Histoires Des Invités
Le Sac de Cuir 3
Par Julius Lothaires
Chapitre troisième : Siegfried
Un choc ! J’avais cru sodomiser mon esclave (c’était mon rêve) j’enculais
mon épouse. Les deux femmes étaient de connivence. J’étais tombé dans leur
piège. Depuis ce jour-là, ma hargne contre mon esclave Rachel ne fit que
croître. Je me vengeais sur mon épouse. La baiser ? Non ! Plutôt la
défoncer. Le rire bestial qui accompagnait chaque pénétration cachait mon
désarroi. En fait, je ne comprenais toujours pas pourquoi mon épouse avait
accepté ce que mon esclave m’a toujours refusé.
Depuis ce jour mémorable – quatre mois déjà – mon ‘esclave’ Rachel devint
ma ‘partenaire’ de jeu. La relation de domination s’est transformée en
transaction continuelle où nous nous amusions à nous jeter mutuellement des
défis pour imiter des séances SM visionnées sur le Net. Le seul critère de
nos brutalités mutuelles fut d’aller toujours un peu plus loin dans
l’excitation, la douleur et le sordide. La relation Maître-Esclave n’en
était plus une, car Rachel me refusait toujours l’objet de mon fantasme, sa
rosette. Je m’en vengeais sur Myriam mon épouse. Mais, comme dit le
proverbe : « l’herbe du voisin est toujours plus verte. » Je ‘voulais’
Rachel. Fantasme sinistre ! Elle m’échappait. L’aurai-je un jour ?
En attendant, nous pratiquions ces rites barbares dans la seule logique du
‘toujours plus’ : un peu plus de douleur, un peu plus de cynisme, un peu
plus de grivoiserie et de bassesse. Par exemple, après l’avoir vu sur le
Net, je me plaisais à envoyer, par une fronde à élastique, sur sa chatte
bien exposée, des marrons encore garnis de leur cosse piquante ; je
jouissais à serrer ses seins entre deux plaques de bois, ou à frotter ses
lèvres intimes avec une corde rugueuse. Ce qui m’excitait le plus était la
flagellation de sa chatte largement exposée par la position adéquate de son
corps nu : en chandelle, reposant sur les omoplates et le bassin levé en
offrande, soutenu par les avant-bras, coudes appuyés sur le sol, cuisses
largement écartées pour que le fouet ne puisse pas s’égarer.
La négociation convenue voulait que j’accepte de sa part des exigences du
même type. C’est ainsi que je connu la douleur des testicules serrés entre
deux planches de bois, deux gros anneau de bronze perçant mon prépuce, le
cunnilingus d’une chatte badigeonnée de piment vert, le bas-ventre glabre
(ce qui me permit de constater que la peau des bourses est aussi fine et
aussi délicate que celle des lèvres intimes féminines), le bout des tétons
brulés au fer à repasser, la planche à pain sur les fesses, le fouet sur le
dos et, last but not the least, les godes de plus en plus gros plantés dans
le cul.
Ce dernier tourment m’était particulièrement insupportable. Car ma
partenaire (qui, dans les faits, n’était plus mon esclave, même si je la
qualifiais encore telle devant ma femme) me refusait toujours la
réciproque. Sodomiser Rachel devenait mon fantasme permanent. Du coup je
reportais ma hargne sur Myriam mon épouse qui ne me refusait désormais
aucun de ses orifices. Je la prenais sans préalables, tel le mâle alpha sûr
de son droit. Et j’en profitais toujours avec une jouissance perverse.
Myriam en souffrait beaucoup. Elle criait et pleurait, mais ne
m’interdisait jamais sa petite rosette ; elle en avait apparemment ‘pris
son parti’. Acceptant de subir ma domination sauvage, elle était davantage
esclave que mon esclave en titre. J’étais trop naïf pour comprendre que mon
épouse n’acceptait ces brutalités que sous l’emprise et à la demande de
Rachel.
