Histoires Des Invités

 

La Carotte Nantaise 3

Claude D'Eon

 

CHAPITRE 3: LES LENDEMAINS QUI CHANTENT.

Carole ouvrit la porte de la chambre en grand - vêtue de sa chemise de nuit Snoopy - en beuglant:
- " Tu dors encore? debout grosse loche*! " Elle était toujours très matinale, c'est une fille de la campagne... Comme je faisais des mots croisés, ma lampe de chevet allumée, j'allais lui répondre que oui, que j'étais somnambule et qu'il ne fallait pas me réveiller, mais elle ne m'en laissa pas le loisir. Elle arracha mes couvertures et me tira par la main:
- " Viens vite, ça vaut le coup! " Elle m'entraîna dehors et leva l'index pour solliciter mon attention auditive. En effet, il se passait des choses chez nos chers voisins. Leur chambre à coucher donnait quelque peu sur la nôtre. Disons qu'on voyait la fenêtre par la tranche, et elle était apparemment ouverte.
- " Vache! qu'est ce qu'y se mettent! " fit ma douce moitié. En effet, on aurait juré qu'une demi-douzaine de blousons noirs jouaient au flipper dans leur chambre. Puis une série de cris déchirants qui n'étaient pas sans m'évoquer la prestation de Bambou dans " Love on the beat " de Gainsbourg.
- " Putain! C'coup-ci, il lui a pété la vitrine! J'entends la sirène qui gueule! " Je donnai la réplique à ma petite Sapho:
- " Les clameurs de l'amour montent aux cieux et se répandent en autant de bouquets de roses aux pieds d'Aphrodite. "
- " Tu l'as dit, bouffi! Là, elle en a jusqu'aux oreilles, des roses! " Audiard contre Sophocle, la lutte était inégale. Je rendis les armes. Le silence était retombé, et nous restions là, tous les deux, guettant un signe de vie. Un merle en profita pour glisser son chant mélodieux à bout portant. Il a dû croire à la présence d'un rival. Je lui adressais avec la voix d'Homer Simpson:
- " Ta gueule, Flanders! " Marge me répondit:
- " Homer! Tes Donuts vont refroidir! Et va mettre une culotte! Arrr... Arrr... (rire de Marge) ". J'étais en effet tout nu, ce qui ne craint pas grand-chose dans notre jardin aux hauts murs et bien arboré. De plus, nous sommes un peu naturistes. J'entrai dans la maison en bavant:
- " Mmm... Donuts... " J'entendis pouffer chez nos voisins. Eux non plus n'ont rien perdus de nos échanges.

