Histoires Des Invitées
La Carotte Nantaise 38
Claude D'Eon
NOEL AU BAL CON.
Pour l’instant, la jeunesse devisait en riant et en criant, il ne se
passait pas grand-chose. La sono rediffusait l’émission d’une radio locale
et je me demandais quand le bal allait commencer.
Guitou posa la question qui brûlait les lèvres de tout le monde :
— « Et Harry Potter, il est où ? Tu l’as laissé à la maison ? »
Je tirai Carole par le bras :
— « C’est qui ? »
Elle rit :
—
« C’est mon mari. Il n’apprécie pas trop mes copains, en plus il a
foutu la merde dans un couple, du coup il préfère se déguiser en
courant d’air : Ils lui ont trouvé ce surnom parce qu’il sort sans
arrêt des citations en latin, comme Harry Potter avec ses incantations.
»
Je grimaçai :
— « Ah ouais ? Il doit être d’un chiant ! »
Guitou s’étrangla de rire :
—
« Ah ! Ça ! Tu peux pas savoir ! Môssieur a de la culture, lui ! Pas du
genre à se lever à l’aube pour aller en mer ou traire les vaches ! »
Je m’amusai comme une folle à écouter en direct tous les ragots, vrais ou
faux qui circulaient sur Luc. C’est sa faute si Vivie s’était fait
tabasser, pas la faute de son mari qui défendait son honneur comme il se
devait.
Ces distrayantes révélations furent interrompues par l’arrivée de quatre
filles bruyantes qui entrèrent en criant. Les amis de Carole leur
répondirent de même et elle me souffla à l’oreille :
—
« Ce sont les femmes de Guitou, Gégé et Momo. La quatrième est une de
leurs copines. »
Une était déguisée en Cléopâtre, la deuxième en danseuse de samba –plutôt
sexy, la troisième en cow-girl – fine et mignonne, elle avait toujours la
bouche ouverte sur de grandes dents, lui donnant en permanence l’air
étonné.
La dernière était ma préférée : très ronde, petite, un sourire jusqu’aux
oreilles et une tenue très sexy de bunny en collants résille. Son opulent
décolleté attirait le regard comme un lampadaire attire les papillons de
nuit.
Guitou glissa à Gégé :
— « Ta bouboule, elle a vraiment honte de rien… »
L’intéressé ne répondit rien, se contentant d’un sourire gêné. Il n’en
fallait pas plus pour que je monte sur mes ergots :
—
« Et elle a bien raison ! C’est une belle nature et moi je la trouve
très belle, très craquante ! Tiens, si je n’étais pas une fille, je
l’inviterais à danser ! »
Faisant mine de se protéger de ses mains, Guitou ricana :
—
« Holà ! Tout doux, la panthère ! Ne te gêne pas pour l’inviter à
danser, On a l’habitude des filles qui draguent leurs copines ! »
Il rajouta :
—
« A ton avis, pourquoi la rouscaille t’as mis le grappin dessus ? »
Je m’éloignai insensiblement de Carole :
—
« Ah bon ? Pourtant, elle est vachement jolie pour une… Fille qui aime
les filles. Mais au fait, Carole, tu as un mari, non ? »
—
« Ben ouais. Mais ça empêche pas, je t’assure. Et ton mec, il arrive
quand ? »
Je regardai ma montre : il était déjà dix heures…
—
« Il ne devrait plus tarder maintenant. C’est moi ou il fait un peu
froid ? »
Guitou, le préposé au chauffage intervint :
—
« On va danser, tu vas voir, ça va te réchauffer. Et puis, si tu avais
mis une culotte, tu aurais moins froid ! »
Je lui répondis en le prenant de haut :
—
« Je ne vois pas l’intérêt de déguiser aussi les parties de mon corps
qui ne se voient pas !... »
Le bal démarra enfin, et en fanfare, comme il se doit avec le morceau
idoine : « Au bal masqué » de la compagnie créole. Le quatuor de
filles se jeta aussitôt sur la piste en poussant des cris de joie, à croire
qu’elles avaient attendu cette soirée pour se lâcher. Je ne résistai pas à
l’envie d’aller les rejoindre : depuis que je travaille –un bien grand mot-
au « Pop Model, » j’adore danser et me trémousser et je n’ai plus
aucun complexe.
