Histoires Des Invités

 

Le Loup 9

Par Arkann

 

La tension était à couper au couteau. Je venais d’être piégé, m’étais fait avoir comme un marcassin.

« Alors, Citoyen, tu ne réponds pas? »

Que répondre? Le lapin avait frappé durement. Il était furieux. Il se trouvait à avoir raison, à tout le moins selon les standards de Kivat, que j’apprenais à nuancer. Aucune des réponses que j’aurais pu donner n’aurait été valide, à ses yeux.

Son odeur était intense. Amizar, qui avait toujours été une personne calme. Amizar qui, il y avait longtemps avait été un ami indéfectible. Il était en uniforme, astiqué, et prit le gant blanc unique qui faisait partie de l’uniforme, n’était jamais porté, et s’en servit pour me gifler au visage, son seul réel usage, me signifiant ainsi son mépris le plus profond. Je ne fis aucune réponse.

« J’aurais espéré que la prison t’aie réformé. Il demeurait dans mon cœur un doute lointain. Ce doute est mort. » Sa voix était froide. « Je vais écrire au département de la citoyenneté pour relater les faits. Je t’enverrai ma copie pour que tu puisses corriger toute erreur que je pourrais faire. Tu prends esclaves. As-tu trahi Kivat pour Shavayan, en plus?! Tu n’es pas digne de notre citoyenneté. » Il y avait une grande douleur dans sa voix. Un moment de silence. Un juron de dépit, profond. Puis, « j’ai honte de t’avoir déjà eu en grande estime. »

Il prit mon béret d’une main, le tourna. L’épinglette de l’Académie Militaire. Il allait l’enlever. Ma première réaction, de capturer son poignet d’une main. « Tu peux dire beaucoup, Amizar, mais cette épinglette m’appartient de droit. » Je le regardais droit dans les yeux.

Ses narines frémissaient, sa colère visible malgré sa retenue. « Tu déshonores tout ce que tu touches. Mais tu as raison. Si la réputation de l’Académie ne veut rient dire pour toi, alors garde la. » Il aurait laisser tombé le béret, mais j’étais en béquilles, et il y avait certaines limites à ne pas franchir. Il me laissa le reprendre, et je le relâchai.

Il se tourna pour faire face aux louves et au coyote. Leur donna une courbette. « Mesdames, monsieur… » Il se redressa, claqua les bottes, et avec toute la confiance et la dignité de son rang, il se retira des lieux.

Un court moment de silence, rompu par Vaya qui, se levant, dit « Sélène. »

La louve en question se leva, serrant les dents. Elle savait ce qui allait se passer. Pour être admis sur les lieux, Amizar avait été invité. Sélène l’avait fait, et je savais qu’Amizar n’aurait jamais impliqué une tierce partie sans son consentement. Sélène –et deux autres- avaient joint le navire sur Conamel. Un bon contact, qui avait pris un tournant désastreux lorsqu’elle avait appris, pour Valérie. Il n’y avait pas que Kivat qui détestait les coutumes de Shavayan.

Chaque club lupin avait sa zone de combat. Elle était massivement surclassée par Vaya qui lui offrit une correction dont elle allait longtemps se rappeler. D’une certaine manière, Sélène avait défié Vaya en sachant exactement ce qu’elle faisait. Vaya, se sentant profondément responsable, incapable d’intervenir autrement, passa sa frustration sur l’autre louve, sauvagement. Je ne restai point pour voir.

Peut-être aurais-je dû. Attendant à l’extérieur, accotée contre une cloison les bras croisés, la Sergent Varenn attendait patiemment.

« Tu fuis ta honte, Citoyen? »

Cinq mots. Des paroles assassines, ayant plus d’impact de par leur véracité. Rien d’autre de sa part. Elle venait de faire exactement ce qu’elle voulait faire. Ennemie déclarée, agissant selon les règles, comme Amizar l’avait fait.

J’encaissai, la regardant un moment, sans arrêter. À mes cotés, Valérie avait l’air malade.

De quoi avais-je l’air? J’étais un peu détaché, comme si un obus avait explosé trop proche de moi, sans laisser de blessure visible sauf pour une certaine stupeur.

L’officier politique de leur unité les avait laissé quitter la zone réservée aux Légionnaires, naturellement. Un état d’ennemi déclaré permettait certaines choses.

