Histoires Des Invités

 

Le Loup 2

Par Arkann

 

Les odeurs étaient fortes, mais pas du tout déplaisantes. J’étais fatigué,mais de cette fatigue physique qui apportait un grand contentement. Une nuit torride, ou l’on ne m’avait pas laissé beaucoup de repos.

J’avais oublié à quel point il était plaisant de se réveiller, chaudement entouré, après une nuit d’excès. Cinq louves, juste pour moi. Et pour faire changement, assez de temps pour apprendre à les connaître. Assez de temps pour qu’elles apprennent à me connaître.

« Je suis frappée à quel point tu sembles être véridique lorsque tu te dis innocent. » La voix de Stanza dans mes oreilles, à peine plus qu’un murmure. Elle avait ses bras autour de moi, sa poitrine et son ventre contre mon dos. Des odeurs que je portais, la sienne était la plus marquée.« C’est que je le suis, » je lui répondis. « Ma famille, mes amis, mon clan, la Légion, tous ont tenté de me prouver innocent. Les preuves sont accablantes. Je crois que seuls les membres de ma famille me croient innocent. Et encore, j’ai certains doutes. »

Elle prit quelques instants avant de me répondre. Puis, « j’ai étudié ton dossier, j’ai fait mes recherches lorsque l’offre m’a été faite d’être de celles qui t’accueilleraient à ton arrivée. L’image que je me faisais ne correspond pas à ce que je tiens entre mes bras. » Sa voix était sobre, son ton légèrement menaçant. « J’ai un bon jugement. Ce jugement est en conflit avec les faits. Je déteste me faire jouer. »

Un long silence de ma part. Comment répondre? Ceux de mes amis qui ne s’étaient pas déclarés mes ennemis m’avaient indiqué qu’ils ne désiraient plus me voir. Mon clan m’avait signifié que je passerais probablement le reste de ma vie à essuyer la dette d’honneur qui entachait se réputation. Ma famille m’avait supporté inconditionnellement.

« Considère moi coupable. C’est plus simple. »

La morsure qu’elle me donna en réponse était douloureuse. Elle n’était pas entièrement inattendue, ce qui me permit de contrôler ma réaction.

« Regarde moi, Arkel, » elle m’ordonna, d’un ton mat.

Je pris soin de ne pas réveiller personne en me tournant, me retrouvant museau contre museau avec elle. Son expression était hostile, son regard était menaçant, promettant la guerre ouverte à vie si je lui mentais.

« Regarde moi dans les yeux. Tu es innocent, ou coupable? »

« Innocent. » J’utilisais un ton neutre, sans inflexions. Je tenais son regard sans difficulté. Il était difficile pour un loup de mentir à un autre loup. Très difficile.

De longues secondes à me regarder droit dans les yeux, puis sont expression s’adoucit un peu. « Arkel… ces derniers jours… » Sa voix était un peu étranglée, « les derniers jours ont été tels que toute louve devrait avoir, jour après jour. Je peux prétendre, pour quelques jours encore. Je n’aurai probablement jamais d’autre opportunité comme celle-ci. Si un jour j’apprends que tu viens de me mentir, que tu viens de ruiner ce moment… »

Je lui donnai un sourire dur, « rien de ce que tu peux faire battra ce que mes amis m’ont fait ou me feront pour le reste de mes jours. » La trahison de l’amitié était l’une des pires, et cette perception que j’avais trahi leur confiance totale m’avait valu des ennemis motivés.

Elle hocha de la tête. « Très bien. Je te crois. J’ai vu les preuves. Tout se tient. La seule manière pour que cela soit, et que tu sois innocent, est que quelqu’un t’a délibérément visé, a construit les preuves de toutes pièces. Qui? Pourquoi? »

Un petit sourire soulagé de ma part, content de voir qu’elle pouvait faire un tel saut, de me faire confiance. « J’étais un simple cadet officier, prometteur, mais sans plus. Aucune importance. À part d’être loup et male… rien. »

Elle me posa des questions, elle fit ce que me amis avaient fait alors qu’ils me croyaient toujours innocent. Ce qu’avaient fait la défense, ma famille, le procureur, le juge, la Légion, mon clan… que de frustrations, de questions sans réponses, de preuves inattaquables.

Le juge, comme le voulait la coutume, m’avait offert d’admettre mon crime, et de m’en tirer sans peine de prison s’il me croyait sincèrement repenti. J’aurais eu à présenter mes excuses à toutes les personnes concernées. Mes amis m’auraient pardonné. Mon clan m’aurait pardonné. La société entière m’aurait pardonné. Je n’aurais pu continuer dans l’armée, mais… mon futur n’aurait pas été entièrement détruit.