Un pas supplémentaire fut franchi lorsque, au terme d’une soirée bien
arrosée, j’ai pris mon épouse par sa petite fleur, selon mon habitude sans
ménagement. Pris de pitié, je me confondis en excuses – ce que je ne fais
jamais. Sa réponse me surprit grandement :
– Ne t’excuse pas, Siegfried. Certes, tes cruautés me sont insupportables ;
mais je me console en pensant que tu y prends ton plaisir (avec le
sous-entendu que je n’entendais pas « selon le vœux de ton esclave Rachel
»)
– J’en ai un certain scrupule, même si je ne peux pas me retenir
– Peut-être… Pour te dire la vérité, je suis envieuse de Rachel en pensant
qu’elle te procure davantage de plaisir encore, en acceptant des positions
plus osées, des gestes d’une plus grande perversité et des souffrances
inimaginables. À ma demande, elle m’en a évoqué quelques-uns. J’en suis
horrifiée ! Je n’ose pas imaginer ce que tu lui as imposé samedi dernier :
qu’elle s’enfonce profondément dans sa chatte la brosse qui nettoie la
cuvette des WC
Cette réponse me laissa interdit durant de longues secondes. Finalement,
comme poussé par la logique de sa réponse, je lui posais la question :
– Tu accepterais donc que je me comporte envers toi comme envers elle ?
En fait, les relations entre Rachel et moi n’étaient plus que des
transactions faites de défis que nous nous lancions l’un à l’autre. En
revanche, je traitais mon épouse comme une propriété personnelle.
J’exerçais sur elle les droits d’un propriétaire d’esclave ; elle était
entre mes mains l’objet dont on peut ‘user et abuser’ comme dit le code
Napoléon. J’ignorais qu’une authentique relation Maître-Esclave – loin de ce
qu’elle était entre ma femme et moi – consiste à reconnaître dans sa soumise
un être apte à dépasser volontairement peurs et limites psychosomatiques.
Pour ce faire, le maître doit d’abord se maîtriser soi-même. Ce que je ne
faisais pas. Il est là pour aider son esclave dans ce dépassement, à la
manière d’un amant qui prolonge doucement la préparation du geste
sacrificiel – ç’en est un de toutes façons – en déshabillant délicatement
pour la première fois sa concubine encore vierge inquiète de ce qui lui
arrive. La violence brutale dont j’usais envers ma femme montrait combien
je n’étais ‘maître’ ni de moi, ni d’elle.
– Pourquoi n’accepterais-je pas ces violences, répondit Myriam. Tu m’en
aimerais davantage, peut-être…
Quelle illusion de sa part ! En ce qui me concerne, je n’avais pas encore
compris qu’elle ne faisait qu’obéir au calcul subtil – et peut-être égoïste
– de Rachel. La conversation en resta là cette nuit. Mais la remarque de
Myriam me laissa songeur… Je la découvrais sous un jour inédit. Huit jours
plus tard, un samedi soir, je rentrais d’un Salon tendu et fatigué :
– Si ça peut te défouler, venges-toi sur moi. Je suis prête ! me dit Myriam
– Tu es prête à quoi ?
– À tout ce que tu veux. Je sais que tu es de plus en plus agacé par Rachel
qui te refuse son étoile. Elle me l’a dit. Moi j’accepte ta sodomie. Mais
si tu veux aller plus loin.
– Par exemple,… ?
– Je crois que je pourrais supporter la branlette espagnole... ou pire
encore
– Mais c’est Rachel que je veux enculer…Pas toi ! Je la veux, d’autant plus
qu’elle me résiste
Ma femme se mit à pleurer. J’oubliais mon ressentiment. Je m’allongeais
tendrement à ses côtés, lui caressais doucement les fesses, la poitrine, le
clitoris. Et finalement je la pris dans une honnête pénétration vaginale.
Curieusement, elle ressentit fortement ce soir-là la présence des deux gros
anneaux qui pendus à mon prépuce.
– Je remercierai Rachel, murmure-elle. Elle m’a dit pour les anneaux. C’est
très excitant
Elle tourne la tête vers moi, me sourit. Je retrouve la paix. Nous restons
longtemps ainsi, sans dire une parole. Parler n’était pas nécessaire.
Finalement, elle s’endort. Peu après, non sans lui avoir effleuré la joue
par un doux baiser, je tombe moi aussi dans les bras de Morphée. Le
lendemain matin, elle se réveille avant moi. Je la vois près du lit, en
nuisette, portant un plateau : croissant, café, beurre... tout mon plaisir
du matin !