La renarde des sables avait été présente dans le club, mais les autres gardes ne savaient pas, sentaient que quelque chose d’important venait de se passer.

D’une certaine manière, c’était une bonne chose. Depuis plusieurs jours, depuis que je savais qu’ils étaient à bord, je m’étais demandé de quelle manière ils agiraient. Je savais, maintenant.

Rien de cela ne ce serait produit si j’étais resté sur Kivat. Valérie allait offrir une prise merveilleuse à ceux qui me voyaient comme un ennemi à harceler. Je m’en étais bien douté, j’avais commencé à me faire à l’idée, mais ça allait être difficile.

**

Plusieurs heures pour absorber le choc. Un autre m’attendait dans ma boîte de courriel : un message visant les citoyens de Kivat se trouvant à bord, les avisant des faits. Aucun mensonge, la vérité tel que vue par mes ennemis, m’invitant même à présenter ma version des faits.

Cette fois, il y avait quelque chose à faire. J’avais écrit au Ministère de l’Immigration suite au marché conclu avec Vaya, et je mis le document en pièce jointe. J’allais me faire tailler en pièces, mais au moins l’information allait être complète.

Un autre courriel, celui-ci bien plus difficile à écrire, destiné à ma famille. Au moins, ils l’apprendraient de moi en premier.

**

« Je suis désolée. » Il y avait de l’amertume dans la voix de Vaya. Elle avait anticipé des problèmes, mais n’avait pas prévu des conséquences aussi sérieuses. Elle se blâmait.

« Ça va. C’était à moi de refuser Valérie.  Je… ne suis pas surpris. »

Un long silence. Mes mots n’avaient rien fait pour la réconforter.

« Est-ce qu’ils peuvent vraiment mettre ta citoyenneté en péril? »

Couché sur le sofa, un coussin sous la tête, je me posais cette même question depuis environ deux heures. « La procédure de destitution est très rarement déclenchée. Il faut des crimes profondément graves pour le faire. » Un traître qui possédait une esclave? Ça regardait mal.

Elle allait dire une chose, puis se ravisa.

« Si c’était à refaire, je le referais probablement. Valérie a fait un choix personnel en toute liberté, est libre de s’en aller quand bon lui plaira, et ceux de tes esclaves qui le désirent trouveront un havre en Kivat. Je suis satisfait. Il me faut maintenant assumer. »

J’avais fait le tour de la question. J’étais en paix avec mes choix. Tant pis pour le reste.

C’était dur de s’en convaincre.

Vaya se leva, un air déterminé sur sa face. « Ne t’inquiète pas pour ta citoyenneté. Je m’en occupe. »

Je la regardai, surpris. Comment pouvait-elle affirmer une telle chose? Il n’y avait rien qu’une citoyenne de Shavayan puisse faire qui aiderait mon dossier. Cependant, elle parlait avec une assurance que j’avais appris à respecter.

« Et comment feras-tu? »

Elle me donna un sourire tendu. « Il est temps pour moi d’obtenir une audience avec Arlenn Kerzah. Elle saura comment désarmer la situation. »

Si quelqu’un le pouvait, c’était effectivement elle. Je me levai, mais la louve me fit signe de rester, « je ne veux pas de toi avec moi. Tu peux dire ce que tu voudras, mais c’est moi qui ai précipité les choses, et ce pot cassé, je peux le réparer. Je dois le réparer. »

Je pouvais comprendre. Elle se sentait responsable, et j’aurais fait pareil dans une telle situation.

« La décision, c’est moi qui l’ait prise. »

Elle hocha de la tête, mais je voyais bien que ça ne changeait rien, en ce qui la regardait. Elle s’en alla, d’un pas déterminé.

**

Amizar se tenait debout, dans mon chemin. J’aurais pu prétendre ne pas l’avoir vu, j’aurais pu prendre un corridor latéral. Il avait voulu être vu d’une bonne distance. Son expression devint plus dure lorsque je ne refusai pas l’affrontement.

Je m’arrêtai devant lui, au beau milieu du corridor, les gens nous passant par la gauche et par la droite. Il regarda mes béquilles, mes gardes qui portaient une expression très neutre. Ils désapprouvaient, mais ils en savaient assez au sujet de Kivat pour ne pas interférer.

« Tu as des amis haut placé, Arkel, » il me dit.

