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CHAPITRE
10: Y A PLUS DE SAISON, MA BONNE DAME!
Ce matin, au réveil, j'avais la gueule de bois. L'alcool et la
nuit courte
En plus j'avais été réveillé
tôt par le bruit de la circulation: je n'en ai plus l'habitude,
depuis que j'habite à la campagne
Je me levai à sept
heures pour aller faire verser une larme à mon cyclope, et je réveillais
Chloé qui s'était retournée en ronchonnant.
De retour des toilettes, je m'allongeai
sur le lit et lui déposai un baiser dans le cou:
- " Je vais te laisser dormir, il faut que j'y aille. Je peux prendre
une douche? "
- " Mmm
"
- " Merci. " Je fis mes ablutions et me lavais les dents: j'avais
l'impression d'avoir une haleine de cow-boy. J'avais pris mon sac dans
la salle de bains pour ne pas la gêner. Une fois vêtu, je
repassai embrasser Chloé qui était un peu plus réveillée
maintenant. Elle parut surprise:
- " Tu t'en vas? "
- " Ben
Oui, je te l'ai dit
" Apparemment, elle
dormait encore pendant notre grande conversation. Elle se levait:
- " Tu as le temps de prendre un café? Je travaille, ce matin.
J'ai un autre boulot dans une boulangerie. "
- " Oui, avec plaisir. Tu trouves le temps de dormir, avec toutes
tes
activités? " Elle rit:
- " Oui, je dors très peu, et je fais des petites siestes.
J'ai toujours fonctionnée comme ça, mais ça me cause
des soucis pour avoir une vie sentimentale stable. "
- " Tu m'étonnes
"
Elle me fit un super café, en
poudre avec l'eau du chauffe-eau. Un raffinement digne des meilleurs restaurants
de la capitale
Enfin, c'était noir et chaud.
Nous étions en tête-à-tête
autour de la petite table de la cuisine. Elle me prit la main et me glissa
un regard langoureux:
- " J'ai adoré l'amour qu'on a fait cette nuit. Tu étais
si doux
C'était si bon
"
- " Moi aussi j'ai adoré. Tu me donnes tellement de plaisir
Pourtant, il ne m'a pas semblé que tu aies vraiment pris ton pied
" Elle sourit de plus belle:
- " Ne crois pas ça. J'ai tout gardé au fond de moi,
près de mon coeur. Tu m'as fait chavirer de bonheur
Je me
trompe, ou tu avais une autre idée en tête? " Je n'avais
pas le souvenir d'avoir été si pressant:
- " Oui, j'avoue que j'avais terriblement envie de te prendre par
derrière. J'adore ça, c'est mon péché mignon,
mais je ne connais pas tes goûts à ce sujet
"
Elle devint sérieuse:
- " Tu as bien fait de t'abstenir. Je n'ai jamais essayé,
et je n'ai pas envie. Je respecte tes choix sexuels, je te remercie de
respecter les miens. Merci quand même de ne pas avoir essayé
de me
" Elle fit une pause.
- " Je sais que ce n'est pas le moment pour ce genre de conversation,
Mais j'ai été abusée quand j'étais petite.
Par un oncle. Oh! Rien de spectaculaire, et je suis sûre que lui,
ça ne l'a pas marqué. Il avait mis sa main sous ma robe
et m'avait caressé mon petit cul, en mettant un doigt dans ma raie
Ça n'a duré que quelques secondes, mais assez pour me suivre
toute ma vie. Voilà. Je tenais à ce que tu le saches. "
Je lui embrassai la main. Je ne trouvais
rien à dire, sauf:
- " Tu y vas quand, à ta boulangerie? "
- " À huit heures. Le temps de prendre une douche. Tu as le
temps de me déposer avant d'aller au boulot? "
- " Sans problème. Je suis mon propre patron. Je travaille
dans la finance. " Elle leva un sourcil:
- " Tu m'intéresses. J'ai pas mal d'argent de côté,
et j'ai l'impression que mon banquier ne pense qu'à m'entuber.
" Je lui fis un sourire en coin:
- " J'ai l'impression que je ne suis pas le seul à le vouloir
Dis-moi combien, sur quelle durée et je te dirai ce que ça
te rapporterait. Le seul problème, c'est que tu n'as aucune garantie.
Personne ne me connais. Officiellement. Pourtant, je brasse des dizaines
de millions de dollars. " Elle parut impressionnée, et méfiante.