Je me mêlai à la bande de copines qui m’accueillirent spontanément. Nous
échangeâmes nos prénoms et remuions de plus belle. C’était Camille, la
belle ronde qui menait la danse et improvisait les plus délirantes
chorégraphies, attirant tous les regards, souvent moqueurs.
Moi, j’étais subjuguée par la beauté de sa personne, par l’aura positive
qu’elle dégageait : c’est le genre de filles que je suivrais jusqu’au bout
du monde.
Une série de slows arriva très vite, et comme Gégé, le mari de Camille
était encore accroché à la buvette –à se demander pourquoi ils tenaient
tant à ce bal- je me mis en devoir d'inviter cette fille qui m'attirait
comme un aimant. Il y avait beaucoup plus de gars que de filles, mais peu
s’abaissaient à danser, se contentant de reluquer les femelles en chaleur.
A ce sujet, il est vrai que j’avais plutôt chaud, à présent…
J’étais aux anges dans les bras de ma petite cavalière qui sentait déjà la
transpiration. Je ne me rendis pas compte que je devais être un peu trop
affectueuse car elle se raidit subitement en me soufflant :
— « Hé ! Tu fais quoi, là ? »
Je me repris bien vite en m’excusant :
—
« Pardon, Camille. Je n’ai pas l’habitude de danser avec une fille. Je
te trouve tellement pétillante de vie que j’avais envie de te serrer
très fort dans mes bras. »
Elle rit :
—
« Pétillante, Pétillante… Pas mal pour une fille taillée comme une
bouteille de Perrier ! Mais si c’est ça, tu peux me serrer tant que tu
veux : moi aussi, je t’aime bien ! »
Pour le second slow, Nico, un copain de Carole, calme mais un peu sournois
m’invita à danser. Ses mains descendaient toujours sur mes fesses et je
passais le plus clair de mon temps à les remettre sur mes hanches. Mais je
compris pourquoi quand il souleva brutalement ma jupe, faisant pousser des
cris de triomphe ou de déception à ses camarades postés à quelques mètres
de là.
Je glissai à l’oreille de mon cavalier plutôt cavalier :
—
« Eh oui, j’ai une culotte… Il faut toujours que vous vérifiez tout,
vous, les mecs… »
Je ne me pressai pas trop pour rebaisser ma jupe : j’aime trop montrer mon
cul, surtout mis en valeur par de la lingerie fine : ma culotte de dentelle
noire, mes bas et mes jarretelles lui faisaient un écrin de choix…
Nico, sa mission accomplie resta correct jusqu’à la fin du slow. Celui-ci
terminé, j’allai rendre visite à Moustache pour qui les affaires tournaient
rondement, suivie de Carole.
Je pris un Perrier –merci Camille !- que Mon épouse m’offrit sur son
compte. Nous sirotions nos verres en regardant les danseurs se frotter les
uns contre les autres quand Carole me donna un coup de coude :
— « Tiens ! Regarde donc qui est à la porte ! »
Une Pocahontas, accompagnée d’une indienne -d’inde- se délestaient de leur
manteaux au vestiaire. Je n’aurais jamais cru que Viviane –l’indienne à
plume- ait le courage de venir au bal avec ce qu’il lui était arrivée.
Carole m’apprit –pour l’avoir vue chez elle- que l’autre fille était la
voisine qui l’avait recueillie.
Dès que ses copains l’aperçurent et la reconnurent, ils se mirent à
entonner un très fin et délicat « Allez les bleus. » Je mis
quelques secondes à comprendre que c’était une allusion subtile aux
hématomes que la pauvre avait récoltés lors de son « explication »
conjugale.