Je haussai les épaules. « La Croix de Sivant à cet effet sur les Impériaux, il semble. »

« Ce n’est pas la première fois que j’entends parler de ça, » il admit. « Et puis il y a des rumeurs… » Il me disait cela d’un ton troublé, et je pouvais imaginer quelles sortes de rumeurs pouvaient courir.

Il n’y avait rien à répondre. Et il ne pouvait rien demander de ce coté.

Il sembla s’ébrouer. « Ta Vaya, cette louve de Shavayan, elle nous a demandé quand était la dernière fois que nous avons fait libérer des esclaves de Shavayan. Elle nous a très clairement expliqué les enjeux. Elle nous a aussi montré le document que tu as envoyé au Ministère de l’Immigration. »

Il vit mon expression changer. « Mon document? »

Il était rapide. « Dois-je comprendre qu’elle n’avait en principe pas accès à ce document? »

« C’est ça. »

Il serra les dents. L’invasion de la vie privée n’était pas tolérable pour un citoyen de Kivat. « Je ne l’aurais pas lu si je l’avais su. »

« La faute n’est pas tienne. Je doute qu’elle pensait que nous nous parlerions ainsi. »

« Je sais. De toute manière, c’est un mal pour un bien. Je ne sais pas ce que j’aurais fait à ta place. Où plutôt, je sais. J’aurais fait une chose similaire, je crois, si j’avais confiance que la parole donnée par quelqu’un de Shavayan allait être respectée. » Il posa les yeux sur la renarde se tenant à mes cotés, regardant Valérie avec une curiosité qui ne pouvait être exprimée.

Puis, retournant les yeux sur moi, « je suis désolé de t’avoir attaqué sur ce point sans avoir été au courant de tout ce que j’aurais dû savoir. La Sergent Varenn et moi avons convenu qu’il n’y a pas lieu d’écrire au Département de la Citoyenneté. Je te présente mes excuses sur ce point. Varenn ne t’en présentera aucune. »

Un grand soulagement, que celui la. « Des excuse ne sont pas nécessaires. »

À cela il ne répondit rien. « Je demeure ton ennemi, Arkel. Mon officier politique ne me donnera pas d’autres opportunités lors de ce voyage, mais nos chemins se croiseront encore, un jour. » Une voix calme, une expression déterminée, une promesse inéluctable.

« Je sais. »


**

Vaya était dans mes bras. Les odeurs étaient fortes. Elle se frottait contre moi, repue.

Elle me lécha le museau. « J’ai entendu dire que tu as rencontré le Lieutenant Amizar? »

« Tu as des espions partout. »

Elle ria, manquant la pointe d’aspérité que je n’avais pas entièrement réussi à cacher. « Tu m’es précieux, Arkel. » Elle était enthousiaste, me raconta comment Arlenn l’avait conseillée… et lui avait fourni des armes. Et l’une d’elle, le document que j’avais écrit. Une grande légèreté à cette nouvelle. Et un peu de honte. J’avais résolu de ne pas lui en parler, de ne rien laisser paraître. Je ne lui avais pas donné l’occasion de se défendre. Elle était innocente, ce n’était pas elle qui avait intercepté mes communications privées, mais le personnel de l’Ambassadrice, qui était totalement justifiée puisque c’était une question de sécurité Impériale. J’avais toujours assumé que les services Impériaux garderaient un certain degré de monitoring sur ma personne.

Je n’étais pas seul. Contre mon dos, je sentis Valérie se détendre. Sa tension n’avait fait qu’augmenter lorsque je n’avais pas confronté Vaya, la renarde comprenant très bien ce qui se passait dans ma tête. Un vieil adage de Kivat me revint : il vaut mieux risquer d’être trahi par un ami que d’en douter.

Vaya était volubile, soulagée de la bonne résolution de la situation. Elle sentit le partage de ce soulagement, de cette légèreté d’esprit. Elle me tourna sur le dos, prenant soin de ne pas donner de coup à ma jambe blessée, et se coucha sur moi. « Tu seras un Maître sur mon monde, un jour. Tu as beaucoup à apprendre… » Elle disait cela en souriant, d’un ton enjoué et léger, qui lui permettait de prétendre qu’elle ne faisait que s’amuser, qu’il n’y avait rien de sérieux dans ses mots. Je savais très bien ce qu’elle faisait. Elle n’avait pas abandonné la partie, mais j’étais étrangement disposé à jouer le jeu, un peu. Je désirais grandement sa compagnie, sur une base de longue durée. Nous trouverions certainement une solution à l’épineux problème de cette obligation pour moi de devenir un Maître, pour peu que nous cherchions cette solution.