Je noyais consciencieusement mes tartines beurrées dans mon chocolat, insensible à leurs petites bulles de détresse, quand l'hymne de l'Empire se fit entendre, puis:
- " Hufff... Kufff... Rejoins le côté obscur, Luke! " Carole attrapa négligemment mon téléphone organizer par-dessus son épaule, derrière elle, et le fit tomber non moins négligemment au milieu de mes tartines qui attendaient stoïquement leur supplice. Un jouet à huit cents dollars, quand même... Un cadeau de mon collègue et ami japonais Hiroshi, dit " Godzilla ". Elle lâcha d'un ton neutre:
- " Tiens, c'est ton père... " Je rectifiai:
- " Non, mon père c'est: " Luke... Je suis ton père... " Ça, c'est... Omar. "
Je suis - entre autres - fan de la saga " Star wars ", et presque toutes mes sonneries sont personnalisées en fonction de l'appelant. Par exemple, Omar est africain, d'où ce choix judicieux. Logique...
- " Ouais, je sais! Je voulais dire que c'était ton père, Dark Vador, qui t'appelait... " Le téléphone continuait à sonner:
- " Hufff... Kufff... Rejoins le côté obscur, Luke! " Je finis par décrocher:
- " Tu radotes, pépère... " À Omar: " Salut Omar, ça biche? " Omar est l'homme de l'ombre d'un célèbre président à vie, dont je tairai le nom pour préserver la mienne. Nous avons d'excellents rapports, quasi fraternels, mais je ne perds pas de vue qu'il doit avoir du sang sur les mains. Carole crut bon de plaisanter. Elle me lança, assez fort pour qu'Omar l'entende:
- " Dis-lui que je lui serre la pince! " Bien sûr, Omar avait entendu et pouffa:
- " J'ai entendu! Dis donc, elle est en forme, ta femme... Tu as du la satisfaire cette nuit! "
- " Pourquoi cette nuit? tu sais bien que c'est toujours le cas! En tout cas, tu lui plairais beaucoup, elle adore les crustacés... "
- " Ouais... Vantard! " Changeant de sujet: " Mais je t'appelle pour une opération assez urgente, si on veut qu'elle soit rentable. J'ai appris que la MLTL avait trouvé du pétrole sur notre sol. Sa cote va décupler dans les heures qui viennent. Rafle tout ce que tu peux comme actions, et même sur les filiales, transports, enfin tout ce qui va toucher le jackpot. "
- " Dis-moi, c'est russe, ça, la MLTL? Je crois que sa gestion est assez opaque… J'espère qu'on met pas les pieds dans une arnaque de la mafia ou dans un puits sans fond... "
- " T'inquiètes, Je connais les responsables, ils sont cul et chemise avec notre glorieux président à vie. " Il avait dit ces derniers mots sur un ton sarcastique. " C'est bon, je peux te faire confiance? "
- " C'est bon, c'est noté: dans une demi-heure, tes ordres seront passés. Je te ferais une simulation de résultats sur les six prochains mois. " En entendant parler de simulation, Carole - qui ne perdait pas une occasion pour me singer - fit l'avion, bras écartés, en beuglant:
- " Tango zoulou! Tango zoulou! Je suis touchée! Mayday! Mayday! Arrgg!!! " Elle s'écrasa, la tête sur la table. Je lui signalai gentiment que je parlais de simulation économique et non de vol.
- " Bien... Alors, tu voles sur quoi en ce moment? Toujours pilote de chasse? " Omar nous avait entendus. Il était - comme moi - un fan de simulateurs de vol, mais lui était plutôt civil, ce qui était l'inverse de nos activités réelles et respectives:
- " Sur F16 et SU 27/33**. J'effectue d'ailleurs des missions chez toi. Encore des rebelles et des terroristes à mater. Au fait, je suis désolé, j'ai rasé ta villa: je croyais que c'était une usine de lait en poudre! " Omar eût un rire triste:
- " Oh, c'est pas grave, je n'y allais plus depuis que ma famille y a été massacrée par les rebelles... " De l'azote liquide me remplit les veines: quel con! J'avais complètement oublié cette tragédie. Carole était repartie pour un vol, et dépliait ses ailes dans un bruit de turbine. Je lui fis signe de s'arrêter tout de suite d'un geste péremptoire. Elle savait quand j'étais vraiment sérieux. Elle replia ses ailes le long de son fuselage dans un bruit pneumatique, coupa le moteur, et me salua fièrement en bombant le torse comme un brave petit soldat. Je lui rendis son salut. Je me confondais en excuses:
- " Je... Je suis désolé... J'avais complètement oublié... "
- " C'est pas grave... Tu sais, nous autres africains, avons une autre approche de la mort. Et puis, je la côtoie si souvent... " Je préférais écourter notre conversation:
- " Bien... Heu... Je t'envoie un mail détaillé dès que j'ai fini. Je te ferais la simu dans la foulée. Salut! "

