Javais fait mes derniers adieux.
Je navais pas vu les miens pendant cinq ans, et je ne les reverrais
plus pour trois de plus.
Jétais dans la salle dattente
principale, qui nétait pas climatisée. Il faisait
chaud. Tout le monde attendait la navette qui nous transporterait au vaisseau
spatial en orbite. Un navire de croisière desservant la route Ixo-Kazin
passant par Kivat. Les gens qui attendaient étaient presque tous
des étrangers, car voyager coûtait bien trop cher pour le
commun de nos citoyens. Les seuls Citoyens étaient quelques Légionnaires
en uniforme, en rotation vers lune de nos armées déployées
sur un monde distant, et deux représentants dIMK. Il était
tôt, et dautres passagers arriveraient dans lheure qui
venait.
Jobservais. Les accents. Les
odeurs. Les manières de se vêtir. Le comportement
Il
y avait un lapin qui devait assurément provenir de Katar :
il « volait » de lespace, ses effets personnels
occupant trois sièges en plus de celui quil occupait lui-même.
Aucun problème puisquil y avait de lespace en quantité,
mais il se sentait manifestement riche, en ce moment. Venant dun
monde cruellement surpeuplé, nos grands espaces ne pouvaient que
lencourager à être glouton.
Il y avait ces deux citoyens dIxo,
reconnaissables par leurs vêtements chatoyants aux couleurs vives.
Il y avait une fennec, avec une robe couleur sable dotée dun
capuchon et dun voile, seuls les yeux et les longues oreilles paraissant.
Un signe distinctif quelle provenait de Kravik, un monde désertique,
à la sombre réputation, ou les fennecs dirigeaient. Ses
oreilles étaient teintées de marques bleutées qui
révélaient quelle était de haut rang. Il était
dit des fennecs de Kravik quils ne révélaient leur
visage quà leurs proies.
Jétais épuisé
par une nuit sans sommeil. Je boitais, ma côte fêlée
continuait à me faire mal, mais je marchais, trop curieux, nez
aux aguets pour ces odeurs me parlant de mondes lointains, que jaurais
maintenant la chance de découvrir.
Les bribes dune conversation
entre deux voyageurs daffaire, capturés par mes oreilles.
«
et remonter nest pas aussi pire que latterrissage :
au moins, les pilotes nagissent pas comme sils se font tirer
dessus. Tu nas pas à craindre de brûler dans latmosphère
à cause dune défaillance mécanique. Mais il
y a lapproche du vaisseau spatial. Heureusement, on ne le verra
pas, mais les capitaines détestent ça au plus haut
»
Jétais amusé. Comme
tous les avions, toutes les navettes appartenaient à larmée.
Des navettes dassaut en surplus, en général. Elles
pouvaient être réarmées en moins de deux heures. Le
renne exagérait un peu, le vol était parfaitement sécuritaire,
mais il était vrai quil était un peu rude. Les pilotes
étaient des pilotes de larmée retraités, qui
avaient survécu à de nombreux vols dassaut. Il ny
avait probablement pas de meilleurs pilotes dans tout lEmpire. Il
en coûtait beaucoup plus à létat dutiliser
des équipements militaires pour des vols civils, mais de cette
manière, si on tentait de nous envahir à nouveau, tout léquipement
du système planétaire serait adéquat pour la tâche
à accomplir.
Plusieurs personnes arrivèrent
en même temps. LAmbassadrice, ses assistants, ses gardes du
corps. Elle me remarqua très tôt, vint à moi avec
la main tendue. Un grand sourire.
Les salutations faites, elle prit un
pas de recul et me regarda dun air critique. « Je vois
que tu es très à la mode. »
« Vraiment? »
Jétais heureux. Je men allais pour trois ans, javais
eu une avance de salaire, alors javais acheté de très
bons vêtements, durables et fonctionnels. Javais même
de nouvelles bottes, qui luisaient de propreté. Toutes les pièces
de métal étaient bien brossées, et mes vêtements
étaient parfaitement repassés. Mon béret était
porté à langle parfait, et le triangle de métal
qui indiquait que javais fait lAcadémie luisait sous
la lumière. Jallais représenter mon monde, et il me
fallait être à mon meilleur.
« Mes paroles se voulaient
sarcastiques, » elle me dit, dun ton décapant.
« Habillé, astiqué comme tu les, tout le
monde va penser que tu es soldat, pas diplomate. »
Elle leva sa main pour mempêcher
de lui nommer toutes les différences très marquées
entre un costume civil et un uniforme. « Tu boites encore.
Tu fais attention à tes côtes. Tu sembles à moitié
mort. » Elle semblait irritée, aujourdhui. Il
valait mieux ne pas répondre.
« Bon. Tu viens avec nous.
Je ne suis pas dhumeur pour vos montagnes russes. La navette de
lambassade va nous prendre. » Elle se tourna vers lun
de ses assistants. « Joram, les Chasseresses lont battu
avec des massues. Prends son sac à dos. »
« Je suis parfaitement capable
de- » Son regard me vola les mots de la bouche. Joram prit mon sac,
croulant un peu sous son poids. Jétais un peu embarrassé.
Il portait un complet qui valait certainement très cher, et il
allait être froissé.
La renarde nous mena sur le tarmac,
vers une petite navette effilée et très élégante.
Il y avait un groupe de personnes au pied de lescalier mobile. Le
Premier Ministre et quelques aides. Il était venu la saluer une
dernière fois. Des sourires et poignées de mains, qui paraissaient
sincères. Aucun regard vers moi. Pas de surprise. Juste un simple
Citoyen. Puis ils quittèrent.
À lintérieur, la
navette était indécemment luxueuse. Lespace était
utilisé de manière pitoyable. Malgré ses dimensions,
il aurait été possible de transporter une soixantaine de
soldats, mais il ny avait quune vingtaine de places. Confortable,
cependant.
La renarde mavait fait asseoir
à coté delle, et nous discutions de tout et de rien.
Et comme toujours, elle mobservait, sans vraiment paraître.
Le regard que je portai sur ma petite ceinture la fit sourire. « Seulement
sur Kivat trouveras-tu un service de navette ayant des sièges dotés
de quatre ou cinq points dattache. »
Elle eut lair un peu désappointé
lorsque je ne répondis pas à sa petite pointe.
Une heure plus tard, après quelques
minutes dapesanteur, notre navette samarrait au « Mistral »,
un vaisseau de ligne pouvant transporter presque dix mille passagers.
« Doucement
»
léquipage sassurait que les passagers ne se blessent
pas en bougeant trop violemment. Et puis il y avait le passage graduel
dun état dapesanteur à un état de gravité,
en passant dans le corridor nous menant à bord. Une simple navette
était un vaisseau trop petit pour léquipement permettant
de générer une gravité artificielle. Le capitaine
nous attendait au débarquement, un tigre plutôt massif et
assez vieux, mais au port altier. Il accueillit la renarde avec tous les
égards qui lui étaient dus.