« J’ai beaucoup à apprendre? »

Elle me lécha le museau. « Oui. La discipline de tes esclaves, par exemple. »

« Oh? »

« Comme pour Valérie. »

« Oh? »

«  C’est elle mon espionne. C’est elle qui m’a parlé de ta rencontre avec le Lieutenant Amizar. » Elle me disait cela avec un sourire en coin, un amusement profond dans ses yeux. Une fausse déclaration, bien évidemment.

Valérie émit un son aigu, sa gorge momentanément trop serrée pour protester. Elle comprit rapidement ce qui se passait, cependant.

« Oh! Non! Je suis révélée! O Maître, ne me punissez pas! » Sa voix était pleine de crainte, et elle frémissait contre mon dos. Une prestation très crédible, n’eut été de son odeur, qui n’avait aucune peur, mais possédait une pointe rapidement grandissante d’excitation.

« Hmmm. Je la fouetterais bien, mais… »

Vaya hocha de la tête, « mais en béquilles, ça n’est pas parfait. Et puis, tu dois apprendre à le manier avant d’en faire usage sur quelqu’un. Il y a bien d’autres manières… »

« Et tu en as à me suggérer? »

« Bien sur. »

Quelques minutes plus tard, nous étions à pied d’œuvre, en train de mettre à Valérie un corset qui… faisait des merveilles pour ses formes déjà très belles.

« Serre plus fort. »

J’étais un peu inquiet, mais Vaya savait ce qu’elle faisait. Valérie laissa échapper un petit gémissement.

« Elle feint, ne t’inquiète pas. Elle a porté des corsets une bonne partie de sa vie. Plus fort. »

Je serrai plus fort chacune des lanières, prenant soin d’y aller très graduellement.

« Ce qui est plaisant dans un corset, à part de l’allure qu’il te donne, c’est quand tu l’enlèves. Une sensation de bien-être que tu ne peux imaginer. » La louve me disait cela avec un petit sourire, comme si elle se remémorait certains souvenirs.

« Tu en as déjà porté? »

« Oui. Cela peut paraître inconfortable, mais tu t’y habitues, et l’allure qu’il te donne… Encore un peu plus serré… c’est bon. Debout, Valérie, montre lui.»

Valérie se mit debout, et se tourna lentement. Un corset noir, qui faisait un beau contraste avec sa fourrure brun-rouge. Elle semblait avoir une poitrine plus ample, couverte par le corset, et sa taille s’en trouvait très amincie. Des petites culottes noires que Vaya lui fit enlever.

Suivant les instructions de Vaya, elle mit des bottes de cuir au fini mat et à talons hauts montant à mi-cuisse. Un cuir souple, qui moulait parfaitement ses courbes on ne pouvait plus féminines. Un jupon noir, de longs gants de cuir noir mat qui montaient jusqu’en dessous des coudes. Pour finir le tout, un collier de cuir, lui aussi d’un noir profond. Elle portait déjà des boucles d’oreilles. Elle était… ravissante. Malgré mes efforts de la soirée, je sentais l’envie de… la prendre.

Vaya me fit approcher. « Tu dois faire attention avec ceci. Si tu serres trop, elle s’évanouira. » Elle me montra une languette de cuir, au collier. Elle me fit y mettre de la tension. Je n’étais pas confortable, mais l’odeur de Valérie prenait de l’intensité.

« S’il y a une chose qu’elle adore, c’est celle-ci. » Vaya me dit. « À moins d’un serrement accidentel, elle n’y touchera pas, alors tu dois poser les bonnes questions, laisser les bonnes instructions. » Elle me fit arrêter lorsque la tension désirée fut atteinte. Elle me montra le bouton caché qui permettait de tout desserrer d’une seule pression du doigt.

