Histoires Des Invitées
Carole Et Monsieur
Cartoon
Simon
Nous sommes allés je ne sais combien de fois à Florence, Nous avons y avons
mangé des crostini neri et de la tagliata di manza, moi qui croyais que le
fin du fin de la cuisine italienne était la pizza surgelée. Nous avons bu
du Chianti, ce vin noir et profond, à mille lieues de ce que les français
boivent dans de grotesques bouteilles paillées. Nous avons aussi écumé les
bijoutiers du ponte vecchio pour y voir ou y acheter des camées. J'ai même
eu droit, architecture oblige, a un cours sur l'histoire de cette
cathédrale restée ouverte à tous vents jusqu'à ce qu'un architecte de la
pré renaissance lui invente une coupole construite sans échafaudage. J'ai
évité de dire à Monsieur que je savais tout cela depuis mon cours
d'histoire de l'architecture. Pourquoi faire de la peine ? Et le soir,
j'offrais ma bouche et mes reins à Monsieur et le vendredi soir, les seins
et le sexe en feu, j'étais fouettée.
Nous avons (j'ai) découvert Londres, ou à deux pas de la National Galery et
de la frise du Parthénon, une boutique tout a fait élégante met en vitrine
et vend des canes, pas des cannes pour marcher, non, de ces baguettes en
rotin courbée à une extrémité qui font le malheur des jeunes femmes. Et le
soir, j'offrais ma bouche et mes reins à Monsieur et le vendredi soir, les
seins et le sexe en feu, j'étais fouettée.
Nous avons vu, à Dalhem, le musée de Berlin ouest, une copie de la Vénus de
Sandro Botticelli par l'entremise de laquelle j'ai eu le plaisir (!) de
faire la connaissance d’une très ancienne conquête de Monsieur, lequel
prétendait qu'elle lui ressemblait fort. Et le soir, j'offrais ma bouche et
mes reins à Monsieur et le vendredi soir, les seins et le sexe en feu,
j'étais fouettée.
Nous avons sillonné la Russie, de Moscou aux villes du cercle d'or et aux
musées de Saint Petersbourg, pour y manger des pelmeni ou découvrir des
villes ou l'on peut voir dans le métro quelques hommes assis, mais jamais
une femme debout. Et le soir, j'offrais ma bouche et mes reins à Monsieur
et le vendredi soir, les seins et le sexe en feu, j'étais fouettée.
Ou arrêter cet inventaire stérile ? Pourquoi évoquer le Val de Loire ou le
fort de Salses, Vienne ou Venise, Ravenne ou Vicenza, les Chablis ou les
Gevrey Chambertin? Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Jusqu'a ce soir,
ce soir ou Monsieur m'a Présenté Simon.
Monsieur m'avait annoncé que nous sortions ce soir là et m'avait demandé de
soigner ma tenue, ce qui n'avait pas manqué de me surprendre, tant une
tenue soignée allait de soi lorsque j'étais près de lui .
A vingt heures, nous entrions, pour le coup dans un grand restaurant, et
Monsieur, après m'avoir à son habitude approché ma chaise, commandait une
bouteille de champagne dont il se faisait servir deux coupes, une pour
chacun.
A vingt heures quinze, ni quatorze ni seize mais quinze, entrait un jeune
homme un peu plus grand que Monsieur, au visage dur, dont le costume sombre
dissimulait mal une musculature d'athlète.
Monsieur s'est levé pour l'accueillir et le conduire à notre table. Si
j'avais pu avoir le moindre doute, celui ci a été immédiatement révoqué
lorsque l'arrivant m'a donné à baiser le dessus de sa main, en la tenant
juste assez bas pour que je doive nettement me courber. Quand je me suis
relevée, j'ai découvert un sourire charmeur et que l'arrivant s'emparait du
dossier de mon siège. Il ne me restait plus qu'à m'assoir en essayant
d'imaginer quelle soirée de dépravation Monsieur avait bien pu imaginer.
Ils ont conversé au long du repas, parlant beaucoup de moi et un peu de
leurs affaires, communes ou pas, assez pour que je devine qu'ils
sévissaient dans le même monde de l'immobilier et que Simon, c'est ainsi
que l'appelait Monsieur, jouissait d'une certaine aisance. Le repas
touchait à sa fin. J'avais surpris, dans le courant d'une conversation ou
je n'étais en rien invitée, que Monsieur proposait à son invité de
m'accompagner aux toilettes pour m'examiner ou m'essayer à sa convenance et
que celui ci répondait qu'il n'en voyait pas la nécessité car ce qu'il
voyait de moi restait de très loin au delà de ce que Monsieur lui en avait
dit. De cela j'ai déduit que notre entrevue avait été préparée de longue
date.
Le repas tirait sur sa fin. Un léger dessert dégusté, Monsieur a commandé
une nouvelle bouteille de champagne. La Première avait été à peine entamée
mais il parait qu'ouverte depuis deux heures, elle était « passée ». Je me
préparais pour des choses plus « sérieuses » quand Monsieur a pris la
parole pour tenir un discours qui m'a consternée.
Carole, tu me combles depuis plus de douze ans. Je vais sur mes soixante
dix ans, je ne pourrais plus longtemps te convenir. Voyons, de quoi aurions
nous l'air, vraiment, de quoi aurais tu l'air ? J'ai donc décidé de te
donner à Simon. Il est inutile de te préciser que tu n'as pas ton mot à
dire. Il est pour ce que j'en sais un maitre sévère mais attentionné.
Simon, Carole semble te satisfaire. Elle est à toi. Tu connais mes
habitudes avec elle. Libre à toi de t'y conformer ou de lui en imposer
d'autres, moins ou plus strictes que celles ci. Son marquage te sied et
plus encore qu'à moi même. Tu peux la fouetter à ta guise, la prêter à qui
te semblera opportun, l'utiliser de toutes manières. Une seule chose : ma
famille a une désespérante tradition de longévité et si, de mon vivant,
j'apprenais que tu la rendes malheureuse, je te tuerai.
Je vous souhaite une bonne fin de soirée et longue vie.
Carole, je dois te dire une dernière chose avant de vous laisser, une chose
que je ne t'ai jamais dite et que je puis te dire aujourd’hui : je t'aime.
Sur ce, il s'est levé, il est parti, je vis heureuse aux cotés de Simon et
je n'ai jamais revu Monsieur.
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