Il y avait de quoi:
- " J'ai vingt-cinq mille euros. Sur cinq ans. " Je fis un rapide
calcul mental:
- " Environ huit pour cent par an. Treize sur dix ans. Compte un
pour cent de commission, c'est intéressant. " Elle ne s'emballait
pas:
- " Oui, c'est sûr
Très intéressant
Si je revois mon argent. "
- " Je comprends tout à fait ta méfiance, et tu as
bien raison. J'essaierai de te faire entrer en contact avec d'autres clients.
Il y a déjà mes parents
"
Oui, je ne vous en ai pas encore parlé:
Mon père est à la retraite. Ils m'ont fait une confiance
aveugle depuis le début -ils ont toujours cru en moi- et maintenant,
ils sont à la tête d'une véritable fortune. Ils sont
partis vivre en Australie -leur rêve de gosse- avec mon grand frère,
à Perth. Ils arrivent à entamer leur capital à grand-peine.
C'est aussi grâce à eux que j'ai pu racheter notre maison
familiale au prix fort. Les nouveaux propriétaires n'étaient
pas spécialement vendeurs
Chloé prit sa douche et s'habilla
rapidement -les mêmes vêtements que la veille, à part
un petit haut moulant bien échancré qui laissait voir son
décolleté et même son soutien-gorge. Elle avait une
hygiène strictement suffisante.
Je la déposai à sa boulangerie:
je me souvins d'y être déjà venu, et je crois bien
que c'est elle qui m'avait servi
Je lui pris une dizaine de croissants
et lui en offrais deux, nous n'avions pas déjeuné, juste
ce somptueux jus de chaussette. Je la saluai poliment, elle ne tenait
pas à des effusions sur son lieu de travail. Pas celui-là,
en tout cas. Nous ne nous sommes rien dit d'autre, pas d'échange
de numéros de téléphone, ni d'autres rendez-vous.
Juste " A bientôt. " Moi, je savais où la joindre.
Je garai la voiture dans la cour des
Müller -des Dédés, c'est plus mignon. Il était
huit heures et demie, Denis dormait encore. Je laissais les clés
sur le guéridon où il les posait d'habitude, avec les papiers,
je griffonnais un coeur avec quelques mots de remerciement et déposais
des croissants dans la cuisine. Je m'éclipsai comme j'entendais
du bruit à l'étage: il avait dû entendre la voiture,
et voulait peut-être encore abuser de mon petit corps, mais j'étais
trop fatigué pour en supporter davantage
Je rentrai enfin. Ouissecasse m'attendait devant la porte, au soleil naissant.
Qu'il en profite
De gros nuages noirs, poussés par un vent
glacé arrivaient du nord-ouest. Quel été
W
disposait d'une chatière automatique pour circuler à sa
guise. Il pouvait même aller jusqu'à faire ses besoins dehors,
lorsque la fantaisie lui prenait. Il se frotta sur mes jambes en ronronnant
bruyamment et je lui fis un petit câlin, mais il attendait surtout
ses croquettes. C'est vraiment désintéressé, ces
petites bêtes
Carole n'était pas encore rentrée,
rien n'avait bougé depuis mon départ. Je remplissais négligemment
la gamelle du fauve et suivais mon petit rituel: répondeur maison,
RAS. Répondeur organizer, pas grand-chose: quelques demandes de
transfert, à confirmer par e-mail. Mon ordinateur, les confirmations
en question. Je vais pouvoir souffler un peu. Je me suis allongé
sur le canapé, et vite endormi. Je fus réveillé par
Carole qui cria, quelque part dans la maison:
- " Chouette! des croissants! " Elle les avait trouvés
sur la table de la cuisine. Une chance que W ne les ait pas vus, il adore
ça. Je regardais ma montre: neuf heures vingt. Je me levais rapidement
pour ne pas qu'elle me trouve avachi sur le canapé: après
toutes ces années, j'ai parfois l'impression d'être encore
un gosse qui a peur de se faire surprendre en train de faire des bêtises.
Pourtant, j'ai fait pire
Bien pire.
Je la rejoignais dans la cuisine, où elle préparait son
excellent café -rien à voir avec celui de Chloé-
en chantonnant un air que j'avais entendu la veille, au " Lolitas.