« Si elle ne bouge pas, elle respirera bien. Si elle marche, fait des activités légères, elle aura le souffle court. Des activités plus fortes? Elle pourrait aller jusqu’à s’évanouir. Ce qu’elle aime le plus? Faire l’amour, être à la limite de son souffle, à l’endroit où tu perds la périphérie de ta vision, la ou elle devient grise, et les sensations les plus intenses prennent la place des sens qui s’estompent. Tant que tu n’as pas plus d’expérience, ne serre pas plus fort. À ce niveau, le pire qui puisse arriver est qu’elle perde connaissance quelques instants. »

« Ça me semble dangereux… » je lui dis, un peu inquiet.

Elle hocha de la tête, « ça l’est, si tu serres plus fort, sans savoir ce que tu fais. Mais à cette coche, il n’y aucun risque. »

Je donnai des instructions à Valérie, pour qu’elle me le dise si c’était trop serré, et de ne jamais hésiter à presser elle-même le bouton. Elle hocha de la tête, « oui, Maître, mais il viendra un temps ou vous m’attacherez. Vous devrez reconnaître vous-même les signes… »

Eut-elle été moins enthousiaste que je n’aurais pas voulu rien essayer. Mais il était manifeste que ceci était une chose qui la faisait brûler.

Vaya me prit par le bras. « Viens. Allons prendre une douche. J’ai une idée… »

**

Pour un Maître de Shavayan, le nombre et la « qualité » des esclaves l’entourant étaient des signes de son importance. Il était toujours embarrassant de marcher avec Vaya, particulièrement dans des lieux bondés.

Les habillements y étaient aussi pour quelque chose. Les mâles de Vaya avaient fière allure, se portaient avec élégance et raffinement, portant l’écusson au couleurs et armoiries de la famille Shavayan. Plus d’une tête se tournait à notre passage. Valérie, habillée comme elle l’était, attirait elle aussi l’attention. En leur présence, je passais pratiquement inaperçu. Vaya était elle-aussi assez remarquée, mais c’était plus une question que les regards cherchaient à voir qui était la Maîtresse. Elle ne cherchait pas particulièrement à briller.

Le casino était bondé, mais il semblait que la louve était bien connue des autorités du casino. Nous n’étions pas encore entré que déjà elle avait acquis un chaperon, un lapin d’apparence impeccable, qui s’enquérait de ses désirs, et allait au-devant de ses besoins.

Les rouages du casino étaient bien huilés : malgré la foule, on nous ouvrit le chemin discrètement, et un ascenseur nous attendait pour nous mener au deuxième étage. Un tel traitement de faveur m’était en principe répugnant, mais comme je n’en étais pas la cible, et que nous n’étions plus dans le système planétaire de Kivat, je regardais avec amusement.

Des gens de tous les mondes, habillés de manières différentes. Les sons, les odeurs, l’ambiance électrisante, les consommations gratuites… tout cela était excitant. J’étais distrait, regardant ces gens qui gagnaient, perdaient. Au deuxième étage, il y avait moins de gens, et ceux-ci avaient une apparence plus fortunée. Le chaperon de Vaya lui trouva une table de BlackJack, et lui offrit une petite boîte de plaquettes rectangulaires en céramique, métal et plastique, estampillées du logo du casino, avec une puce électronique à l’intérieur. De diverses couleurs, et de formes légèrement différentes, afin que les espèces ne pouvant distinguer les couleurs puissent reconnaître la dénomination.

Je vis comment Ayel, l’un des esclaves de Vaya, signa discrètement un papier notant la réception d’un certain montant.

Vaya joua un peu, m’expliquant les règles du jeu. Elle gagnait, elle perdait. Elle m’expliquait pourquoi. Rien de compliqué.

Elle voulait me faire prendre sa place, mais j’étais suspicieux, lui demandant la valeur des plaquettes. La plus petite avait une valeur de 500 ducats. Elle ria de mon expression, peut-être un peu déçue de ne pas avoir réussi à me piéger. Une petite heure agréable, passée à la regarder perdre une somme équivalant à la valeur de la maison familiale…

« Pas une bonne soirée, » elle me dit, se levant, décidant enfin de couper ses pertes. Elle me prit par le bras, me mena au restaurant du casino. On tenta de nous donner la meilleure table, qui permettait de voir tout ce qui se passait en bas de la mezzanine, mais mes gardes s’objectèrent : si je pouvais voir, c’est que je pouvais être vu. Une table dans un coin tranquille, avec vue sur l’espace par un gros hublot. On nous apporta la carte des boissons. Je n’ouvris pas la mienne, car j’allais prendre de l’eau, comme toujours.