– Quelque chose d’autre te ferait plaisir ? Des œufs au bacon par exemple
? demande-t-elle
– Ce qui me ferait plaisir ? Répondis-je. C’est de t’embrasser ; de faire
l’amour pendant des heures avec toi, sans discontinuer
– Au point d’oublier Rachel ? Ça m’étonnerait, murmure-t-elle avec un
sourire. Le seul avantage que j’ai sur elle, si j’ai bien compris,
ajoute-t-elle, c’est que tu prends possession de mon cul, alors qu’elle te
refuse toujours le sien. Le jour où elle acceptera de toi une sodomie, je
suis certaine que tu n’auras plus envie de mes fesses
– Peut-être ! Ce matin, je ne veux que tes plaisirs. Laisse-là ton plateau,
et viens t’allonger à mes côtés
Visage contre visage, je la pris avec toute la délicatesse d’un amant
expérimenté. Son feulement de plaisir se transforma bientôt en un orgasme
bruyant, « les gémissements atroces du plaisir » comme écrit Marguerite
Duras dans L’Amour.... Gémissements atroces dont je ne fus pas peu
fier. Comme quoi les hommes au lit veulent toujours prouver quelque-chose.
Nous restâmes dans le lit toute la matinée de ce dimanche, alternant
caresses, baisers, jeux de l’amour. Douce béatitude !... Que j’aurais voulu
prolonger ce bonheur jusque dans l’éternité. J’en oubliais mon esclave
Rachel, plus jeune que Myriam, certes, et qui acceptait de moi des
violences plus cruelles, oui – non sans réciprocité, il est vrai – mais
qui, ce matin, ne me semblait pas plus désirable que Myriam.
Le coming-out de deux lesbiennes
Sous la douche que nous prenions ensemble, à ma grande surprise, Myriam
évoque Rachel :
– N’aurais-tu pas envie de partager nos jeux érotiques avec Rachel ? Me
demande-t-elle, comme prise d’une subite inspiration.
Je tombe des nues. J’imaginais que les deux femmes ne pouvaient concevoir
une relation de ce genre. Je ne sais quoi répondre.
– Mais si ! Insiste-t-elle ; je ne suis pas jalouse de Rachel. Je sais que
tu l’aimes à ta façon sadique, je le comprends ; elle me l’a dit. Et, après
quelques secondes d’hésitation, elle ajoute : « Prends ma proposition comme
tu voudras : une manière de t’attacher à moi peut-être ; ou encore une
lubie de ta femme masochiste… qui aura quarante ans bientôt ; ou même un
coup de folie féminine. Qu’importe ce que tu penses de mes raisons. Je te
renouvelle ma proposition. Fais-en ce que tu veux. »
En compagnie de Myriam, au restaurant je me mets à penser tout haut : «
Mais qu’en pense Rachel ? » – « De quoi ? » demande Myriam. – « De ta
proposition de jeux érotique à trois, bien sûr ! » – « Donc tu y penses
encore… Il te suffit de lui demander ! »
J’ignorais que les deux femmes en avaient déjà parlé entre elles, qu’elles
étaient d’accord, et que l’idée venait non pas de mon épouse Myriam, mais
de mon ‘esclave’ en titre, Rachel. Pendant quelques jours, cette idée de
jeux érotiques à trois, quoique bizarre a priori, me trotta dans la tête,
d’abord sans trop y penser ; puis en me demandant quelles sensations
nouvelles ces jeux pouvaient-ils bien provoquer…Et puis, c’était peut-être
une voie pour arriver à l’accomplissement de mon désir, sodomiser mon
‘esclave’ qui me refusait toujours ce service (ou ce sévices ?).
Cette idée m’obsédât. Finalement une semaine plus tard, au terme d’une
journée fatigante terminée par une réunion qui n’en finissait pas, en
sortant du bureau alors qu’il était proche de vingt-et-une heures, je
décidais de rejoindre Rachel pour lui poser la fameuse question :
était-elle partante pour des jeux érotiques à trois ? Je téléphonais. Son
téléphone sonnait ‘occupé’. Donc elle est chez elle, pensai-je sans
chercher plus loin. Je ne m’inquiétais pas trop de rentrer tard à la
maison, car mon épouse m’avait averti que, ce soir-là, elle dînait avec les
commerciaux de sa boîte.