Je nétais pas heureux,
par principe général. Même les félins de Kivat
le disaient : on ne pouvait faire confiance à un félin
qui ne provenait pas de Kivat. Navaient-ils pas produit des criminels
sanguinaires comme Kush, Sarek, Shaar et Bayim No? Les tigres en
particulier ny pouvaient rien car cétait inscrit
dans leurs gênes: les humains les avaient conçus pour la
guérilla : extrêmement intelligents, sournois, et cruels.
Javais remarqué létincelle moqueuse dans ses
yeux, bien cachée, lorsquil mavait regardé.
Immédiatement en sortant du
terminal, il y avait un corridor dont un mur était doté
de grands hublots
et ceux-ci donnaient sur ma planète. Je
fus
saisi par la beauté de ce monde qui était le mien.
« Je me rappelle la première
fois que jai vu Kazin de lespace, » me dit la renarde,
me laissant quelques instants pour admirer ce spectacle. Nous ne quittions
pas immédiatement : jallais avoir le temps.
« Est-ce que la Terre est
aussi belle que lon dit? » Je lui demandai, me forçant
à bouger de nouveau, incapable dimaginer plus beau monde
que le mien.
Elle soupira, peut-être un peu
triste. « Cest le monde doù nous provenons.
Cest de la que nos ancêtres sauvages provenaient. La lumière
y est parfaite. Lair y est parfait. Le goût de leau
Les forêts
»
Un long moment de pause alors que nous
marchions, puis, « si un jour tu as la chance darpenter
les gigantesques forêts de la Terre, tu percevras des odeurs qui
te sont familières, mais que tu nas jamais senti. Tu auras
des impressions, des mémoires qui te reviendront sans que tu puisses
ten souvenir, qui ne sont pas tiens. Il est douloureux daller
sur la Terre, car tu sais que tu devras la quitter. Je my perdrais
volontiers. »
Je pouvais presque sentir ces odeurs,
percevoir ces choses dont elle me parlait. Mais ce nétait
que les documentaires que javais vus au travers de ma vie. Rien
de plus.
Le capitaine parlait de son navire
à la renarde, et je pouvais lire sa fierté dans son ton
de voix. Cela
madoucissait. Je fis un grand effort. Ce nétait
pas tous les tigres étrangers qui viraient mal.
Pas que mon effort importait. Je nétais
quun loup sans importance, à ses yeux.
Presque un kilomètre en longueur,
une ville dans lespace qui transportait ses passagers en bon confort,
et toute sécurité. Restaurants, magasins, cinémas,
bibliothèques, un casino, et plus encore. Jétais plus
intéressé à son armement, les systèmes de
support. Je ne dis mot, bien entendu. Je cherchais les choses que javais
été entraîné à chercher.
Cétait un peu décevant.
Lacier nétait pas du type utilisé dans nos navires,
et nétais dailleurs pas très épais. Aucun
garde. À ce que je pouvais voir, nos deux navires de transport
civil étaient bien mieux armés et blindés même
sils étaient très vieux. Un navire comme celui-ci
avait une valeur colossale. Qui pouvait le laisser ainsi sans défense?
Peux de choses échappaient à
la renarde. Même si mes doigts palpant lacier étaient
hors de sa vue, elle savait ce que je faisais.
« Capitaine, je dois vous
aviser que mon jeune protégé est en train de figurer comment
pirater votre navire
» elle dit cela dun ton amusé.
Le tigre tourna son attention vers
moi. « Vraiment? »
Je rencontrai ses yeux sans lui offrir
de défi ce navire était son territoire, après
tout-, « Son Excellence Impériale exagère un
peu. »
Il ria. « Vraiment? Je vous
connais bien, citoyens de Kivat. Ma Directrice de sécurité
est une ancienne de votre Légion, et je ne peux vouloir meilleure
Directrice de sécurité. Cest votre premier voyage? »
« Oui. »
Il sourit de manière bienveillante,
un peu paternaliste. « Ce navire nest pas le Waza ou
le Rumsiki, » il me dit, nommant nos deux navires civils, « notre
route est civilisée, patrouillée par lEmpire et les
forces locales. Il ny a pas de pirates. Je crois que vous trouverez
un bien plus grand confort dans mon navire que dans vos deux ex transports
dassaut. »
« Le confort devrait être
secondaire à la sécurité. Linvestissement en
capital est majeur. »
Il ny avait pas de trace de moquerie
dans son rire profond. « Vous êtes jeune. Vous vous rendrez
vite compte que peux sont aussi stoïques que vous lêtes,
que moins encore sont prêt à partager leur chambre
avec vingt autres personnes. Voyager est dispendieux, et ceux qui le peuvent
sattendent à certaines choses. La seule raison pourquoi vos
navires sont profitables, cest quils opèrent sur des
routes que personne dautre nest assez fou pour exploiter
et que les pirates savent que vos commandants agissent comme sils
avaient un croiseur de bataille plutôt quun vieux transport
de troupes. »
Je ne dis rien. La seule raison que
je pouvais voir pour ne pas attaquer un navire pirate était de
protéger une source importante de devises étrangères.
Satisfait, le capitaine nous fit faire
le tour. Et vraiment, je napprouvais pas, mais je savais déjà
que jirais au casino. Des consommations gratuites, des lumières
et des sons fascinants, des odeurs intrigantes. Je ne comprenais pas pourquoi
quelquun pouvait vouloir y aller pour jouer lorsque lespérance
mathématique de gain était négative, mais
latmosphère
Puis nous atteignirent nos quartiers,
et le tigre nous les montra fièrement. Lendroit était
dune décadence indécente. Mais nous allions être
confortable. Il y avait du tapis sur le sol, et javais dans mon
sac à dos tout léquipement quil me fallait pour
dormir sur le plancher. Pas assez de lits, et jétais le moins
senior. Parfaitement acceptable.
On me regardait étrangement.
« Plus fort, Capitaine, »
la renarde lui dit, caressant son museau en me regardant.
« Jaurais dû
my attendre, bien sur, » il dit. Puis, « cette
suite est à vous, et à vous seulement, Citoyen. Après
tout, certaines de nos passagères les mieux nanties passeront par
ici, et Mistral se doit de leur offrir ce quil y a de mieux. Question
de prestige. »
Je narrivais pas à parler.
Il était sérieux! Impossible. Dans un navire comme celui-ci,
ou lespace était précieux, ces quartiers pouvaient
aisément contenir six personnes dans un luxe décadent. Jaurais
trop honte que cela se sache. Je ne pouvais accepter.
Je tentai de convaincre, de refuser,
de
mais on ne me laissa pas le choix. « Nous allons vous
corrompre, Citoyen. Ne sous-estimez pas le pouvoir du confort. »
**
Je prenais grands soins. Mon apparence
se devait dêtre absolument irréprochable. Mes meilleurs
vêtements, pressés, astiqués. Mes plus belles bottes.
Un col roulé noir arborant mon épinglette argentée.