" Mon épouse était toujours vêtue de sa robe
rouge, mais avait enfilé ses mules. Elle me sauta au cou dès
que je passai la porte:
- " Bonjour, mon petit phylloxéra angora! " J'improvisai
vite un petit nom:
- " Bonjour à toi, mon petit clitocybe* laqué! Tu as
passé une bonne soirée? "
- " Ouais! super! " Je l'embrassai: comme elle m'avait manqué!
Je m'en rendais seulement compte. Elle versa deux tasses de café
-sans me demander si j'en voulais- et s'assit à la table. Elle
plongea sa main dans le sac en papier, en sortit un croissant et le croqua:
- " Mmm! Je les trouve très bons! Ils sont bien dodus et pas
trop cuits, comme j'aime. Tu les as achetés où? " Je
fis un effort de réflexion intense pour trouver des points de repère.
Ce n'est pas un endroit que nous fréquentons souvent:
- " Dans une boulangerie, sur la grand-rue, du côté
de la zone piétonnière. C'est pas loin de la pharmacie où
tu achètes tes drogues à bestiaux
" Heureusement,
elle avait localisé l'échoppe:
- " Ah ouais! Je vois! C'est la boulangerie Malbreil. Ils sont sympas.
J'y passe des fois, quand je vais à la pharmacie, d'ailleurs. Le
pain y est très bon. "
- " Et la boulangère a de belles miches. " Elle rit:
- " Ah ça! Elle doit faire son quintal. La vendeuse est plus
sexy
" Je fis l'innocent:
- " Ah bon? Elle est comment? "
- " Bof! Elle est pas si jolie que ça, mais je sais qu'elle
a toujours un super décolleté. Ça fait vendre. Mais
je ne crois pas qu'elle te plairait, c'est une brune. Je crois que tu
préfères les blondes. "
- " Oh! Les rousses, à la rigueur
Alors, ta soirée?
" Apparemment, elle n'avait pas reconnu Chloé:
- " Eh bien, on dirait que j'ai casé Mélanie. Elle
est partie avec une jolie jeune fille, un peu chinoise. Elles avaient
l'air d'être déjà vachement amoureuses. Pourvu que
ça dure. "
- " Et toi, ma sitelle torchepot? Qu'as-tu fait de beau? " Elle
fit un geste vague de la main:
- " Oh, moi
J'ai attendu qu'elle trouve une nana, j'ai bu quelques
verres - C'est pour ça que je ne suis pas rentrée, j'étais
pas en état. J'ai dansé jusqu'à la fermeture, et
une gentille fille m'a proposé de m'héberger. " Je
lui fis un sourire en coin:
- " Tu penses, une fille comme toi, on va pas la laisser dormir dehors.
Vous vous êtes bien amusées, toutes les deux? " Elle
me fit un sourire gêné et baissa les yeux. Après tout,
elle n'avait aucune raison de me cacher la vérité:
- " Oui
C'était bien. " Elle me renvoya la politesse:
- " Et toi? Tu as passé la nuit où pour que tu me ramènes
des croissants de Nemours? " Ah oui
Je n'étais pas bien
réveillé. J'avais eu l'intention de lui dire que j'avais
passé la nuit chez Denis
Je ne cherchais pas à lui
mentir, juste à ménager sa surprise le plus longtemps possible.
Il va falloir que je trouve autre chose:
- " J'ai couché avec Denis, et puis on a été
boire un verre, entre mecs. On est rentré tard. " Quelque
chose chiffonnait Carole. Elle me regardait d'un air suspicieux:
- " C'est bizarre, moi, j'aurais fait l'inverse
D'ailleurs,
je l'ai fait. Et puis, il ne doit pas y avoir beaucoup de bars ouverts
toute la nuit. La boulangerie doit ouvrir à sept heures, six heures
à tout casser
"
J'esquivai la question. J'étais
mal parti
- " En tout cas, je suis vanné. Je suis plutôt du genre
marmotte, et des plans comme ça, ça me déglingue.
J'irai bien m'écraser la tête dans un cendrier géant.
" Le soleil timide qui baignait jusqu'ici la cuisine d'une lueur
orangée, disparut subitement. J'en profitai pour parler du temps:
- " Tu as vu ce qui s'amène? J'ai l'impression qu'on va déguster.
Dire qu'on est bientôt en juillet
"
- " On est en juillet! c'est le premier, aujourd'hui. Bon, je finis
tes délicieux croissants, je me change et je vais voir les bêtes.