Trop fier, pour admettre un crime qui n’était pas le mien. Le juge, voyant que je continuais à clamer mon innocence, avait ordonné des compléments d’enquête. Mes amis, mon clan et ma famille, tous avaient remué ciel et terre pour moi. Et n’avaient trouvé que d’autres preuves de ma culpabilité. Le juge, courroucé par mon manque de bonne foi manifeste m’avait condamné à la prison de Shilo, la pire, la plus dure, pour cinq ans, le maximum qu’il pouvait donner pour une cause de trahison. Il ne me restait qu’un mois à faire pour servir ma peine. Dans quelques jours, j’y serais de retour.
**

Arta faisait partie de notre mini-meute. Sa vie était en sécurité entre nos mains, mais nous lui avions appris à en douter, ces derniers jours. Avec l’accord de Stanza, j’avais demandé aux louves de s’en servir, de l’asservir, de faire d’elle leur jouet. Pour ma part, j’en avais un usage plutôt rude. J’avais laissé sur la lapine l’emprunte de mes dents, en mains endroits, prenant soin de ne laisser que des marques qui ne seraient visibles qu’au toucher.

Elle portait au cou un collier que j’avais fabriqué en prison, en prévision de cette proie qui serait mienne. Ce collier épais, fait d’une substance qui ne pouvait être distinguée du cuir, était ciselé de scènes érotiques m’impliquant. J’avais choisi à l’avance le sexe et l’espèce de ma proie, ce qui m’avait permis de la tracer sur le matériel. Le collier avait des ouvertures, pour me permettre de la mordre au cou si je le désirais. Il avait aussi un long anneau recouvert de cuir capitonné et attaché à une longue languette de cuir, et plusieurs dents de métal, toutes courbées dans la même direction. Lorsque l’anneau était tiré, la surface interne rétrécissait, et des lamelles de cuir appliquaient une pression directe sur les voies respiratoires…

Nous l’avions utilisé, ces derniers jours. Parfois pour de longues heures à faible intensité, se servant des dents de métal pour barrer en place la languette, parfois juste pour quelques minutes, mais très serré. Elle avait souvent eu le souffle court, ma lapine, sur le bord de l’évanouissement à plusieurs reprises. Nous avions pris grand plaisir à l’exciter, à lui faire perdre le souffle.

Comme maintenant. Elle me chevauchait, m’agrippait de toutes ses forces.L’anneau du collier était entre mes doigts. Sa respiration était laborieuse, saccadée. Je ne bougeais pas, lui laissait faire tout le travail, l’encourageait à brûler son oxygène, à consommer plus qu’elle ne pouvait inspirer. Les louves étaient autour de nous. Nous n’avions rien mangé depuis le petit matin, et les grognements d’estomac n’avaient rien de simulé. Et les louves la caressait, la mordillait. Et la mordait parfois au sang, puis léchaient ce sang, férocement.

Elle poussa un petit cri lorsque je tirai l’anneau, resserrant ainsi son collier. Ses yeux étaient larges, son expression était intense. Elle me regardait avec des pupilles qui se dilataient lentement, voyait ce sourire de loup que je lui donnais. Je lui avais dit que nous la dévorerions si elle ne pouvait me satisfaire avant de perdre connaissance. Je la sentais s’accrocher, se débattant pour rester consciente, se concentrant pour me forcer à jouir… mais deux louves avaient eu leur tour avant elle, et il y avait ce plaisir qu’elle ne pouvait résister, venant de toute part, cinq paires de mains, cinq bouches, dévouées à son plaisir.

Je la regardais, je voyais chaque étape sur son visage, comment elle sentait un picotement partout à la surface de sa chair, comment elle perdait sa vision périphérique. Le plaisir, sa principale sensation, et je la faisais durer, je la laissais parfois prendre un peu plus d’air. Un équilibre délicat. Les louves l’aidaient à bouger, l’encourageant, lui faisant des promesses qui caressaient son Endoctrination. A moitié consciente, ses inhibitions abandonnées des jours avant, elle se laissait aller, perdant parfois connaissance pendant quelques secondes, revenant à elle graduellement mais à la sensation d’un plaisir qui n’avait jamais cessé.

« Prépare toi… » Mes mots, murmurés quelques instants après lui avoir laissé le plaisir rarement apprécié de profondes inhalations d’un air vital. Elle se tendit, haletant rapidement, goulûment… et puis je tirai, lentement, fermement. Jusqu’à ce que le cliquètement de la barrure se fasse entendre. Un cliquètement dont je lui avais parlé, mais dont elle n’avait jusqu’alors pas entendu le son. Elle ne pouvait presque plus respirer.

« Joui de ce que tu peux, » je lui dis, la tirant à moi, puis tournant nos deux corps jusqu’à ce qu’elle soit sous moi. Je l’avais laissé récupérer. Elle avait quelques dizaines de secondes de conscience en avant d’elle, pas plus. Elle le savait. Elle n’était plus certaine de sa sécurité. Son Endoctrination… était déchaînée, vraiment libérée pour la première fois de sa vie. Son dos forma un arc malgré mon poids qui l’écrasait, ses mains formant des poings dans l’épaisse fourrure de mes épaules, et elle me présenta sa gorge.