Carole avait suivi notre conversation. Je préfère qu'elle en sache le moins possible. On ne sait jamais. De nos jours, on n'entend parler que d'affaires aux multiples ramifications, touchant d'ailleurs beaucoup d'hommes politiques. Elle s'enquit quand même:
- " C'est quoi, la MLTL? " J'étanchai sa soif de connaissance:
- " C'est la Manufacture Lorraine de Tongs pour Lombrics. " J'imagine avec bonheur la tête d'un éventuel juge d'instruction à qui elle rapporterait ce dialogue... À vrai dire, je ne me souvenais plus de toute façon de la signification exacte des initiales. Elle me contempla d'un air songeur:
- " Ah ouais... C'est une boîte qui a de l'avenir, ça? "
- " Je veux! Pense que dans cent millions d'années, les lombrics auront des pieds: compte une dizaine de clients au mètre carré, notre fortune est faite! "
- " Pour sûr! Dommage que tes clients nous auront becquetés depuis un bon petit moment... " Nous nous mîmes à pouffer dans nos bols de chocolat, en achevant nos dernières tartines.

Je me dépêchai de m'installer devant mon ordinateur. Carole s'installa à son bureau, à côté du mien, pour trier ses papiers: elle adore être à côté de moi quand je suis sur ma machine. Elle sait que je ne peux pas bouger et en profite, au moindre signe de faiblesse, pour me taquiner. L'écran était couvert de chiffres clignotants et changeant de couleurs. Il y avait des colonnes de chiffres sur plusieurs pages. Au fil des années, nous avons réussi à développer une vraie usine à gaz. Tous les paramètres économiques vitaux de la planète s'affichent en temps réel, au gré des fluctuations des marchés et des informations que nous glanons chacun de notre côté. Pour ma part, c'est surtout mon ex-patron qui me les fournit, en échange d'une poignée de cacahuètes. Enfin, assez quand même pour lui donner du cholestérol. Cela va des cotations de toutes les actions au diamètre des hémorroïdes de mon chef d'état Africain préféré, le patron d'Omar, mon meilleur client... Non, là, j'exagère: ce n'est que le deuxième... Sur la ligne du bas figurent des dessins amusants qui nous représentent, mes collègues et moi. Il y a l'heure locale et l'icône est sur un fond vert quand l'un de nous est actif. À ce moment, Il n'y avait que moi (une vache, " La noiraude ". J'ai dit à Carole que c'était en son honneur mais elle l'a mal pris: elle croyait que c'était à cause de sa poitrine généreuse, mais je lui ai expliqué que c'était pour lui rappeler les vaches de son enfance) et Henri Léger, un Canadien français (Riton, un élan). Enfin, il a beaucoup perdu de ses racines, et j'ai du mal à le comprendre. Lui aussi a quitté une grande ville pour rejoindre son village natal, dans le Saskatchewan. Les francophones sont plutôt rares dans ce coin.

C'est le seul dont je connais l'identité: un jour, il m'a dit que son grand-père maternel est venu mourir quelque part en France. Je lui ai demandé son nom et je lui ai promis de le retrouver. Ça n'a pas été bien long, j'ai trouvé sa tombe en Normandie, dans un cimetière militaire canadien. C'est un joli endroit, dommage que ce soit un cimetière. Les croix blanches sont remplacées par des alignements de cubes de granit gris. Je suis toujours rempli d'une grande tristesse quand je constate avec quelle facilité l'homme peut convertir une foule de jeunes gaillards vigoureux et joyeux en autant de formes géométriques. Contrairement à ma maman - une fervente catholique - je suis moins optimiste quant à l'avenir de l'humanité et à sa propension à répandre l'amour. En allant retrouver la tombe du papy disparu, je voulais rapporter un souvenir à Henri, et j'avais préparé mon coup: j'ai fait habiller Carole d'une robe noire sexy et bien décolletée, des bas noirs, et je lui avais demandé de bien se maquiller. Je l'ai fait poser de profil, accroupie, déposant un baiser sur l'angle de la stèle, et tenant devant elle un coussin en forme de gros coeur rouge avec écrit en blanc un grand " MERCI! ". Sa courte robe s'était retroussée et l'on pouvait voir un peu de sa cuisse blanche et une jarretelle, ainsi que sa poitrine qui tentait de s'échapper. Les rares visiteurs nous regardaient d'un oeil noir. Je pris quelques clichés. De retour, je choisis le plus réussi, fit un tirage papier de qualité, l'encadrai et l'expédiai chez Henri. J'avais préféré cette solution, plutôt que de lui envoyer par e-mail, elle cadrait mieux avec les circonstances.

