avais le cœur brisé de voir sa si jolie petite frimousse dévorée par les larmes :
- " Non ! Reste, mon chéri, je ne ferai rien, je serai sage, promis !!! "
- " Je crois que c'est la meilleure solution. Et puis, je ne suis pas certain de pouvoir te résister longtemps. Bonne nuit, ma petite Jasmine ! "

Je sortis en affectant une expression neutre, mais j'étais très mal de la décevoir ainsi. De plus, je sentais son regard mouillé de larmes vissé sur moi… J'avais tant envie de la serrer contre moi, la consoler, respirer son parfum de petite fille dans ses beaux cheveux… Je refermai la porte sans me retourner, sans un mot de plus.

J'aimais profondément Jasmine, et j'aurais été très heureux si elle avait été moins entreprenante pour pouvoir dormir à ses côtés. Je ne lui en voulais pas, je le regrettais simplement. Bien des hommes auraient succombé facilement à cette petite panthère, mais je ne suis pas l'Humbert du livre " Lolita " de Nabokov. Je ne me sens pas spécialement attiré pas les toutes jeunes filles, ce serait plutôt le contraire. En faisant le bilan de tout ce que j'ai vécu avec la gent féminine depuis mon enfance, je me serais plutôt fait guider -ou abuser- par des filles ou des femmes plus âgées que moi. En tout cas, plus autoritaire que moi… le seul point noir que je voyais dans tout ceci était le sacrifice inutile de Diane. Elle m'en voudra certainement.

Un bruit de meuble qu'on bouscule et un juron étouffé me tirèrent brutalement de mon sommeil. Je sursautai et étendit inconsciemment la main à la place de Carole -où de celle qui dort avec moi, et je réalisai bien vite que je n'étais ni dans mon lit, ni avec mon épouse. Jasmine s'était levée et avait dû se cogner quelque part. J'enfilai mon peignoir -j'avais quitté mon horrible toile à matelas, las de ressembler à une colonne de Buren***** ambulante- et m'enquis, encore ensommeillé, en lançant du haut des escaliers :
- " Ça ira ? Tu ne t'es pas fait mal ? "
- " Non, ça va. J'ai trouvé les toilettes. Rendors-toi, mon chéri, je vais essayer de ne plus faire de bruit. Désolée de t'avoir réveillé… "

Je me rendormis presque aussitôt, jusqu'au matin, sans être troublé de nouveau par le retour de Jasmine. Je me levai subrepticement, éclairé par les premiers rayons d'un soleil orangé. Seul dans la cuisine, je mitonnai amoureusement un petit déjeuner pour mon petit loukoum. Rien que pour elle. Je me faisais un plaisir de m'imaginer la voir manger goulûment pendant que je lui sourirais, assis à côté d'elle.

Poussant la porte du pied, j'entrai dans la chambre obscure. Je posai le plateau sur le bord du lit et ouvris les volets, inondant la chambre d'un soleil radieux :
- " Ouvre tes beaux yeux, mon loukoum ! Le déjeuner est servi ! " En me retournant, je constatai avec un pincement au cœur que ma colombe s'était envolée. Ses vêtements sur la chaise, aussi. Je contemplais tristement mon café au lait fumant et l'œuf à la coque. Dehors, Ouissecasse, assis sur son séant, regardait partir sa dulcinée, une chatte noire angora très jolie. J'attirai son attention et lui dit :
- " Toi aussi, mon pauvre Ouissecasse, on te laisse tout seul… Viens faire un câlin à papa ! " Il se leva pour la suivre.
Je mangeai mon petit déjeuner seul sur mon grand lit : même mon félin préféré m'avait abandonné…


À suivre dans " La carotte Nantaise 22: Le retour de la carotte. "


* Joaillier et verrier, célèbre pour ses créations de cristal.

** Affection redoutée de tous les grands joueurs de pénis.

*** Instrument de communication du siècle dernier.

**** Les arabophones apprécieront…

***** Ensemble de colonnes rayées de noir et blanc " ornant " la cour du Palais-Royal à Paris…

 

©LE CERCLE BDSM 2010