J'espère ne pas me prendre la sauce. "
Pendant que mon épouse soignait
ses bestioles, moi je refaisais un brin de toilette plus poussé
-surtout pour tenter de me réveiller- et m'attelai à mon
travail. D'habitude, c'est un plaisir, mais là, je n'avais pas
le coeur. Mon esprit sautait de Carole à Chloé. Je ne savais
pas si je l'aimais, et tout ce chamboulement en quelques jours me donnait
le tournis. Diane rentrait aujourd'hui, et j'appréhendais la soirée.
Comment ça allait se passer avec Carole?
J'en étais à ces mornes pensées lorsqu'elle déboula
en trombe dans la maison, avec ses bottes:
- " Putain de temps de merde! Y a plus de saison! On devrait se balader
en slibard, en ce moment! " Elle était trempée, sa
grosse veste de daim dégoulinait. Elle se déshabilla et
remit ses mules:
- " Je vais faire ma toilette. Tiens, les chèvres recommencent
à donner du lait. Elles vont bientôt avoir des petits. "
- " Si je vois une cigogne, je tire dessus. " J'aime bien les
chèvres, mais c'est très chiant à traire. Et comme
Carole devait s'absenter, devinez qui allait leur peloter les seins
En plus, j'aime pas le lait de chèvre. Et on aura sûrement
deux bestiaux supplémentaires
Je lui rappelai le programme
de la soirée:
- " Tu te souviens que Denis et Diane nous ont invités ce
soir? " Elle se figea sur place:
- " Ah? C'est ce soir? Putain! Pourquoi j'ai dit à ma mère
que je venais demain matin?!
Fait chier
"
Elle resta debout dans le couloir,
pensive. Je croyais qu'elle allait se décommander, elle était
très contrariée. Elle sauta sur le téléphone,
sans une explication. J'assistai à son monologue:
- " Allo, maman?
Oui, c'est Caro
Oui, merci, et toi?
Non, rien de grave. Juste que je ne viendrai pas demain
Après-demain
Dimanche, quoi
Ben oui, je sais, ça m'amuse pas non plus,
mais j'ai des obligations
Non, il n'y est pour rien
D'ailleurs,
il t'embrasse
" J'adressai un doigt d'honneur à Carole
qui sourit enfin. " Oui, promis
Cette fois, c'est sûr.
À dimanche. Bises à tous les deux!
Ciao! "
Elle raccrocha, en poussant un grand
soupir de soulagement:
- " Putain, elle est lourde. Elle peut pas comprendre que sa ferme,
c'est pas le centre du monde. "
- " Tu as raison, c'est la gare de perpignan.** " Je l'embrassai
tendrement:
- " Tu n'as pas oublié que tu as promis un gâteau à
Diane? "
Elle me toisa, les mains sur les hanches:
- " Tu rigoles! C'est le genre de truc que je n'oublie pas. Je me
suis creusé la citrouille pendant un moment pour trouver quoi faire
"
- " C'est pas encore Halloween... Et la bougie, tu te la mets où?
" Elle n'aimait pas que je l'interrompe pendant ses digressions culinaires:
- " Pauv' con! Ouais, je me demandais quoi faire, et j'ai trouvé:
" Je l'interrompais à nouveau:
- " Alors, tu te la mets où? " Elle était vraiment
énervée. Je la laissais finir:
- " Arrrh! Tu m'énerves! Je me disais donc que j'allais faire
un saint honoré. " Elle me fit cette révélation
fièrement. Moi, je n'y connaissais rien:
- " Ah? Il y a du chocolat, là-dedans? " Elle me regarda
d'un air consterné:
- " Mais non, triple gland! C'est un gâteau à la crème,
comme un gros chou géant, mais creux au milieu. Et puis après
tout, tu verras bien. De toute façon, tu aimes toujours ce que
je te fais. " Je l'embrassai de nouveau, mais elle restait raide.
Elle m'en voulait encore, mais ça devrait lui passer rapidement.
Je retournai à mon clavier,
et recommençais à reprendre goût à mon travail.
Je fis quelques simulations que j'imprimais sur plusieurs feuillets. C'était
pour Chloé. Je fis également des copies d'extrapolations
que j'avais faites pour de gros clients, avec les résultats réels.
J'arriverai peut-être à la convaincre
Je fus tiré de mes pensées
par la chanson du générique de " l'île aux enfants.