Quelques jours plus tard, je reçus un appel d'Henri. Je crus sur le moment qu'il m'abreuvait d'injures - j'ai du mal à le comprendre en temps ordinaire, et là, il était surexcité - mais il était étranglé par l'émotion. Il avait montré la photo à sa grand-mère et sa mère, et ils s'étaient tous mis à pleurer. Je croyais ma photo d'un goût douteux, mais pas qu'elle allait susciter tant d'émotion. Depuis ce jour, ils nous considèrent tous les deux comme des membres de la famille. Surtout Carole. En remerciement, Henri nous a invités à passer quelques jours dans son village natal. Je m'y suis bien gelé les noix. Plus ja-mais!
C'était la première fois que Carole prenait l'avion, et les accoudoirs s'en souviennent encore. Pour la mettre en condition, à l'embarquement, je lui fis chercher la rangée treize. Elle comptait:
- " Dix, onze, douze, et tr... Quatorze? Y'a pas de treize? "
- " Eh non... Tous les avions qui en avaient se sont écrasés... Rassure-toi, je suis sûr que le pilote a un Saint Christophe au tableau de bord et une patte de lapin au rétroviseur! " J'étais le seul à trouver ça drôle: ni Carole, ni l'hôtesse - qui semblait avoir des heures de vol et qui me fusillait du regard - n'ont esquissé un sourire... Dommage... Je continuais à motiver les troupes, une fois installés. Carole relisait pour la vingtième fois son billet d'avion, et je lui ai demandé:
- " Alors, c'est à quelle heure qu'on s'écrase?... Heu... Qu'on atterrit? " Elle me répondit pas un violent coup de coude. L'hôtesse, qui n'était pas loin et me tenait à l'oeil, s'en mêla:
- " Monsieur, je vous en prie! Pensez aux autres passagers! " J'ouvris mon portefeuille, lui présentai un superbe trèfle à quatre feuille séché - présent d'une célèbre firme de cosmétiques française au nom minéral - et lui confiai d'un air impénétrable:
- " Ne craignez rien, je suis de la maison. " Ce coup-ci, elle pouffa et partit vers d'autres horizons, le sourire aux lèvres.

À l'arrivée à Toronto, pause de quelques heures pour nous rafraîchir et nous restaurer, puis correspondance pour Winnipeg par moyen courrier. Là, petit avion d'une vingtaine de places pour ploucville: Saskatoon - non, c'est mignon, mais j'étais pas d'humeur - et enfin, autobus jusqu'au bled, Gla-gla village. Il avait un nom rigolo, genre Chagachokonak, qui nous faisait bien rire, jusqu'à ce qu'on apprenne que ça voulait dire en gros " les femmes tuées par l'homme blanc " Ou un truc dans ce genre. Tout de suite, on se sent moins gai. Ça tombait bien, on commençait à s'éloigner trop de l'ambiance locale. Henri, qui nous attendait avec son Hummer, nous sauta au cou et nous embrassa chaleureusement. Nous étions - presque - arrivés: plus que deux heures de route jusqu'au chalet, à ne voir que des sapins et de la neige fondue. Ah! pardon! Nous avons vu aussi un gros bestiau mort sur le bord de la route. Henri nous a dit que c'était un orignal - un élan, quoi - probablement tué par un camion et bouffé par des loups ou des ours, ou les deux.