Mon béret noir. Ça me faisait mal la petite fiole
mavait coûté trois mois de salaire- mais jutilisai
un peu du parfum que javais commandé il y avait maintenant
plusieurs années, calibré pour mes odeurs, rehaussant les
meilleurs cotés tout en camouflant les moins bons.
Devant le miroir, je faisais fière
allure. Une dernière petite touche, donnant un angle non réglementaire
à mon béret, pour me faire paraître un peu plus fringant.
Excellent. Même le sergent Elsenheym naurait pu quapprouver.
Linvitation livrée à
ma porte par un messager ne pouvait être aisément déclinée
sans raison, même si jétais nerveux. Je navais
jamais été parmi des louves étrangères.
Il était temps.
Résolument, je quittai ma suite,
et fis mon chemin jusquau Club Lupin qui était tout proche.
À huit heures précises, je fis mon entrée.
Des Clubs Lupins, il y en avait partout
au travers de lEmpire. Mais celui-ci
était luxueux,
indécent. Des boiseries partout, de beaux meubles en bois précieux.
Des livres en papier dans la bibliothèque, anciens. Une lumière
tamisée, une musique de fond, plaisante. Une ambiance feutrée.
Une peinture dépoque?- du général Ikel,
fondateur de lEmpire, trônait sur le mur principal, comme
le voulait la tradition. À ses cotés, une peinture de lImpératrice
Zera. Un serveur, un barman, canins. Mâles, et de bonne apparence,
bien entendu.
Dans la pénombre, jobservais
sans être vu. Quatre louves. Un coyote avait un bras autour des
épaules de lune delles. Celui-la, je laurais
à lil. Lune des louves provenait certainement
de Vimat, si jen jugeais par son sari brodé de fil dargent.
Dans la jeune quarantaine, prenant confortablement son aise, ses pieds
nus sous un coussin.
La louve et son coyote avaient à
peu près mon age. Elle était très bien vêtue,
avait fait de son mieux, mais elle nétait pas très
belle. Pas que je le laisserais paraître. Le coyote était
assez costaud pour un coyote, et semblait plutôt brillant si je
pouvais en juger par la manière avec laquelle il tenait son bord
de la conversation. Un opportuniste, nul doute, mais un coyote savait
ce quil avait lorsquil réussissait à mettre
le grappin sur une louve, et il en prenait certainement grand soin.
Les deux autres louves étaient
dans une alcôve, et les bribes de mots que jentendais étaient
ceux de la communauté daffaires. Les Clubs Lupins étaient
plutôt bon pour cela, et un loup pouvait faire confiance à
un autre. Dans un univers souvent fourbe, la confiance prenait une grande
valeur.
Les deux étaient dans la vingtaine
avancée. Lune venait clairement dIxo les vêtements
chatoyants en étaient la preuve- et lautre
lautre
avait tout un style qui lui était propre. Elle se portait avec
une suprême confiance qui indiquait quelle était dominante,
que le pouvoir était loin de lui être étranger. Elle
avait un magnétisme
Vêtue de vêtements dun
cuir brun foncé qui moulait ses formes. Des pièces de métal
pour faire contraste, agrémenter. Goût, allure, élégance,
confiance, beauté. Un plaisir à regarder.
Puis je notai ce qui venait tout gâcher :
le long bracelet de métal uni, bleuté, gravé, porté
au poignet droit. Shavayan. Ce bracelet indiquait quelle venait
de ce vil monde, quelle était de leur caste des Maîtres.
Il ne pouvait y avoir de doute. Aucune personne décente naurait
jamais porté un tel artefact.
Je grognais de manière presque
audible, mes dents montrées, les oreilles aplaties. Je corrigeai
la situation immédiatement, forçant mon expression à
être neutre, sobre, pleine de formalisme. Nous nétions
pas en guerre avec eux. Pas encore. Le jour ou leurs masses se rebelleraient,
ils trouveraient en Kivat un allié indéfectible offrant
argent, armes et soldats.
Je pris bonne note de cette louve dIxo
qui osait faire affaires avec une telle créature.
Elles me virent tous, pratiquement
au même moment, lorsque je fis mon premier pas hors des ombres.
Lune regarda sa montre huit heures, à la minute près-,
une autre sourit. Je fis mine de ne pas apercevoir le signe de bienvenue
de la louve provenant dIxo, préférant porter attention
à la louve de Vimat, la première à madresser
la parole.
« Bienvenu au Club, cousin.
Viens tasseoir avec nous! »
Cousin. Kivat avait colonisé
Vimat, il y avait de cela longtemps. Ils avaient beaucoup de nos valeurs,
de nos gènes. Un lien particulier et étroit nous liait.
Cest avec un sourire réel que jacceptai son invitation.
Malheureusement, la louve de Shavayan était dominante, et prenait
ses droits au sérieux. Elle se joignit à nous.
« Bonjour Citoyen
»
Elle commença à faire les introductions, une de ses mains
placée légèrement entre mes deux omoplates. Elle
était gracieuse, saccomplissait parfaitement de ses tâches.
Son parfum était complexe, subtil, attirant, enivrant. La louve
de Vimat ne portait pas de parfum.
Je me retrouvai assit avec la louve
de Shavayan, son bras négligemment posé au dos du sofa,
derrière mes épaules, un verre avec un alcool ambré
et des glaçons dans lautre main. Son parfum
était
hostile. Il dominait, estompait les odeurs des autres, même le mien,
occupait lair, sans perdre aucunement de sa subtilité ou
de son élégance, jusquau temps ou la seule personne
que je puisse sentir, cétait elle.
Un serveur vint, prit nos commandes.
Je commandai un verre deau, car je savais que tout était
impossiblement cher sur un tel navire.
Nous conversions. La louve de Vimat
était en voyage daffaires vers Kazin, comme celle dIxo.
La louve et son coyote
me forcèrent à les réévaluer.
Ils étaient mariés. Tous deux étaient en route vers
Kazin pour lUniversité Impériale de Kazin à
Kazin. Luniversité des universités, ou les étudiants
ne venaient que sur invitation. Un grand honneur. Peut-être le coyote
était-il respectable, après tout. Il me détrompa,
peu de temps après, avec une farce qui ne mavait pas comme
cible, mais qui aurait pu sappliquer à moi. Il venait de
faire son apparition sur mon radar
Et puis il y avait la louve de Shavayan,
cette séduisante, malfaisante créature. Ils étaient
immensément riches, les maîtres de Shavayan, exploitant leurs
masses sans vergogne jusquà la mort, on disait- et
pavanant leur richesse. Aucune discrétion, aucune pensée
de partager cette richesse. À son age, la fortune qui était
sienne était probablement héritée. Il ny avait
aucun embarras en elle, aucune excuse. Aucun compromis.
Elle était surprenante, courtoise,
riait aisément, possédait un sens de lhumour aiguisé.
Elle était gracieuse avec les autres louves. Une personnalité
engageante, mais elle ne me trompait pas.