Vaya me parlait, m’assurait qu’elle gagnait plus que ce qu’elle ne perdait –cela me surprenait car cela allait contre les statistiques- mais elle semblait réellement le croire, alors… il y avait un mouvement, à ma droite, les mâles de Vaya formant brièvement un mur alors que Valérie, qui avait perdu quelque chose, se glissa sous la table pour retrouver l’objet. J’allais bouger pour l’aider dans ses recherches, mais Vaya posa une main sur mon poignet, secouant légèrement la tête, clairement amusée.

Un moment plus tard, je compris, alors que Valérie se glissa entre mes jambes, ses doigts agiles détachant ma ceinture, ouvrant ma braguette. J’avais les yeux écarquillés.

« Laisse. C’est une autre des choses qu’elle aime. Elle ne s’est pas encore fait prendre, » Vaya me chuchota. Mes gardes savaient, ne serait-ce que parce qu’ils ne pouvaient plus voir Valérie, et qu’il y avait une seule place ou elle pouvait être. Les gens aux tables avoisinantes n’avaient rien remarqué. La nappe cachait beaucoup, et les esclaves de Vaya bloquaient la vue.

J’aurais protesté, mais la sensation d’une langue sur mon membre était trop immédiate, et le résultat trop puissant, pour que je veuille réellement résister.

« Tu fais quoi, quand tu te fais attraper? »

Elle ria, « tu souris, fais un clin d’œil, dis un commentaire léger, paies, et tu bats en retraite. Ils sont rares, ceux qui vont pousser les hauts cris, particulièrement si tu laisses un bon pourboire. Ils riront, en parleront à tout le monde, mais sans plus. »

Valérie me prit complètement dans sa bouche. J’étais déjà très dur. Vaya me tapa légèrement le poing gauche, « relaxe. Parle moi de… » et elle démarra une petite conversation. Tenir mon bout de cette conversation n’était pas facile. Je regardais constamment, tout autour, mais, quoique certains regards étaient parfois jetés dans notre direction, c’était plus une question des esclaves qui attiraient l’attention.

Puis la serveuse revint, pour prendre la commande. Elle ne se doutait de rien, et Vaya… faisait par exprès, demandait plus d’information sur telle ou telle boisson, prit beaucoup de temps avant de faire son choix.

Valérie… ce n’était pas la première fois que je sentais sa langue, mais cette fois ci, elle se dépassait. Je compris rapidement que son but était de me faire réagir, me faire nous trahir. Je pouvais l’entendre, aussi. Elle respirait plus lourdement, excitée, son cœur battant vite, brûlant de l’oxygène plus rapidement. Avec son collier de cuir, tout serré, mon membre dans sa bouche…

La serveuse revint, avec mon verre d’eau et l’expresso de Vaya. Vaya, qui s’amusait, qui posa quelques questions à la lapine, qui semblait être du genre à aimer se laisser engager dans une conversation, surtout lorsque cette cliente était fortunée. Il me fallait sourire, avoir l’air détendu, prétendre…

J’adorais. C’était une surprise, puissante et délicieuse. Sur Kivat, après une chasse, il était normal de servir la chasseresse qui vous avait choisi, et de le faire devant les yeux de tous. Ceci… était différent, comportait une bonne dose d’illicite excitant.

Vaya me regardait, et je la sentais excitée. Elle se doutait bien que je n’avais jamais fait une telle chose, avant. Pour une décadente fille de Shavayan, me voler un peu de mon innocence était une chose séduisante.

Je fermai les yeux lorsque vint mon moment, mes cuisses serrant la tête de la renarde, éjaculant copieusement dans une bouche avide et chaude. De longs moments à me concentrer à paraître calme, à forcer l’ouverture de mes yeux. Vaya me regardait, avec son petit sourire en coin, accotée nonchalamment sur le dossier de sa chaise. Satisfaite.

Valérie me lécha bien, avant de refermer mes pantalons et de boucler ma ceinture. Une pression de mes jambes. Valérie comprit aisément. Je la sentais bouger, se tourner.

Vaya se tendit presque imperceptiblement, son expression se figeant. Mon sourire aurait pu être celui qu’elle arborait, il y avait à peine quelques minutes…

Le Loup 10

 

ŠLE CERCLE BDSM 2006