À l'arrivée, il nous installa dans son chalet, petit mais chaleureux. Nous fîmes la connaissance de sa famille, très gentille et attentionnée. Je n'ai pas compris qui était qui, mais ce n'était pas bien grave. Tous n'avaient d'yeux que pour Carole. Il faut dire qu'elle avait mis sa plus belle chemise à carreaux pour faire couleur locale. Comme nous étions claqués par notre périple, ils nous laissèrent nous reposer. Notre chambre était toute petite, mais il y avait du feu dans la cheminée et une peau de bête devant. Il n'a pas fallu nous pousser beaucoup pour aller l'essayer. Je parlais de la peau de bête, bien sûr. Carole gémit beaucoup pendant l'amour, mais cela ne m'empêchait pas d'entendre des bruits et des chuchotements devant la porte. Ils devaient se battre pour nous reluquer par le trou de la serrure. Enfin, c'était juste un trou, il n'y avait qu'un méchant loquet en bois. La porte fut secouée quand Carole a joui, à cheval sur moi. Les chuchotements ne finirent que quand nous avons repris notre plaisir, en position de soixante-neuf cette fois-ci. Le lendemain, ils nous regardaient tous les deux - avec toujours une préférence pour Carole - comme des dieux. Les activités étaient assez limitées, et nous préférions nous balader plutôt que d'aller à la pêche ou à la chasse - bien que nous soyons toujours partant pour tirer un coup! les longues soirées étaient occupées à discuter, à rire et à boire. Nous sommes rentrés après quatre jours chez eux. C'était gentil, mais on commençait à s'ennuyer. Et la peau de bête commençait à être raplatie.

Je passe sur le voyage de retour, c'était à peu près pareil, mais dans l'autre sens. Carole avait quand même renoncé à détruire les accoudoirs. Depuis, donc, nous avons d'excellents rapports. Nous avons retourné l'invitation à Henri, mais il tarde à venir. Je crois qu'il n'a pas de trèfle à quatre feuilles.

Comme l'écran affichait deux heures du matin sous son icône, je décidai de l'appeler. Nous avons tous le même téléphone via Internet, ça ne nous coûte rien.
- " Oaille? Qui c'est qui m'cause, à c't'heure? " Je constatai qu'il avait revêtu son plus bel accent. Il savait pertinemment qui l'appelait, mon icône devant clignoter sur son écran. La preuve, il avait répondu en français. Enfin, une langue qui y ressemble…
- " Salut à toi, noble étranger, dont la voix me semble aussi belle que celle de l'orignal en rut. Tu pourrais faire un effort, que je te comprenne? "
- " D'accord, mais il est tard, je suis fatigué. Je voudrais finir un job toffe qui me fait avoir de la misère... "
- " Tu as dû te poudrer le nez pour veiller si longtemps! Quand je secoue mon téléphone, il y a de la neige qui tombe... "
- " Ça m'étonnerait! Tu sais que je ne gâche pas quand je me gèle... Tiens, j'ai reçu tes dernières photos de Carole: elles sont cutes! waw! " J'en fis part à Carole:
- " Chérie, Henri a bien aimé tes dernières photos! " Elle n'était pas dupe:
- " Je sais, tes copains m'apprécient beaucoup! " Là-dessus, elle saisit ma revue d'économie " International stock exchange magazine " ( avec Bill Gates*** en couverture: Le capitalisme au secours du tiers monde? ) de la main droite en le fixant des yeux, et simulant de la gauche une masturbation masculine, cuisses écartées, en tirant une langue bovine. Elle ne semblait pas vouloir s'arrêter. Henri se rappela à moi:
- " Tu feras un bec pour moi à ta blonde... Qu'est-ce qui t'amène? "
- " Rien de spécial... J'étais inquiet de te savoir en ligne à cette heure tardive... Au fait, ton boulot, ça va nous rapporter des sous? "
- " Un max! mais il faut que je raccroche, j'ai presque fini et je ne voudrais pas faire de boulette... " Carole avait atteint son terme et elle se lança dans un orgasme à la Meg Ryan dans " Quand Harry rencontre Sally ", version homme. Bien sûr, Henri avait entendu:
- " Dis donc, elle a du fun, ta femme! Et elle est toujours aussi capotée... " Henri est un homme perspicace.
- " Oui, elle vient de voir qu'il y a des soldes dans son magasin de fringues préférées... Allez, bises à ta petite famille! "

Comme je raccrochai, Carole, remise de son orgasme, vint m'enlacer en appuyant sa poitrine sur mes épaules, me procurant un oreiller doux et chaud. Elle admirait tous ces petits chiffres qui clignotaient sur l'écran pendant que je cliquais et entrais des valeurs au clavier comme un forcené.