" Hiroshi avait besoin de mes services, et il devait guetter l'activation
de mon icône sur son écran. C'est toujours à moi qu'il
s'adressait pour tester ses modifications. Je ne sais pas pourquoi, je
n'étais pas le plus pointu en la matière
De plus,
il s'évertuait à vouloir me parler en français: il
prenait des cours, et je le soupçonnais de vouloir séduire
Carole
Il était dix huit heures chez lui: enfin quelqu'un
qui travaille à des heures décentes:
- " Moshi-moshi***, Gorgonzola! " Une voix furieuse, qui me
fit penser à Toshiro Mifune dans " les sept samouraïs
" me répondit:
- " Godzilla! Stupide tu es! " En fait de bestiole verte, sa
réponse m'évoquait plus Maître Yoda -de " la
guerre des étoiles ", encore- qu'un dinosaure.
Il continua, assez remonté:
- " J'ai demandé! Gorgonzola, fromage! Tu moques moi! "
Ça faisait un moment que je l'appelais comme ça. Il ne comprenait
pas la plaisanterie, le pauvre
Je lui fis mes excuses:
- " Désolé, c'était de l'humour. Qu'est-ce qui
t'amènes? " Gros silence, puis:
- " Comment dites-vous? " Il devait lire un manuel de traduction
multilingue pour touriste. Avec Carole, c'était pas gagné.
Je lui avais passé mon épouse, une fois, par curiosité,
et la petite vicieuse lui a parlé en patois de son pays. Il riait
beaucoup. Il ne comprenait rien, bien sûr, mais elle le berçait
d'une voix chaude et langoureuse en lui racontant une histoire bien salace,
un héritage de la famille. Je reformulai ma question:
- " Toi
Vouloir
Quoi? " Ça, il comprenait.
Heureusement, on parlait anglais pour le boulot.
- " Le photographe de Carole
Bien! Encore? "
- " Non! Plus! Fini! Bientôt encore! " Il rit. Je suis
sûr qu'il tapissait sa petite chambre d'étudiant attardé
avec les photos de Carole. Ou alors il faisait fortune en les exhibant
Dieu merci, il passa à l'anglais. J'en avais ma claque de parler
en morse. Il voulait juste me dire qu'il avait relevé un bug dans
la feuille de calcul de simulation. Rien de gênant, juste que le
mois de février avait trente et un jours. Beaucoup de patrons en
rêvent, mais ça fait trop. Il me demandait s'il devait m'envoyer
un correctif ou juste me donner la ligne à modifier. Bref, une
broutille. Je modifiais la ligne en question, et continuai mon travail.
Carole chantonnait dans la cuisine.
J'ai voulu prendre l'air pour faire une pause, mais je n'ai sorti que
mon nez: quel temps de chien! Je repassai voir mon épouse enfarinée:
elle me sourit, pas rancunière, et je l'embrassai dans le cou,
elle adore ça.
Je préparai le feu dans la grande
cheminée de la cuisine et l'allumai, il ne faisait pas quinze degrés
dehors. Carole frottait ses pieds l'un contre l'autre, signe qu'elle avait
froid. Je m'éclipsai quelques minutes et revins avec ses splendides
pantoufles à griffes. Je m'agenouillai sans un mot derrière
elle et les lui enfilai, elle en fut agréablement surprise:
- " Comme tu es mignon! C'est vraiment une délicate attention!
" Elle se laissa embrasser le cou et caresser les seins de bonne
grâce. Je justifiais ma bonne action:
- " J'aime pas sucer des pieds glacés. "
Je retournai à mon boulot, après
avoir rangé les mules de Madame. À peine assis, W s'enroula
sur mes genoux en ronronnant, signe -s'il en fallait un- qu'il faisait
très froid pour la saison.
Carole m'appela pour le repas. Contrairement
à son habitude, je ne vis ni entendis parler de son gâteau.
Elle ne devait pas l'avoir fini
Nous étions attablés
devant la cheminée, ce qui était très agréable.
Mais quand même, le premier juillet
Pour une fois, nous mangions
en silence. Pas par indifférence ou routine, mais nous étions
perdus chacun de notre côté dans des pensées
Extraconjugales. Nous nous caressions les mains en souriant, et il nous
tardait d'aller faire une sieste.