Puis, un coup de pied au ventre :
elle venait de passer quatre mois sur mon monde. Elle avait trouvé
le moyen de devenir membre honoraire des Chasseresses de la Forêt
Noire. Rien de moins. Pendant un instant, je la détestai moins.
Puis elle révéla enfin son nom : Vaya. De la famille
Shavayan. De la famille fondatrice de ce monde, du système de castes.
Elle me montra son épinglette
honoraire argenté sur noir plutôt que noir sur argenté,
très rarement accordée-
et il y avait trois anneaux
à barre sur cette épinglette. Chasseresse émérite,
trois fois en quatre mois. Mieux valait ne pas savoir comment elle avait
développé ses talents de chasseresse.
Une réserve polie et courtoise
de ma part.
Shaha, la louve de Vimat, se
leva éventuellement. Un air troublé. Avant que le parfum
de Vaya ne fasse un avec tout, javais attrapé son odeur fertile.
Elle sexcusa, nous souhaita bonne soirée, et sen alla.
Je comprenais. Si les mâles étaient si rares, cest
que la peste qui avait altéré nos gênes faisait que
la vaste majorité des louveteaux mâles étaient perdus
lors de fausses couches. Il était dommage que ceux qui avaient
conçus cette peste immonde soient morts depuis longtemps, car eux,
jaurais étripé avec un sourire, dévoré
leur foie devant leurs yeux.
Javais toujours admiré
ma mère, qui avait souvent été enceinte. Avait souvent
perdu. Mes surs donnaient des signes quelles suivraient dans
ses pas. Comme la plupart des louves le faisaient. Mon humeur sassombrissait
toujours en y pensant. Mieux valait ne pas y penser. Shaha avait
probablement perdu, par le passé, et ne voulait pas revivre le
risque de cette douleur renouvelée.
Vaya se leva, sexcusa. Suivit
Shaha. Faisant ce que louve dominante devait. Elle allait sassurer
quelle allait bien, allait offrir réconfort. Au moins les
louves de Shavayan avaient-elles toujours cette décence, ce respect
des règles de lespèce.
Peut-être voulaient-elles bannir
ce moment sombre que tous sentaient. Elles avaient bu copieusement. Toujours
est-il que mes louves ne tardèrent pas à changer le sujet
vers dautres plus joyeux. Bientôt, ma tête reposait
sur les cuisses de létudiante, alors que javais la
louve dIxo dans mes bras. Cétait létudiante
que je voulais, car elle ne trempait pas avec Vaya, mais
ce nétait
pas moi qui choisissait.
Jaurais dû être plus
vite en affaires. Avant que je puisse me retirer avec lune des louves
au bras, la louve dominante revint
et son sourire glissa. Elle neut
à dire aucun mot. La louve dIxo prétexta lappel
de la nature pour sesquiver, létudiante arrêta
de me caresser les oreilles, et Vaya se pencha sur moi.
« Viens, Arkel. »
Je supprimai le soupir qui voulait
percer. Je ne pouvais décliner cette demande légitime.
Il y eut quelques rires lorsque je
tentai de payer pour mon eau. Le prix du billet comprenait les consommations
du Club Lupin.
« Aha! Cest pour ça
quil commandait de leau. » Le coyote, avec un ricanement
moqueur. Il tentait de me faire passer pour pingre.
Dun ton de bonne humeur, alors
que je rageais un peu, « mais non, voyons. Sur Kivat, ce sont
les louves qui paient. Une courtoise, que le mâle fasse attention. »
Cétait vrai, dailleurs. Une louve qui obtenait un rare
accès à un mâle voulait que loccasion soit mémorable,
ce qui pouvait être dispendieux
et aurait ruiné un
mâle en moins dune semaine sil avait à assumer
sa part, plusieurs fois par semaine.
« Nous te remercions pour
ta courtoisie, Arkel, » Vaya me dit, formellement. Elle savait
ce que le coyote avait fait, et préservait les apparences. Je lui
en devais une.
Le coyote, venait dentrer dans
la zone dangereuse. Un pas de plus
**
Lantre de Vaya, une seule pièce,
plus grosse que ma suite. Ses quartiers étaient décorés
à la manière de Shavayan, richement, avec goût. Des
coussins, des draperies, des meubles dacajou. Agenouillés
le long dun mur, huit des esclaves de la louve, parmi eux une renarde.
Ici. En orbite autour de Kivat. Si les autorités avaient vent de
ceci, ils forceraient la libération de ces pauvres esclaves!
La louve nétait pas dupe.
« Arkel, ils sont miens. Ils étaient avec moi sur Kivat.
Sils lavaient voulu, ils auraient pu me quitter en tout temps,
et devenir citoyens de ton monde. Loffre leur a été
faite, à maintes reprises. Ne sois pas si rapide à croire
la propagande de ton monde. »
Je fulminais. Elle ne mentait pas.
« Vous gardez leur famille otage. »
Elle secoua la tête. « Non.
Aucune contrainte. Ils sont avec moi car ils le veulent ainsi. »
Elle ne mentait toujours pas.
Comment cela se pouvait-il? Je regardais
ces pauvres hères sans comprendre.
« Viens, Arkel. »
Elle leva une main pour me stopper
un moment. Mon regard cherchait le sien, afin de la provoquer. Elle ne
fuyait pas mon regard, mais ne relevait pas le défi. Pas encore.
« Considère, Arkel.
Considère bien. Chasseresse émérite, trois fois,
en quatre mois. Ce nest pas pour rien. Si je gagne, tu me seras
soumis. Le veux-tu vraiment? »
Un sérieux pensez-y-bien. « Si
tu perds
» je lui donnai un sourire vengeur.
Elle sourit, sa confiance nullement
ébréchée. « Je nai jamais été
conquise, Maître Loup. Jamais un mâle ne sest infiltré
sous ma queue. Voudrais-tu être le premier? » Un sourire
retors, un ton provoquant.
Un instinct me prévint de faire
attention. Il y avait trop de certitude dans sa voix, son comportement,
son odeur. Un moment de flottement, dhésitation
et
nos regards se croisèrent. Je sentis son irritation.
« Très bien. Tu gagnes.
Je suis ta soumise. » Elle me dit cela sans même se battre,
dun ton moqueur.
Jamais avant on ne mavait fait
ce coup la. Ça prenait bien une louve de Shavayan. Aucune justice
dans une telle reddition.
« Défends toi! »
« Non. Tu as gagné.
Tu peux me faire ce que tu veux. » Un ton hautain, comme une
gifle au visage.
Je ne bougeais pas. Je fulminais.
« Si tu préfères
le statut quo
il me va. »
« Cest contre les
règles! »
« Ou est-ce écrit? »
Elle me demanda. Nulle part. Ceci narrivait jamais, pas entre deux
loups fiers et de même calibre.
« Cest absurde! »
Elle sourit, totalement relaxée.
« Je ne veux pas me battre avec toi, Arkel. Je vais gagner.