Un peu tendu par la fatigue, j’avançais dans les ruelles d’Amiens. Je
passais rue Louis Thuillier derrière le stade Moulonguet, puis arrivais
vers la vieille bâtisse joliment restaurée qui abritait la niche de Rachel.
Je connaissais l’endroit pour y être venu souvent. Arrivé sur le palier du
premier étage devant l’entrée de mon ancienne maîtresse, je constate que sa
porte a été mal fermée. Avec précaution, je la pousse et me plonge dans le
hall baignant dans l’obscurité. Ce grand hall d’entrée sert aussi de
séjour, comme souvent dans les vieilles maisons du Nord de la France. La
pénombre règne, à peine adoucie par la lampe du palier. Jetant un coup
d’œil du côté droit, en direction de l’étroit couloir, j’aperçois à
quelques mètres un fin rayon de lumière sous une porte que je sais être
celle de la chambre de Rachel.
M’approchant, il me semble entendre comme un chuchotement. Non, il s’agit
plutôt d’un gémissement. Ma curiosité l’emporte sur la politesse. Je colle
mon oreille sur la paroi de la porte. Oui, à n’en pas douter, ces
gémissements sont ceux d’une femme qui prend son plaisir. J’allais me
retirer un peu confus de mon indiscrétion quand je fus subitement arrêté
par une voix assez distincte pour que je la reconnaisse entre mille : «
Oui, OUi, OUI, OUIIIIII… C’est ça. Continue. N’arrête pas ! » Cette voix,
je la connaissais bien ; c’était celle de ma femme !
J’explosais de colère, poussais brutalement la porte…pour rester ahuri
devant le spectacle : ma femme – c’était bien elle – allongée sur le dos,
les genoux repliés et les cuisses largement ouvertes, recevait les honneurs
de la bouche et de la langue de Rachel, ma soumise. La vue de ce
cunnilingus de lesbiennes, la nature bi de mes deux femmes, me toucha moins
que le poireau planté dans le cul de mon esclave. Elle qui n’avait jamais
accepté une sodomie venant de moi s’était cependant pliée à la fantaisie de
Myriam, dans une posture qui me brûlait l’imagination depuis longtemps.
La fureur me prend. Je me précipite sur Rachel, arrache le poireau planté
dans son anus, le lâche sur le sol, saisis violemment le bras de mon
esclave, la retourne face à moi, lève la main et m’apprête à frapper...
Mais ma soumise, dos accoté sur le bord du lit, m’arrête net d’un geste net
du bras, bloquant du même mouvement l’injure qui me venait aux lèvres.
– Ne cries pas, me dit-elle d’une voix nette. Tu le vois, Myriam et moi,
nous entretenons des relations qui te rendent jaloux. C’est ton problème.
Pour ce soir, je suis sa soumise, comme je suis, à d’autres moments, ton
esclave. Reprends ton calme… As-tu dîné ? ajoute-t-elle après quelques
secondes de suspens.
Sur un signe négatif de ma part ; elle se lève, et sans mettre sur elle le
moindre vêtement, se dirige vers la cuisine en disant : « Restez ici, je
reviens dans un instant, juste le temps de mettre une pizza au four. »
Resté seul avec Myriam, j’élève la voix pour lui reprocher son mensonge :
ne devait-elle pas dîner avec les commerciaux de sa boîte ? Elle
m’interrompt doucement, mais fermement : « Je me comporte exactement comme
toi. Rachel est de temps à autres ton esclave ; mais elle est aussi ma
soumise d’aujourd’hui. La prochaine fois, elle sera ma maîtresse et moi sa
soumise... »
– Mais pourquoi Rachel accepte-t-elle de ta part ce qu’elle refuse de me
donner… Tu sais que je voudrais tellement la sodomiser. Alors, que signifie
ce poireau planté dans son cul ?