Carole fit la vaisselle pendant que
je débarrassai la table et m'occupais du feu. Je l'entraînai
dans le lit sans un mot, où nous avons fait l'amour passionnément,
en silence. Elle me chevauchait sauvagement, les dents serrées,
me fixant de ses yeux fiévreux. Elle soufflait très fort,
les narines dilatées. J'avais l'impression qu'elle voulait me faire
comprendre que je lui avais beaucoup manqué cette nuit, comme moi
je pensais à elle dans les bras de Chloé. Elle frottait
ses gros seins sur ma poitrine nue, et je sentais ses tétons durcis
agacer les miens. Curieusement, elle jouit en silence, comme Chloé.
Elle étouffa de petits gloussements, et je sentis son vagin m'enserrer
par spasmes. Était-ce pour se punir de m'avoir " trompé
", ou était-ce une technique apprise par Aïcha? Elle
continua de bouger comme si de rien n'était, Et je jouis à
mon tour. De la même façon. Ça me coûtait beaucoup
de ne pas l'honorer de mes cris
Elle avait les larmes aux yeux:
- " Ça va pas, ma chérie? " Elle ravala sa salive
et me fixa, presque en pleurs:
- " Oh si
Oh si, ça va très bien
Si tu
savais comme je t'aime
Tu le sais que je t'aime? " Je tentais
une pointe d'humour, bien malvenue:
- " Heu
Oui, je crois
" Elle me décocha une
violente claque sur le torse et me cria presque:
- " Petit con !
Je t'aime!!! "
- " Moi aussi, je t'aime. À la folie, pour ne rien te cacher.
Ne crains rien. Je suis là. " Nous nous sommes endormis, l'un
sur l'autre, bercés par le ronron de Ouissecasse qui se léchait
les fesses au pied du lit.
Je me suis réveillé à
cinq heures. C'est le clocher du village qui m'a tiré de mon sommeil
cotonneux, à vrai dire. Carole dormait à côté
de moi, sur le ventre, à moitié enroulée dans les
draps, W lové au creux de ses reins, toujours aussi superbe...
Je l'éveillais d'un baiser:
- " Debout, grosse loche
" Elle ouvrit un oeil, me sourit
et regarda autour d'elle. Elle semblait perdue:
- " Hein? Il est quelle heure? " Elle clignait des yeux comme
une chouette effrayée. Pour une fois, j'étais plus réveillé
qu'elle
Je paraphrasais la chanson de Dutronc:
- " Il est cinq heures
Mamie s'éveille
"
Elle se leva d'un bond, sans égards pour le chat. Là, elle
m'avait pris de court:
- " Putain! Qu'est-ce qu'on a roupillé! Au moins trois heures
Je suis complètement déphasée. " C'est vrai
que j'avais du mal à réaliser qu'on était l'après-midi.
En plus, il faisait tellement noir
Carole nous refit du café.
Idée géniale.
Elle mit la dernière main à
son gâteau et me convia à son plébiscite. En effet,
il était superbe, avec plusieurs petits choux tout autour, de la
crème chantilly et pâtissière, du sucre glace, du
caramel
Je produisis mon meilleur compliment:
- " Qu'il est joli! On dirait une couronne mortuaire sous la neige
" Elle poussa un gros soupir et me fit sur un ton morne et désabusé:
- " Merci
Ça me fait chaud au coeur
" Je
lui sautais au cou et la fixais dans les yeux:
- " Il est superbe. Vraiment. Tu es une reine
Dans tous les
domaines. " Elle me sourit tristement:
- " La prochaine fois, essaye de me faire un compliment. Un vrai.
Pas une de tes blagues à la con. " Je baissais les yeux, honteux:
- " Oui, ma chérie. Je t'aime. Pardon. " Elle m'excusa
et m'embrassa tendrement:
- " Petit galopin
Allez, retourne jouer! " Je préparais
mes vêtements pour la soirée, bien que je ne savais pas du
tout ce que ma maîtresse me réservait. J'avoue que je l'avais
un peu oubliée. C'est indigne de ma part. Je caressais machinalement
ma bague, et je décidais de l'appeler.