Tu as hésité avant de me provoquer, et cest que tu
le sais. Je préfère voir en toi mon égal. Tu possèdes
la Croix de Sivant. Je la respecte. Je veux un mâle qui la possède
comme géniteur lorsque viendra le temps. Je ne veux pas dun
mâle soumis. Je te crois être le meilleur loup disponible.
Je taccepte donc comme mon égal. » Un sourire
amusé. « À peu près. »
« Cest tout, ou rien.
Bats toi. »
Elle secoua la tête. « Tu
sais comment ceux de ma caste sont entraînés dès le
plus jeune age. Sil y a une chose de votre propagande que tu puisses
croire, cest celle la. Je suis entraînée comme tu ne
le seras jamais. Le seul mâle de mon monde qui pourrait peut-être
me battre est un cousin. Trop proche. »
Elle me montra les dents, son poil
se hérissant, lorsque je persistai à la provoquer des yeux.
« Tu as une côte fêlée. Tu boites. Attendons
que tu récupères, et je te donnerai ce combat que tu sembles
tant désirer. Ma meilleure offre. »
Une offre
acceptable. La tension
nous quitta tous deux. Elle sourit. « Je suis heureux que tu
aies persévéré. Jai bien étudié
ton dossier lorsque jai appris ta présence à bord.
Je te battrai, mais tu es vaillant, digne de me rendre enceinte, au temps
opportun. »
« Vous avez étudié
mon dossier? » Je lui demandai cela dun ton neutre.
Elle sourit. « Bien entendu.
Je ne choisis pas mes partenaires à la légère. Je
mattends toujours au meilleur de ce que lEmpire peut offrir.
Puisque lImpératrice à un intérêt pour
toi, je me dis que ce qui est assez bon pour elle est probablement assez
bon pour moi. »
« Pardon?! »
Son sourire devint plus grand. « Jai
mes sources, Arkel. » Puis, semblant comprendre quelle
devait men dire plus, « Notre ambassade garde la trace
de tous les loups particulièrement intéressants. Je dirais
que les trois quarts des membres de ma caste sont des louves, alors cest
une tâche importante de notre réseau diplomatique, particulièrement
ici, sur Kivat. Mon géniteur était un colonel dans vos Légionnaires,
avec un pedigree absolument impeccable. Avec le nom que je porte, notre
Ambassadrice était très heureuse de massister au mieux
de ses capacités. De par son importance, il est normal pour nos
agents de suivre Arlenn Kerzah à la trace. Elle est allée
chez toi. Et maintenant tu es ici, avec elle. Il ny a que quelques
raisons expliquant pourquoi elle dépenserait de son temps si précieux
avec toi. »
« Je ne sais pas de quoi
vous parlez. »
« Tu nes pas un bon
menteur. Il vaut mieux pour toi de ne rien dire que de mentir. »
Elle ouvrit un meuble, prit une bouteille parmi plusieurs, deux verres
effilés de grande beauté. « Dis moi, Citoyen,
as-tu vraiment trahi ton monde? »
Avec nimporte qui dautre,
jaurais répondu.
Elle ria de mon mutisme, versa dans
les verres. « Peu importe. Le plus important, ce sont tes gènes. »
Elle ignorait totalement les esclaves agenouillés à moins
de deux mètres.
« Je comprends que votre
monde nest pas loyal à lEmpire, mais si vous croyez
vraiment en ce que vous dites sur lImpératrice, il me semblerait
prudent de ne rien dire. Le Directorat
pourrait vous en vouloir. »
Elle me tendit un verre, profondément
amusée. « Tu ne sais pas grand-chose du Directorat,
Arkel. Et mon monde est aussi dévoué à lEmpire,
à notre manière, que le tien lest. Pour la dernière
fois : ne crois pas tout ce que votre propagande dit de mon monde.
La vérité est une denrée rare, lorsquun gouvernement
contrôle les médias. »
« Mais tu as raison sur
un point : si je pensais détenir un secret qui ne doit pas
être révélé, tu naurais jamais idée
que je possède ce secret. Mais nous parlons ici dArlenn Kerzah,
renarde parmi les renards. Sa réputation est grande. Si je sais
son intérêt pour toi, cest quelle veut que cet
intérêt soit connu. Il serait simple de conclure que tu es
un leurre pour détourner lattention, mais cest trop
évident. Ce nest pas du Kerzah. Elle ment comme elle respire,
elle adore faire croire que ses vérités sont des mensonges,
elle brouille les cartes en tout temps, pour le plaisir de la chose. Cest
sa nature. Elle sait. LImpératrice sait. Personne dautre
ne sait. »
« Il y a une chose, cependant :
si tu es un leurre, elle ta choisi pour que tu sois un leurre plausible,
et les autorités de Kivat lauront aidé. Tout ce que
ton gouvernement peut savoir de toi, elle sait.»
Elle ria. « Jaimerais
bien la voir se faire prendre à son propre jeu. Ça lui arrive,
parfois, trop fin-finaud, et lImpératrice est une louve qui
à ses propres désirs, sa volonté. »
Matière à réflexion.
Rien de rassurant dans ce quelle disait.
Elle leva son verre, « je
crois que tu vas aimer. Cest produit sur mes terres, ça ressemble
à du porto terrien, mais cest encore meilleur. »
Lodeur était effectivement
très spéciale. Je navais aucune idée de ce
quétait du porto, mais cétait un alcool. Le
goût était
magnifique, complexe. Beaucoup méchappait.
Je pris une seconde gorgée. Cétait peut être
la meilleure chose que javais jamais bu. Un loup qui cétait
maintes fois fait sortir par des louves voulant impressionner dans les
meilleurs restaurants de Kivat, ça voulait dire quelque chose.
« Cest très
bon, » je lui dis, sans tenter de diminuer le mérite
de cet alcool produit par les travailleurs opprimés quelle
exploitait.
Il y avait une grande satisfaction
visible sur son museau. Pas par mes mots, mais
« Je lespère,
Arkel. Cest un grand cru. Ta coupe contient plus de mille ducats
impériaux de ce précieux liquide. »
1000 ducats! Cétait trois
ans de salaire pour un ouvrier qualifié! Jétais horrifié.
« Ton expression vaut bien
le prix dune caisse de ces bouteilles. »
« Madame, le gaspillage
est peut-être vu comme une qualité sur votre monde, mais
sur le mien, il est répugnant. » Je lui dis cela avec
toute la dignité dont jétais capable, plaçant
mon verre sur la table. Je ny toucherais plus. « Japprécierais
si vous pouviez me vouvoyer. »
« Je tai choqué,
Arkel? Je mattends au mieux de ce que lEmpire possède.
Boire de cette vile piquette diluée que votre gouvernement vous
passe comme étant du vin dimportation de qualité?
Jamais! Plutôt mourir, ou encore me restreindre à boire de
leau. »
Je montrai les dents. « Le
vouvoiement, sil vous plaît. »
Elle répondit en me montrant
les dents. « Tu as une côte fêlée. Tu boites.