– Je ne répondrai pas à la première partie de ta question. Seule Rachel
peut t’expliquer pourquoi elle ne veut pas que tu la prennes par l’anus ;
et je ne veux pas parler pour elle. Quant au poireau, voici ce qu’il en
est. À chacune de nos rencontres, l’une de nous deux, alternativement
Rachel ou moi, prend le rôle de maîtresse, l’autre devient alors son
esclave pour la séance. Ce soir, c’est moi la maîtresse. La maîtresse
choisit un légume ou un produit alimentaire qui marque la soirée. Ce peut
être une carotte, un oignon, une endive, mais aussi un œuf dur, une pomme
de terre cuite à l’eau... Le produit choisi est placé dans l’un des trous
de l’esclave du jour, la chatte ou le cul, selon le désir de la maîtresse.
L’objet est normalement porté durant toute la séance par l’esclave. Ainsi,
ce soir, c’est moi qui ai choisi le poireau et l’est placé dans le petit
trou de Rachel qui devait le garder au chaud toute la soirée avant que moi
je le retire et le mange, je précise sans le laver – c’est le deal, qui
fait réfléchir la maîtresse sur le choix du légume et l’endroit où le
placer.
Juste à ce moment, Rachel revient de la cuisine et s’enquiert du sujet de
la conversation. Rassemblant tous mes efforts, sans la regarder, je lui
demande : « Rachel, pourquoi refuses-tu de moi ce que tu acceptes de Myriam
? »
– La réponse est très simple. Je suis parfois ton esclave, pour mon bonheur
et aussi le tien, j’en suis certaine – je le redis devant ta femme ici
présente. Mais je ne suis pas ton objet. Ce refus obstiné de te laisser
perforer mon cul, c’est ce qui t’oblige à penser en permanence que quelque
chose de moi n’est pas pliée à ta volonté. Tu n’y as pas et tu n’y auras
jamais accès. Si, un jour, je cède à ton désir, ce sera contre ma propre
volonté. Si tu m’y contraints en employant la force brutale, tu n’auras que
ce que tu mérites, une sensation charnelle éphémère, et non pas la
jouissance d’une esclave entièrement offerte
Après ce discours, Rachel repart dans la cuisine. Je m’assieds sur le pouf
devant la cheminée, l’air pensif. Myriam mon épouse ne dit mot. Une idée me
traverse l’esprit.
– Dis-moi, Myriam, … une soumise à se partager à deux, est-ce vivable ?
– Tu oublies que je suis également soumise à Rachel. Nous échangeons
régulièrement nos rôles d’esclave et de maîtresse. De même qu’elle s’impose
à toi à son tour comme maîtresse dans vos jeux sadiques. Quant à ta
question sur le futur, comme disait Kipling, ça, c’est une autre histoire.
On verra bien. L’avenir le dira, du moins si tu acceptes de rentrer dans
notre jeu. Je ne fais pas de pronostic.
La pizza fut bientôt cuite, partagée, arrosée de chianti, et mangée d’un
bon appétit. La soirée se prolonge dans un climat plus détendu. Au moment
où je donne un signal de départ, Rachel me pose, avec une voix aguichante,
une question pleine de sous-entendus : « Tu veux vraiment partir ? »
Me souvenant que j’étais venu dans cette maison demander à Rachel ce
qu’elle pensait de jeux érotiques à trois, je constate que la réponse est
déjà résolue dans les faits. Myriam et Rachel se gouinent, c’est un fait.
Par ailleurs, elles acceptent séparément des relations sexuelles un peu
corsées avec moi, c’est un autre fait. Ma longue hésitation vaut un aveu.
– Nous avons compris. Tu es prêt à participer à nos jeux érotiques. Si tu
n’as rien à faire cette nuit, reste ici. Nous inaugurons ce soir un nouveau
style de relations à trois, comme un vrai triangle équilatéral.
Cette première nuit en trio me laisse un souvenir inoubliable. Je n’avais
jamais ressenti un tel délice à laisser simultanément deux femmes, l’une
s’occuper de ma queue, l’autre de ma bouche. J’essayais de leur rendre le
plaisir voluptueux, du mieux que je pus. Rachel prépare mon bas-ventre avec
sa langue pour l’amener à l’orgasme. Mais je décharge dans le cul de
Myriam. J’honore le vagin de Rachel et déverse ma semence dans la bouche de
ma femme. Pour rétablir l’équilibre, en bonne épouse, Myriam accueille mon
dard dans sa chatte, et je déverse mon sperme dans la bouche de Rachel. Les
deux gouines ne sont pas en reste, à coup de langue frottant la vulve,
d’oreilles mordillés, de tétons excités et de caresses en tout genre. Nous
essayons les positions les plus tordues. Au petit matin je suis épuisé.