Bien que je sois fortement concentré, elle n'hésita pas à me perturber:
- " Dis donc! T'as vu ces chiffres? Quatre chiffres après la virgule, quelle précision! C'est ce qu'il te faudrait pour mesurer ta petite zigounette! " Je lui répondais, absent. Mon cerveau était ailleurs:
- " Ou ton quotient intellectuel... " Elle passa à la vitesse supérieure: elle écarta ma robe de chambre - c'était mon unique vêtement - et s'écria d'une voix suraiguë:
- " Mon dieu! Mais elle est toute petite! " Il est vrai que la position assise n'est pas ce qu'on fait de mieux pour mettre l'anatomie des garçons en valeur, mais je ne me démontais pas:
- " C'est parce qu'elle est loin. "
- " Ah bon... " Elle approcha sa main pour mieux évaluer l'état de la bête et cria encore:
- " C'est horrible! ma main est énorme! " Je luttai pour rester concentré:
- " Mais va voir toi-même. Parle-lui à l'oreille, elle aime bien ça. " Aussitôt, elle vint se blottir entre mes cuisses. Je croyais qu'elle allait me sucer, ce qui aurait immobilisé ses cordes vocales un moment, mais non: elle se mit à faire la causette à mon membre:
- " Bonjour, Madame! Pourquoi tu fais la gueule? Parce que tu es toute ridée? Attends, je vais te rendre le sourire... " Elle commençait à me masturber. " Oh! Mais tu pleures! C'est parce que ton maître te fourre la tête un peu partout? " Elle commençait sérieusement à me déconcentrer. C'est d'ailleurs ce qu'elle cherchait à faire. Je la mis en garde contre les conséquences de son " geste ":
- " Et même que si tu continues, je sens que tu vas la faire vomir! " Elle me coula un regard langoureux:
- " Ouais, tu as raison. Restons-en là, pour le moment du moins... "

Elle se remit à son poste d'observation:
- " C'est qui, déjà, Casimir… Gorgonzola? " Elle désignait du doigt l'icône de Godzilla. Le terrible dinosaure qui ravagea Tokyo. C'est vrai que son indicatif sonore était " L'île aux enfants ", je n'avais rien trouvé de plus parlant...
- " Oui, c'est mon cher ami Hiroshi, celui qui m'a offert le téléphone que tu as failli mettre dans mon bol ce matin. "
- " Je ne comprends pas pourquoi les Japonais ont peur d'un fromage, italien de surcroît. "
- " Tu as tort de le sous-estimer, il a semé la panique au Japon dans les années cinquante. On ne se méfie pas assez des bactéries... "
- " C'est vrai, on en trouve plein dans le lait, et ça donne plein de maladies: listériose, tuberculose, salmonellose, brucellose... " La vétérinaire énumérait ses maladies en les comptant sur les doigts. La dernière m'évoquait autre chose:
- " Ah! Brucelles, la place De Brouckère, ses frites, ses gaufres... "

Le téléphone sonna: Bilou-bilou... Bilou-bilou... je trouvai la sonnerie horripilante, mais c'était la moins pire parmi tous les choix possibles. On ne pense jamais à la sonnerie quand on achète un téléphone... et pourtant, c'est une des choses qu'on entend le plus...