Ne pousse pas. »
« Jinsiste. »
Un long moment de silence. Puis, « soit,
petit loup, si tu tiens tant à porter mon odeur, à mêtre
soumis
»
Elle fit un signe, vers une porte de
cette pièce. Elle me mena dans une pièce moins grosse, mais
ayant suffisamment despace. Diverses armes et armures étaient
disposées au mur. Au sol, des tatamis.
Je ne voulais pas me battre dans mes
meilleurs vêtements. Je me dévêtis, et elle fit de
même. Malgré son mode de vie décadent, elle avait
tout ce quune louve devait avoir, et rien de ce quelle ne
devait pas avoir.
« Pas mal, »
elle me dit, en me lorgnant. Je ne lui répondis pas.
Elle prit position. Puis, « en
garde ». Quelques instants plus tard, nous nous rencontrions
au milieu de lespace de combat.
Un moment de désorientation.
Le tatami sous ma face. Il me manquait une seconde ou deux. Que cétait-il
passé? Sonné, mais je ne semblais rien avoir de mal à
par ma côte qui menvoyait des signaux de douleur. Pourquoi
Vaya nétait-elle pas venue me prendre à la gorge?
Je jetai un coup dil.
Elle aussi était sur le tatami,
à moitié courbé vers lavant, les mains bas
au ventre. Elle me regardait, son expression trahissant sa douleur, la
détermination se lisant dans ses yeux, la louve tentant de regagner
ses pieds alors que je faisais de même.
Je connaissais leur entraînement.
Javais su lors de ma stratégie initiale que, coté
technique, je nétais pas de taille, que le temps jouerais
en sa faveur, et que je me devais de terminer le combat très vite.
Peut-être mavait-elle sous-estimé. Je navais
jamais vu venir son coup, mais il était presque certain quelle
avait fait attention, lavait retenu pour ne pas me tuer
et
que javais encaissé celui-ci sans immédiatement meffondrer.
Je ne me rappelais plus du coup que
javais donné en échange, mais il avait manifestement
porté.
Je récupérais plus vite
quelle. À supposer que ce nétait pas une feinte.
Une charge rapide se terminant en une
savate bien appliquée, mais la louve parvint à sesquiver
au dernier moment, titubant un peu, mais sans que je puisse exploiter
son moment de faiblesse.
Une séquence de mouvements rapides,
dattaques et ripostes qui me montraient bien que son style était
supérieur au mien
mais que jétais plus fort,
plus solide. Il me montrait aussi que son style avait des lacunes importantes :
il était fait pour tuer, et leur entraînement était
toujours fait avec des équipements de protection. Elle le réalisait
en même temps que moi. Navait-elle jamais eu à se battre
pour défendre son rang? Ou bien sa confiance naturelle avait-elle
toujours été suffisante pour simposer?
Jexploitai cette faille sans
hésitation, acceptai les coups quelle osait me donner. Un
coup sur ma côte délicate me força à retraiter.
Elle ne me suivit pas. Elle mavait amoché, mais je lui avais
asséné plusieurs durs coups. Elle nétait pas
habituée à encaisser de solides coups. La douleur provenant
de ma côte était aiguë, mais je ny portais pas
attention.
Quelques instants, puis un retour.
Son expression était déterminée, la condescendance
effacée. Léchange de coups qui suivit fut brutal.
Encore une fois, nous étions
séparé. Je sentais que je pouvais gagner
mais aussi
que si jy parvenais, ce serait au prix de nombreux autres coups
vicieux sur ma jambe boiteuse ou mes côtes. Nous nous regardions,
haletant, tout deux hésitant à reprendre.
Puis elle ria. Un rire difficile, douloureux.
« Je peux te battre, Arkel, mais ce sera une victoire pyrrhique.
Soyons égaux. Cette fois ci, je ne ferai pas que prétendre. »
Je lui donnai un hochement de tête.
Ça mallait, en autant que le respect soit réel, ce
qui me semblait maintenant être le cas.
« Je suis ce que je suis,
Arkel. Jai un train de vie, des attentes, des forces, et certaines
faiblesses que jaime bien. Je ne te provoquerai pas, mais je ne
me limiterai pas non plus. Ça te va? »
Elle se laissait beaucoup de marge
de manuvre. « En principe. Il faudra voir, en pratique. »
« Nous avons un marché. »
Son sourire était mi-figue, mi-raisin. « Tu es bien
le premier loup qui me contraint ainsi. »
« Le premier? »
Elle hocha de la tête. « Le
premier loup. Jai toujours respecté les volontés de
ma mère, et jai une sur qui arrive à men
imposer. Jobéirais aussi à mon père, je crois,
car cest un loup que ma mère respecte grandement, et elle
est bonne juge de caractère. Sinon, oui, tu es le premier. Parle-moi,
sil y a problème, avant de me défier. Nous devrions
pouvoir régler tout conflit à lamiable, en autant
que tu sois raisonnable. »
« Ça me va. »
La tension nous quittait tous deux. Et avec cette chute, létendue
de mes douleurs simposait à mon esprit. Il en allait de même
pour elle, possiblement de manière plus prononcée. Me pencher
pour ramasser mes vêtements nétait pas un exercice
plaisant.
« Te sens-tu en état
de servir Shaha, Arkel? »
« Oui. »
« Bon. Elle est fertile,
prête, mais craintive. Deux fois elle a été enceinte,
deux fois elle a perdu. Cette fois ci sera la bonne. » Elle
dit cela avec une conviction calme à laquelle elle navait
pas droit.
De retour dans la chambre, elle mentraîna
au lit. Il y avait un certain intérêt de sa part, mais elle
se retenait, et était assez endolorie. Et puis il y avait les esclaves,
qui navaient pas bougé dun poil.
Elle vit mon regard. « Ils
restent, Arkel. Chez moi, nous faisons comme sur mon monde. Chez toi,
comme sur le tien. Une nuit chez moi, une nuit chez toi. Cest équitable.
Lorsque nous serons ici, il y a des choses que tu naimeras pas.
Tu te plieras à nos coutumes, ou bien nous devrons nous battre
à nouveau. Je me plierai à vos coutumes lorsque je serai
chez toi. »
« Non. Aucunes de nos coutumes
ne sont choquantes. »
Elle ria. « Effectivement.
Mais ce que je propose est la norme lorsque deux loups égaux mais
de mondes différents se retrouvent ensemble. Essaie. Garde lesprit
ouvert. Si ça ne test pas acceptable, nous parlerons. Si
nous ne nous nous entendons pas, nous nous battrons. »
Elle se tourna sur le ventre, sa tête
sur ses bras croisés. Un ordre, et deux des esclaves vinrent. Lun
deux se chargea de la louve, massant ses muscles endoloris. Lautre
la renarde- se chargea de moi. Jallais résister, décliner,
mais lexpression sur son visage était amusée.
« Ne vous inquiétez
pas, Maître. Cest de mon plein gré que jobéis.