Quelques heures de repos, puis il me faut rejoindre mon bureau pour une
réunion de chantier. Myriam reste à dormir chez Rachel. J’ai prévenu son
entreprise par téléphone qu’elle est trop indisposée pour aller travailler,
sans préciser pourquoi.
Le viol
Pendant plusieurs mois, la jouissance à trois suivit un rythme de
croisière. Seule fausse note, je n’arrivais pas à réaliser mon désir le
plus violent : enculer Rachel qui se dérobait encore. La compensation que
je prenais sans aucun ménagement avec ma femme me faisait de moins en moins
d’effet.
Je décide d’en finir une bonne fois, quitte à bousculer mon ‘esclave’.
Rentré avec elle dans ma garçonnière après un dîner en amoureux, j’attaque
:
– Tu te souviens de nos discussions brûlantes de désir, de douleur et de
dépassement de soi ?
– Tu veux parler de ces scènes sadomasochistes de plus en plus corsées,
trouvées sur Internet, et que nous prolongeons de temps en temps ?
– Oui, mais pas seulement. Je désire aller au-delà et te faire goûter le
plaisir d’une violence qui te sera imposée
– Hum, je vois…une sodomie imposée ? Je l’exclus formellement
– Justement, surmonter ta réticence, sinon pour me plaire, du moins pour le
plaisir de subir. C’est ça le défi ; c’est ça qui permettrait de rompre la
monotonie de nos pratiques sexuelles moutonnières dans lesquels je sens que
nous glissons
– De toutes les façons, je ne me vois pas relever ce challenge sans
l’accord de Myriam. Je ne te céderais que si elle l’exige de moi. Tu sais
que je suis alternativement son esclave, autant que je suis ta soumise.
Pour ne rien te cacher, à me soumettre à sa volonté, j’y trouve plus de
plaisir qu’à subir tes envies perverses
Ce jugement me rend furieux. Je sens Rachel m’échapper. En un geste futile,
je lui saisis fermement son poignet.
– Tu es d’abord mon esclave ; ne l’oublie pas. Si tu n’es pas consentante,
tant pis pour toi, tu n’as besoin que de subir !
Je regrettais immédiatement ces paroles de menace. C’était ce qu’un
véritable Maître en SM n’aurait jamais dit ni fait, sous peine de rompre
une relation où l’on avance pas à pas vers le dépassement de soi. Pour le
Maître en SM, dépassement de ses pulsions, pour l’esclave de ses peurs et
de ses réticences. Mais une force inconsciente m’interdisait de revenir en
arrière. Malgré moi, je sens la colère m’envahir ; elle m’emporte comme un
maelström. Je m’enfonce. Je hurle sur un ton d’adjudant-chef : « J’en ai
marre de tes simagrées de sainte Nitouche. Ça suffit ; que tu le veuilles
ou non, ton cul va recevoir dès ce soir la visite de ma hampe. »
Rachel crie, tente de s’échapper. Je lui tords le bras dans le dos et le
remonte. Elle hurle de douleur. Je la pousse vers le lit et l’allonge sur
le ventre sans lâcher son bras. En bloquant ses pieds par mes cuisses
plantées au bord du lit, je l’oblige à se mettre en position de prière
musulmane, fesses levées, tête sur le matelas. Je remonte sa jupe, tire sans
ménagement sur le string qui se déchire, lance par terre les morceaux en
lambeau. Tout en maintenant la pression sur son bras douloureux, j’ouvre ma
braguette, puis fouille de la main gauche sa raie culière. Dans l’excitation
de cette passion violente, mon bâton est dur comme un coup de trique. Je
veux l’enfoncer dans le petit trou. Mais le trou est serré par la peur. Mon
dard n’entre pas. Rachel hurle, pleure, me supplie. Je reste insensible. Un
doigt, puis deux, réussissent à s’introduire. Mon pénis suit la voie
légèrement dégagée, mais trop étroit pour ne pas endommager les chairs
tendres de mon esclave. Ma queue, serrée par l’anneau culière, ressent
puissamment la jouissance de cette pénétration. Quelques mouvements
suffisent pour faire jaillir mon venin. Sous le coup de ce plaisir violent,
je laisse échapper ma proie qui se replie sur le lit en sanglotant.