La rage me vrilla le cœur et je fis à Carole d’une voix sourde :
—
« Quelle joyeuse bande de cons… J’irais bien danser le quadrille sur
leurs couilles avec mes talons aiguilles pour voir s’ils ont toujours
le même entrain… »
Ma moitié me sourit avec indulgence :
—
« Cache ta joie, mon chéri, ou ils vont croire que toi aussi tu veux
faire partie de la bande ! »
Nous les regardions saluer ses copains sans rancune apparente jusqu’à ce
que Nico nous désigne du doigt. Le visage de Valérie s’illumina quand elle
reconnut ma mère Noël sexy et elles se dirigèrent vers nous.
Carole leur offrit d’emblée un verre –c’est dingue comme elle peut être
généreuse avec mes sous- et Valérie s’écrasa contre sa poitrine idéalement
mise en valeur :
—
« Comme je suis contente de te voir, ma chérie ! Ça fait vraiment chaud
au cœur d’avoir de si solides amies. Marie m’aide énormément, et c’est
dommage qu’elle travaille le soir de la Saint-Sylvestre, elle aurait
adoré venir faire la fête avec nous. Tiens, à propos, il n’est pas par
là, Luc ? »
—
« Non, il n’a pas voulu venir à cause de ce que tu sais. Les potes
croient que tout est de sa faute. »
—
« Les cons… Ils ne changeront jamais, ces abrutis. Qu’ils ne viennent
pas se plaindre s’il y a de plus en plus de gouines ! ...Oh ! Pardon,
Carole. Je ne voulais pas te faire de peine. En plus, tu es avec une
amie… »
Mon épouse lui taquina le menton :
—
« Je ne suis pas gouine, je sais apprécier les filles, c’est tout… Je
te présente Alicia, elle attend son amoureux. A mon avis, il s’est
déguisé en lapin ! »
Galante, ma douce moitié s’éclipsa aussitôt, prétextant la vue d’une
connaissance.
J’essayais d’entamer la conversation sur un sujet commun :
—
« J’ai entendu parler de ce Luc. C’est vrai qu’il parle latin ? C’est
pas banal ! »
Elle rit :
—
« Oh ! Seulement à bon escient, juste pour moucher ces barbares. Je me
demande ce qu’il aurait sorti à mon mari s’il avait été là quand je me
suis fait dérouillée… »
—
« Je ne crois pas qu’il lui aurait parlé latin. Carole m’a raconté pour
ton mari : Il lui aurait plutôt mis son poing dans la gueule, à mon
avis ! »
— « Ne parlons plus de ce déchet. Heu… Je parle de mon futur ex ! »
—
« Avec plaisir. Mais je ne comprends toujours pas le rapport entre le
mari de Carole et toi… »
—
« Disons que nous sommes tombés amoureux et que nous avons passé
quelques nuits ensemble… »
Je lui fis un sourire étonné :
— « Ah ouais ? Et… Elle est au courant, la belle rousse ? »
—
« Oui, elle est très partageuse et aime beaucoup les filles. Bien plus
que dans mon souvenir ! A ce sujet, si tu n’es pas de ce bord,
méfie-toi, on dirait qu’elle te drague à fond ! »
—
« Merci du tuyau, c’est vrai que j’avais trouvé sympa de sa part de me
prendre ainsi sous son aile… On va danser ? Les slows sont bientôt
finis et j’ai rencontré une bande de copines rigolotes ! »
La bière sans alcool et le cidre doux avaient réussi à convaincre la
plupart des garçons à se trémousser également.
Je dois avouer que je m’étais fait de fausses idées sur ce bal sans
prétention : Tout le monde s’amusait beaucoup, et grâce à l’étonnante
sobriété des participants, il n’y avait pas de bagarres stupides. Juste une
altercation avec des jeunes imbibés qui voulaient forcer l’entrée malgré
les conditions clairement affichées à l’entrée :
— Pas d’alcool ni d’état d’ébriété manifeste
— Costume exigé
— Les organisateurs se réservent le droit de refuser l’entrée aux personnes
susceptibles de causer des troubles, ainsi que de limiter l’accès à la
salle selon sa capacité.
Je me suis demandé l’allure qu’il aurait eu si le latiniste de service ne
s’était pas collé à la rédaction de ce panonceau…
À suivre dans " La carotte Nantaise 39: Mémoire d'une jument de haras
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