Carole alla mettre fin à mon supplice en décrochant:
- " Oui?... Ah! Salut Diane! Ça va? " Sa voix devenait un peu distante, sur la défensive. " Oui, tout... Enfin je crois, je n'étais pas là, moi... Rien de précis pour le moment. Oui... Je... Si tu veux... Je préfèrerais chez nous... Non, ce n'est pas la peine, je vous ferai un gâteau, tu aimes bien les miens... D'accord, après manger, vers trois heures? Ça va?... À tout à l'heure!... Bisous! " Elle raccrocha:
- " C'était ta maîtresse, elle veut nous voir. J'espère qu'ils ne voudront pas me violer. Elle voulait nous inviter mais je préfère qu'ils viennent à la maison. " Je saisis l'occasion pour relancer le sujet, en la prenant sur mes genoux:
- " Qu'est ce que tu penses d'eux? Ils te font peur? "
- " Oui... je n'ai pas envie de me faire embarquer dans cette histoire... Je ne me sens pas concernée. " Je tentais de la rassurer:
- " Ne t'inquiètes pas, ce ne sont pas des sauvages, tu les connais bien, non? Et puis, Diane est ta copine, elle m'a dit qu'elle t'a donné une robe... "

Carole se crut attaquée:
- " Oui pourquoi? Elle veut que je lui rende? Que je lui paye? "
- " Mais non... Elle m'a juste dit que tu étais très jolie dedans, et moi je ne l'ai jamais vue. "
- " Ben... À vrai dire... Elle est plutôt ras-le-bonbon, je ne sortirai pas avec... "
- " Justement! Tu devrais la mettre cet après-midi. Ça lui ferait très plaisir... "
- " Ouais... Tu aurais vu sa tête quand je l'ai essayée... Elle me bavait presque dessus... Et quand je dis " baver ", je ne parlais pas de sa salive... "
- " À vrai dire, elle m'a raconté l'épisode. Elle ne se cache pas que tu lui plais beaucoup, et que... tu lui as bien fait profiter de ton anatomie, si tu vois ce que je veux dire... " Carole rougit instantanément et balbutia:
- " Heu... Oui, mais non, c'est... Je lui montrais... Si je n'avais pas grossi un peu trop pour rentrer dans sa robe... " Je lui fis d'un ton goguenard:
- " Mais oui, bien sûr... Ma culotte a glissé, je n'y suis pour rien... Ne t'excuse pas, si tu y as trouvé du plaisir. Ne te mens pas, pas plus qu'à moi. "
- " Bon, d'accord! Moi aussi j'ai pris mon pied à m'exhiber sous toutes les coutures pendant qu'elle me reluquait. De toute façon, j'étais obligée de me déshabiller entièrement. Les sous-vêtements, ça fait très moche là-dessous. " Je lui révélai un secret. Pour la tester:
- " Dis-moi, ma chérie... Tu sais que Diane l'a achetée tout spécialement pour toi? " Ses yeux s'illuminèrent comme si je lui avais offert une boîte de chocolat à la liqueur. Pleine:
- " Oh c'est vrai? Comme c'est gentil de sa part! Je vais de ce pas lui faire un gros gâteau au chocolat! "

Elle se leva brusquement. Je la rattrapai au vol:
- " Et pour la robe? "
- " C'est d'accord! Heu... Je vais faire ma toilette d'abord… "
- " O.k.! Je finis et je prends ta place... "
Carole avait l'air disposée à se mêler à notre groupe... Je ne savais pas jusqu'à quel point, mais le premier pas avait été franchi. Je me remis à la tâche en chantonnant:
- " Dominique-nique-nique dans tous les épisodes, dans toutes les po-si-tions... "

À suivre dans " La carotte Nantaise 4: Tea for four. "

* Prédateur de son pays qui égorge les jeunes carottes pendant leur sommeil.

** Avions de chasse bombardiers, respectivement américain et russe.

*** S'il vous plait, pas de procès! C'est vraiment un hasard si vous vous retrouvez mêlé à cette sordide histoire

 

ŠLE CERCLE BDSM 2008