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Quelqu'un m'a récemment demandé
pourquoi j'étais devenu un travesti. Sur le coup, je n'ai pas trouvé
de réponse, et ça m'a fait réfléchir : ce
n'est pas le genre de décision que l'on prend à la légère.
Du
plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été attiré
par la variété de styles et de tissus que peuvent porter
les femmes, en comparaison avec la relative monotonie des vêtements
pour hommes. Dans la société d'aujourd'hui, il est beaucoup
plus acceptable pour une femme de porter du satin, de la soie ou du spandex
qu'il ne l'est pour un homme. La couleur est aussi un facteur. Qu'un homme
se risque à s'habiller tout en pastels, plus que de simples accents,
et la plupart des gens penseront (erronément et malheureusement)
qu'il est homosexuel.
Puis,
en 1996, un accident de travail, qui m'a presque coûté la
vie, m'a fait arrêter toutes mes activités pour six mois.
J'ai ainsi pris le temps de bien me regarder, de voir où en était
rendue ma vie, ce que je voulais en faire, et ce que je voulais accomplir.
À la suite de cette réflexion, j'ai décidé
que je ne voulais pas vivre avec le regret de ne pas avoir essayé
quelque chose que j'avais la possibilité d'essayer, que ce soit
un aliment ou une activité. J'en ferais l'expérience; j'aimerais,
ou pas; mais je saurais. Je me suis aussi aperçu que l'opinion
que la société pouvait avoir de moi ne m'importait plus;
je serais moi, rien de plus, rien de moins; je ne me cacherais plus derrière
un masque. J'ai décidé d'être honnête envers
moi-même, et ouvert aux autres. J'étais (et je suis encore)
prêt à assumer les conséquences de mes actions, quelles
qu'elles soient.
Je
suis d'abord devenu un " crossdresser " : une personne qui porte
les vêtements du sexe opposé. Le monde fétichiste
a bien vite capté mon attention, avec ses tissus brillants et chatoyants,
ses styles enveloppants ou révélateurs, et ses chaussures
élégantes ou extravagantes. Par les choses qui m'ont été
dites, j'ai été amené à croire, et avec raison,
que la communauté fétichiste m'accepterait tel que je suis,
sans me juger (sauf peut-être sur la beauté de mes vêtements).
J'ai commencé à fréquenter
les soirées fétichistes. J'y ai rencontré plusieurs
personnes et m'y suis fait de nouveaux amis, un d'entre eux étant
un photographe amateur. Nous nous sommes entendus pour faire une session
photo et, comme j'avais récemment acheté une perruque, nous
avons demandé à une de ses amies de me maquiller, juste
pour s'amuser. Quelques jours plus tard, en voyant les photos, j'étais
stupéfait! Je n'arrivais pas à me reconnaître moi-même
: les sourcils arqués; les (faux-)cils très longs; la taille
mince (un corset); les longues, longues jambes terminées par des
talons très, très hauts; l'ensemble en PVC noir, avec les
gants; tout (sauf la poitrine) était à l'image d'une femme
mature et élégante.
J'ai
ainsi décidé de franchir le pas de " crossdresser "
à travesti. J'ai acheté des prothèses mammaires,
les mêmes que celles portées par les femmes qui ont subi
une mastectomie (chirurgie du sein), ainsi que la brassière spéciale
pour les porter. J'ai commencé à observer et à imiter
la gestuelle féminine : comment m'asseoir, comment me tenir debout,
comment marcher, les petits gestes de la main en parlant. Toutes ces petites
choses qui rendent une femme
féminine. Sabine était
née! J'ai encore beaucoup de travail à faire pour passer
inaperçu(e) dans une situation " vanille ", mais je pratique
régulièrement, et je m'améliore.
La décision de m'accepter tel
que je suis a eu d'autres effets imprévus. Seulement deux ans après
avoir pris cette décision, ma famille et mes amis ont commencé
à me dire que j'avais l'air mieux qu'avant, que je semblais être
plus heureux et plus à l'aise avec moi-même, que j'étais
moins gêné et plus attentionné envers les autres.
A cause de tout ceci, à cause des nouveaux amis que je me suis
faits, et à cause des nouveaux horizons que j'ai découverts,
je peux honnêtement dire que je n'ai absolument aucun regret.
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