Poussée par son Endoctrination, cette culmination de plusieurs longues heures de jeu, ce plaisir doté d’une intensité qu’elle n’avait encore jamais connu, il n’y avait rien que je puisse faire pour amoindrir son orgasme. Je ne pouvais que l’améliorer. Et je savais très bien comment; une vigueur très grande, la prise de sa gorge entre mes dents, des grognement féroces, des morsures de la part des louves…

Tout cela elle obtint dans ces précieuses secondes. Elle se débattait, ses instincts prenant le contrôle alors même que ses désirs lui faisaient rencontrer mes poussées avec son corps. Un jeu dangereux, car mes dents la tenaient fermement afin de maintenir l’illusion, mais c’était un jeu dans lequel j’étais maître. Je la sentais glisser, faiblir. Je continuais, l’accompagnais aussi loin que possible, jusqu’à ce que Stanza me tape l’épaule tel que convenu. Je laissai aller sa gorge, puis appuyai sur un bouton camouflé, et son collier la libéra d’un coup sec, lui permettant de respirer. Stanza lui administra rapidement une injection qui la garderait inconsciente pour les heures à venir. Elle vérifia ses signes vitaux, puis me donna un sourire.

« Tu es certain que tu ne veux pas de ta proie? Tu l’as mérité, et elle en serait honorée, tu sais… »

« Nous en avons déjà parlé. Non. » Un ton plaisant, mais ferme.

Elle haussa les épaules. « Comme tu voudras. » Elle caressa les courbes de la lapine avec regret, et je savais que la louve, elle, n’aurait pas hésité.

J’espérais avoir donnée à Arta les outils dont elle aurait besoin. Elle se réveillerait dans quelques heures, portant nos odeurs. Sur son bureau, divers documents : l’un d’eux avisant tout prédateur qu’elle était mienne et mienne seulement, un autre lui détaillant ce que je voulais d’elle, pour les années à venir, comment me contacter afin qu’elle puisse me rejoindre si elle ne pouvait plus résister. Des documents, sous format électronique, certains d’entre eux verrouillés par des dates, qui lui donneraient accès à des photos de nous, d’elle. L’une des louves était très bonne avec une caméra, et avait pris de nombreuses photos, et filmé beaucoup. Avec ses souvenirs, mes instructions, ses photos et enregistrements pour but, elle arriverait peut-être à contrôler ses désirs.

Nous lui avions donné les armes, et c’était maintenant à elle de se battre.

**

Je regardais mon épinglette dans son écrin avec incrédulité. Les louves étaient autour de moi, fières et heureuses. Gravé à la surface était la Croix de Sivant, une marque qui n’était décernée que quelque fois par année, qui demandait la signature du Premier Ministre. Elle signalait à tous que j’avais survécu l’une de mes épreuves avec un très grand courage et une détermination inébranlable. Tel que le voulait la coutume, cette nouvelle allait être rapportée dans tous les médias, ainsi que les circonstances l’entourant.

La marque noire de ma condamnation pour trahison, ainsi que toutes les autres marques auxquelles j’étais habitué étaient bien présentes sur l’épinglette, m’assurant que ce n’était pas une erreur.

Une joie indicible. Ma famille, avec qui le seul contact que j’avais depuis cinq ans était un bulletin officiel standardisé, allait être très fière. Un peu de baume sur les plaies. Cela aiderait énormément les relations avec mon clan, puisque ma valeur s’en trouvait fortement appréciée. Un mois. Un mois avant de sortir de prison, de faire de nouveau face à la société. J’avais hâte. J’avais peur.

Stanza prit l’épinglette d’argent et me la fixa au collet. « Nos félicitations, Arkel. » Elle se colla contre moi, m’embrassa, et je répondis avec émotion, lui laissant savoir avec ce baiser les sentiments que j’avais pour elle, pour cette confiance qu’elle me faisait en acceptant ma parole. J’avais de nouveau une alliée qui n’était pas de ma famille. Les autres étaient moins certaines, ou encore croyaient en ma culpabilité, mais elle avait semé un doute dans leur cœur. Stanza et les autres allaient voir si elles ne pouvaient trouver de nouveaux indices. Elles ne trouveraient pas, mais ce qui importait était l’effort, la tentative.

Elles m’enserrèrent, l’une après l’autre, me murmurèrent leurs invitations à un jour les retrouver, leurs bons souhaits. Deux d’entre elles étaient probablement enceintes, et les autres avaient un droit sur moi, lorsque leur temps viendrait. Toutes avaient bien sur gagné ce droit. Les membres du sexe féminin ne faisaient pas face à des épreuves mortelles, mais seules celles qui portaient les marques requises à leur épinglette avaient le droit de chercher la compagnie des males de leur espèce. Il était probable que sur toute planète autre que Kivat, la louve au fond de notre petite hiérarchie aurait été une louve assez forte pour être une louve dominante. D’autres sociétés nous accusaient d’eugénisme, mais nos ancêtre avaient payé de leur sang, avaient résisté l’extermination avec de maigres moyens, et jamais plus Kivat ne serait envahi, quel que soit le prix à payer.

Des derniers adieux, puis je mis mon manteau, pris mes quelques possessions, et sortis résolument dans la froide nuit polaire pour prendre l’avion sans jeter un regard en arrière.

Le Loup 3

 

ŠLE CERCLE BDSM 2006