Le téléphone sonna à
l'autre bout de la ligne, et une voix féminine et agacée
me répondit:
- " Oui? "
- " Diane? C'est Luc! Ça va pas? " Elle soupira, je n'aurais
pas pu dire si c'était de l'exaspération ou du soulagement:
- " M'en parle pas! C'est la panique depuis hier
Je n'arrête
pas de déménager. D'ailleurs, je t'ai ramené plein
de surprises
Par contre, Je crois qu'on va être un peu à
la bourre ce soir. Si tu veux, on peut remettre notre invitation à
un autre jour
" Je criai, plein de dépit:
- " Non! On viendra plus tard, c'est tout. Carole doit partir chez
ses parents
Ça nous reporterait trop loin. Par contre, je
ne sais pas ce que tu as prévu pour ce soir, Mais je suis en train
de jouer un tour à Carole. Si tu pouvais ne pas faire d'allusion
à Alicia, ni à mon travestissement
" Elle rit:
- " Oui, Denis m'en a parlé
Tu ne perds pas de temps,
dis donc
Quoi?
Denis me fait dire qu'il te remercie pour les
croissants, et le petit mot. Il était très touché.
Il t'a bien fait l'amour, au moins? " Elle me posa la question d'une
voix coquine:
- " Il m'a prise sur le canapé. Il voulait que je me soumette
à sa volonté. J'ai obéi. J'ai beaucoup aimé.
" Elle n'était pas très convaincue:
- " Mouais. Je vois ce que tu veux dire. Il essaie de me faire le
coup, moi aussi
Bon, on a encore pas mal de boulot. Huit heures,
c'est pas trop tard? "
- " Non
Et même, si vous n'êtes pas prêts,
n'hésitez pas à nous appeler: on a horreur d'être
dans les pattes des gens, on n'aime pas gêner. Bisous! "
Bon. J'avais plus de deux heures à
tuer, pas question d'aller perturber Carole dans sa cuisine, il y a danger
de mort. Elle était toujours en train de préparer quelque
chose. Pourtant, on ne mangeait pas là ce soir
Je n'avais pas le coeur à jouer,
je me rabattais sur les photos de Carole. J'en avais encore une dizaine
à retoucher: une série de portraits, rien qui puisse intéresser
mes pervers amis, et j'avais pensé à en offrir un à
ses parents. J'avais réussi un cliché superbe: je ne cherche
pas à me jeter des fleurs, je pense plutôt au modèle:
Carole avait l'air pénétrée -sans jeux de mots- la
tête inclinée sur le côté, une expression de
douce lassitude rehaussée par un petit sourire triste. Elle avait
une fleur dans ses cheveux libres, et à la vue de la naissance
de ses seins, on pouvait en déduire qu'elle était nue. On
aurait dit une madone. Qui aurait pu dire, que quelques secondes avant
que je n'appuie sur le déclencheur, elle me disait:
- " Putain, magne
J'ai une de ces envies de pisser
"
Je crois avoir percé le secret du sourire énigmatique de
la Joconde: elle faisait de la rétention urinaire.
Je n'avais pas besoin de la retoucher,
elle. Juste l'image elle-même, et quelques détails à
l'arrière-plan qui attiraient l'oeil. Après au moins une
heure de peaufinage maniaque, je tirai une épreuve de contrôle
puis une finale, au format A3, sur papier texturé. Je l'encadrai
-j'ai toujours un assortiment de cadres d'avance- l'emballai avec art
et collai une petite carte sympathique dont la destinataire était
friande:
- " Pour tes quatre vingt douze ans, chère Ghislaine. De la
part de ta fille Caro et de son crétin de parigot de mari. "
Carole l'emporterait avec elle.
L'heure approchait: je protégeai
le feu de la cheminée, au grand désespoir de W qui commençait
à rissoler devant. La chaleur passait quand même à
travers le pare-étincelles
Je me préparais, et rejoignais
mon épouse qui mettait la dernière main à sa tenue.
Nous n'en avions pas parlé, et j'eus terriblement envie d'elle.
Elle était penchée, en train de fixer ses bas noirs à
ses jarretelles. Elle avait passé une longue robe du soir, noire,
ouverte jusqu'en haut de la cuisse, très décolletée.
En admirant sa poitrine, je reconnus sa guêpière noire dont
je devinais le haut des bonnets. Ça ne se fait pas, d'exhiber sa
lingerie comme ça
Pour le reste, elle était coiffée
et maquillée comme lors de la venue de Diane et de Denis.
C'était l'heure. Je la dévorais
des yeux: elle allait encore faire des ravages
À suivre dans " La carotte
Nantaise 11: Dessous de table. "
* Rien de sexuel, c'est un champignon.
** D'après Salvator Dali. Ça
n'engage que lui.
*** Allo, en japonais.
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