Cest mon rôle. Plus important pour vous, cest mon désir,
très intense. Veuillez vous tourner sur le ventre. Vous ne le regretterez
pas. »
Son regard était ferme, me forçait
à réévaluer. Cette renarde avait toute sa volonté,
était loin dêtre une personne dont lesprit avait
été cassé, brisé. Je sentis le regard amusé
de la louve, tête tournée vers moi, lorsque la renarde répéta
ce qui était fondamentalement un ordre.
Plus par surprise que pour toute autre
raison, je me tournai, et me laissai faire.
Elle avait été quatre
mois sur mon monde, cette renarde. Le cerf qui soccupait de Vaya
aussi. La renarde commença à mexpliquer, le cerf participant,
et la louve intervenant parfois, afin de diriger la conversation dans
des directions quelle voulait me voir explorer.
Leur monde était un monde très
peuplé, extrêmement riche. Aucun gouvernement central fort,
le monde découpé en territoires, et pour chaque territoire,
un Maître, chaque Maître appartenant à une famille,
chaque famille ayant un chef. Ce chef allait au conseil des familles,
ou les politiques communes, et extérieures du monde étaient
décidées.
Les seules lois planétaires
étaient celles qui régissaient les Castes. Chaque famille,
chaque Maître, appliquait une loi qui lui était propre. Elle
me confirma que certains territoires ils étaient rares- étaient
encore pire que ce que notre propagande disait. Mais sur dautres
la renarde et le cerf me juraient que les gens étaient plus riches,
plus éduqués, plus confortable, mieux traité que
la plupart des citoyens de Kivat. Cétait difficile à
croire, mais les deux laffirmaient avec conviction.
Pour ce qui était de leur système
de castes, elle mexpliqua que les principes dEndoctrination
qui sappliquaient aux relations entres proies et prédateurs
avaient été altérés, adaptés au concept
des Castes. Son rôle lui était totalement acceptable, et
désirable. Cétait en lassumant pleinement quelle
arrivait à sépanouir le plus. Il ny avait quun
Maître pour plusieurs millions desclaves. Ceux qui le désiraient
ainsi étaient aussi libres quun Citoyen de Kivat, car il
était facile de passer une vie complète sans jamais être
remarqué par un Maître, et parce que la plupart désiraient
réellement une telle présence dans leur vie.
La plupart des choses quelle
disait allaient à lencontre de ce que je savais. Elle arrivait
à aisément évacuer la plupart de mes objections.
Celles quelle ne démentait pas ne faisaient quajouter
à sa crédibilité. Elle se disait profondément
honorée dêtre au service de Vaya, que cela avait dailleurs
un certain nombre davantages pour sa famille, dont les membres auraient
une plus grande facilité dattirer lattention, et de
se mériter une élévation à une Caste supérieure.
Il était possible pour quelquun de monter en rang
mais
aussi de se faire rétrograder, une chose considérée
comme profondément honteuse car cela impliquait un échec
une série déchecs- trop grand.
Tout était loin dêtre
bon. Elle mavouait sans détours que des abus graves existaient
sur certains territoires, mais que ceux qui réussissaient comme
la famille Shavayan-, assuraient une progression pour les leurs, quun
vrai Maître prenait très au sérieux ses responsabilités
et sassurait du bien de ceux qui lui appartenait. Pouvoir absolu,
mais devoirs presquaussi absolus.
Jétais troublé.
Ma perception des choses ne correspondait pas à ce que jentendais.
Il me faudrait contre-vérifier. Malheureusement, Vaya était
trop intelligente pour mentir ou laisser ses esclaves mentir sur une chose
vérifiable comme celle-ci létait certainement. Ce
qui laissait entendre que javais toujours pris pour acquis était
une exagération de propagande.
Pas que jétais confortable
avec ce quon venait de me dire. Mais
il me troublait plus
de savoir que sur certaines choses, le gouvernement ne disait pas toute
la vérité. Lorsque le doute sinstalle
La renarde avait de bonnes mains, et
était très bonne à ce quelle faisait. Elle
laissa notre conversation sétioler, vers la fin. Sous sa
touche experte, jétais particulièrement bien, et les
douleurs sestompaient.
En cours de route, Shaha était
entré dans la pièce, et se joignit à nous après
sêtre dévêtue. Elle était nerveuse. Vaya
tendit une main, pour lui caresser une cheville, la rassurer.
Ayant terminé, la renarde me
fit me tourner sur le dos. Et commença à se dévêtir.
Vaya était maintenant sur le coté, et vit ma réaction,
quelle escomptait pleinement.
« Du calme, Arkel. Cest
une petite coutume que nos mâles acceptent volontiers. Ta semence
est assez bonne pour moi
et elle sera très prisée
par ces louves qui sont mes vassales. Leurs enfants partageront le même
père que les miens. Tu comprendras que dans une société
comme la mienne, cela les liera plus fermement à ma famille
et leur procurera des avantages particuliers. »
« Nous ne faisons pas ainsi
sur Kivat. » Linsémination artificielle était
une chose froide et sans âme. Les choses avaient déjà
un coté triste, sans avoir à ajouter celui-la. Les mâles
étaient rares, mais ils étaient disponibles.
« Sur Kivat, et sur beaucoup
de mondes, » elle admit, « mais sur mon monde, les
louves sont plus pragmatiques. Les gens de Kivat ont les meilleurs gènes.
Ils ne veulent pas venir sur notre monde. Alors nous prenons ce dont nous
avons besoin. »
« Alors fais le toi-même. »
Elle ria. « Oh que non,
mon cher loup. Tu vas comprendre pourquoi. Maurais-tu vaincu que
je naurais pas laissé ce soin à Valérie, mais
je suis ton égal, et notre coutume
est ce quelle est. »
Elle donna un hochement de tête
à la renarde qui me sourit et se glissa entre mes jambes quelle
tenait ouvertes avec les mains. Des caresses, des lèchements. Elle
prenait son temps, samusait.
« Tu es tendu, Arkel. »
Je ne répondis pas à
la louve. Son ton amusé ne me plaisait guère. La situation
ne me plaisait pas. Mais ceci, je pouvais le supporter. Cétait
la manière amusée avec laquelle la renarde me regardait
parfois. Clairement, ce nétait pas la contrainte qui la faisait
agir.
Je devais aussi admettre quil
y avait que ce quelle faisait, elle le faisait incroyablement bien.
Malgré lintensité de mes activités de la nuit
précédente, mon corps répondait avec enthousiasme
au traitement de sa langue.
« Tu aimes? »
La louve se doutait bien que je ne répondrais pas, et continua.
« Valérie et tous mes esclaves personnels- a été
à lAcadémie de Varlöw, notre capitale. Tous ceux
et celles qui aspirent à faire partie de la maisonnée dun
Maître ou Maîtresse y vont. Une formation très intense
de quatre ans. Seuls les plus beaux, les plus belles, sont sélectionnés.
Un critère essentiel pour ladmission est la virginité.
Ils y apprennent tout ce quils doivent savoir. Lune des choses
essentielles quils apprennent est lart de procurer tout le
plaisir possible à celui qui sera leur Maître, celle qui
sera leur Maîtresse. Je puis tassurer que seuls les plus enthousiastes
et doués graduent. Valérie et tous mes esclaves ont reçu
des notes très élevées. »
Il ny avait aucune manière
pour moi de contredire les faits. La renarde faisait de moi ce quelle
voulait. Jétais dur comme de la roche. Une érection
qui ne pouvait se perdre que dune manière. La renarde, satisfaite,
enfila un condom sur mon érection.
« Si tu me plais bien, cher
Arkel, je te ferai don de la virginité de Valérie avant
notre arrivée à Kazin. » Un amusement profond
dans sa voix, ajoutant, « ou peut-être devrais-je ten
faire tout simplement don. »
Le regard que je jetai à la
louve était méchant, mais son expression narquoise nétait
nullement ébranlée. La renarde, quant à elle, avait
une expression espiègle. « Vous feriez un très
bon Maître, Maître loup. Cela ne me déplairait pas. »
Vaya ria, lorsque mes dents grincèrent
de manière audible. « Je toffre la chance de libérer
une esclave opprimée et malheureuse. Tu rejettes cette offre? Ou
bien crains-tu cette responsabilité qui sera alors tienne? »
« Vaya. » La
note davertissement contenue dans ma voix était plus lourde
que je le voulais, mais cétait le résultat du travail
de la renarde.
« Mes excuses, Arkel.
Ma nature. »
La renarde saisit ce moment pour détourner
lattention. « Je vais vous demander dêtre
doux, si cela vous est possible, » elle me demanda. « Ce
sera la première fois que lon me prend de cette manière
et
» un petit sourire, « cela pourrait mêtre
inconfortable. »
Elle se trouvait maintenant entre moi
et Vaya, à quatre pattes, comme pour être prise dans la position
classique.
« Ne me labîme
pas, Arkel. Pas le vagin. Sous la queue. Cest notre coutume, cest
pourquoi je ne le fais pas moi-même. Elle est propre : elle
a utilisé une machine avant ta venue, qui la laisse totalement
propre, et lubrifiée. Elle le sera toujours lorsque tu viendras
ici, prête pour toi. » Puis, à la renarde, « Valérie.
Encourage le. Je veux quil te donne tout ce quil peut te donner.
Tu as ma bénédiction pour aller le trouver quand bon te
semble. » Avec amusement, « vole lui ses gènes. »
Un sourire de la renarde à sa
Maîtresse, puis elle tourna la tête vers moi. « Maître
loup
avez-vous jamais monté une renarde de cette manière,
sans aucun ménagement, en la dominant
totalement? »
Son expression était intense, sa voix tendue et aguichante. Il
était difficile de croire que cétait la renarde qui
mavait demandé dêtre doux, quelques instants
plus tôt.
Mon regard croisa celui de Shaha.
Vaya, toujours alerte, en prit note. « Shaha. Nous avons
discuté. Prends bonne note de ce que tu verras. Il ny à
que peux de choses qui puissent faire éjaculer un loup aussi pleinement
et copieusement que la domination dun ou dune autre personne.
Tu nauras pas dautres chances de le rencontrer hors de ce
voyage. Je te recommande de faire comme Valérie, mais pour toi-même. »
Shaha avait les yeux écarquillés,
donna un hochement de tête. Observait, de manière fascinée.
Vaya était la dominante, énonçait certains termes
à une subordonnée. Un loup ne se mêlait pas des affaires
des louves entre elles.
Jentendais. Mais ce nétait
pas important. On me faisait une offre
qui ne se refusait pas.
Accroupi derrière Valérie,
je regardais. La queue levée bien haut, Valérie encourageait
le regard. Son sexe
luisait. Son odeur était intense. Elle
était réellement excitée face à ce qui allait
se passer. Un truc enseigné à leur Académie? Peu
importe. Et puis il y avait la vision de cet anus délicat, dont
la couleur avait été rehaussée, rougie de manière
provocante.
De longs moments dobservation,
danticipation, à laisser le prédateur en moi prendre
le contrôle. Une offre quil était très rare
dobtenir dune louve, et comme il était rare que je
puisse me dépenser avec les autres espèces
Un grognement profond qui faisait vibrer
mon corps. Je me glissai sur la renarde. Pas besoin de main pour trouver
la cible : sa queue et ses fesses me guidaient à elle, inexorablement.
La sensation dune ouverture jamais encore pénétrée.
Le droit, lencouragement de faire comme bon me semblait, de prendre
à ma guise. Quelques moments pour savourer, lui laisser sentir
la tête de mon pénis
Son corps se raidit. Elle cria de douleur
à ce dur coup de rein que je lui avais porté. Le passage
étroit de lanus dun corps beaucoup plus petit que le
mien. Cen était douloureux. Une douleur que jembrassai,
qui était une forme pervertie de plaisir, car je savais que cette
douleur nétait que relative, face à la sienne. Les
instincts dun loup dominant, de dominer de la plus directe des manières,
irrésistibles.
Je mimprimais en elle, je forçais
le passage. Je prenais. Ses cris étaient musique.
Le poli de civilisation nétait
plus que poussière, lanimal féroce qui sommeillait
en moi prenant son dû. Et la renarde, vaillamment, saccomplissait
de sa tâche, me serrait très fort, résistait de manière
à provoquer le loup en moi, me forçait à me démener.
Profondément, rudement, sans
aucune considération pour son confort.
Une cadence effrénée.
La puissance dun gros loup.
Une main de Vaya, serrant délicatement
autour de mes couilles. La pression dun doigt appliqué au
bon endroit.
Le plaisir se saisit de moi, me secoua.
Sous moi, la renarde peinait à résister à cet assaut.
Marcher allait être douloureux pour elle, dans les prochains jours.
Peu importe.
Aucun remords. Lorsquon provoque
un loup de cette manière, on en accepte les conséquences.
De longs moments à remplir ce
condom dont le contenu allait être récupéré
pour engrosser des louves que je ne toucherais jamais. De longs moments,
à sauvager cette pucelle, à grogner à ses oreilles,
à la mordre.
De longues minutes à haleter,
à rester avec elle, en elle.
« Je lai vu jouir
à deux reprises, Arkel. Pas de plaisir physique tu lui as
fait vraiment mal-, mais de cet intense plaisir mental quelle obtient
en servant dune manière aussi demandante. » Vaya
caressait la renarde, la réconfortait. « Leur Endoctrination
en fait des masochistes, par nature. Sers-toi. Cest la première
quelle y goûte vraiment, et je crois bien quelle aime
beaucoup. Tout ce que je te demande, cest de ne pas labîmer
de manière permanente, et que cela ne fasse pas conflit avec tes
obligations envers nous. »
Sommeillant en moi, il y avait ce prédateur
que je réprimais. Lidée de pouvoir le satisfaire un
peu
moi et Valérie, nous allions apprendre à nous
connaître
Le
Loup 7
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