Ce viol me procure immédiatement le bonheur du dominateur. Enfin, j’ai plié
mon esclave à ma volonté non pas la plus secrète (Rachel la connaissait
bien) mais la plus radicale ! Je vais rincer ma bite dans la salle d’eau.
Lorsque je reviens, je trouve Rachel, toujours recroquevillée sur son lit,
en sanglots. C’est alors que je prends conscience de ce que je viens de
faire. Mon bonheur de dominateur disparaît, remplacé par un doute affreux.
Sa prophétie me remonte en mémoire : « Si tu m’y contraints en employant la
force brutale, tu n’auras que ce que tu mérites, une sensation charnelle
éphémère, et non pas la jouissance durable offerte par une esclave
entièrement soumise. »
J’essaie d’imaginer les conséquences de mon acte. Je sens que je devrais
faire quelque chose, un geste peut-être, une parole… Mais je reste là,
stupide, comme pétrifié. Un quart d’heure se passe ainsi. Rachel gémit
encore, mais il me semble qu’elle s’apaise un peu. Finalement j’ose lui
poser une timide question : « Rachel, veux-tu du thé ? » Je sens qu’il
n’est pas encore le moment de lui demander pardon. Sur un signe d’elle, je
me retire à la cuisine, fait chauffer de l’eau, prépare la théière, sur un
plateau place une tasse (pas deux, ce serait anticiper sur une
réconciliation encore improbable).
Je reviens dans la chambre. Rachel n’y est plus. J’entends couler de l’eau
dans la salle de bain. Je pose le plateau sur le guéridon ; ce qui me
permet d’apercevoir une tache rouge sur le couvre-lit, au milieu ; là où le
cul de mon esclave a laissé couler le sang de la blessure que je lui ai
faite. Je me rassoie, attendant le retour de Rachel. Elle tarde à revenir.
Elle a dû faire couler un bain et s’y tremper longuement.
Perdu dans mes pensées, je ne l’entends pas arriver. J’entends sa voix, un
peu rauque, presque calme :
– Alors, tu es content ? Tu as eu ce que tu voulais. Tu m’as enculé,
déchiré les chairs intimes. Tu as fait hurler ton esclave. J’imagine que tu
aurais souhaité que ta verge soit un couteau à fine lame. Tu aurais eu
ainsi la joie de marquer ton esclave de l’intérieur, de voir couler un sang
plus abondant…
– Ecoute. Arrête. Je sais que ce que j’ai fait et horrible. C’est
impardonnable. Je le regrette déjà ; mais ce regret ne sert à rien ; il ne
peut pas effacer ce que j’ai fait. Ce qui est fait est fait pour toujours.
Je ne peux pas revenir dessus ; c’est ce qui me met en rage.
– Ta rage est inutile, et ne changera rien. Je ne sais pas encore quelles
seront les conséquences de ton viol. Mais ce que je sais, c’est que,
contrairement à ce que pourraient te faire penser mes hurlements de douleur
et les cicatrices que tu as laissées dans mon ventre, plus incisées que
celle d’un fouet, je suis intérieurement ravie, et je jouis sincèrement de
te savoir libéré des limites que tu t’étais imposées envers moi. C’est pour
moi un succès. Lors de nos jeux sadomasochistes, nous ne nous imposons que
ce que nous avons accepté après l’avoir visionné. En fait, tu restais
jusqu’ici prisonnier de ton esclave. Ton viol a cassé la chaîne qui
t’enfermait dans tes scrupules. Mais cela, par contre coup – c’est le cas
de le dire – m’a libérée moi aussi. Ça n’atténue pas la violence sauvage de
ton acte bestial. Mais sache que je suis réellement, et sans réticence,
contente de cette libération, de moi comme de toi.
Je ne savais pas quoi dire, assommé par tant de cruelle lucidité. Je dis
simplement
– Bois ton thé, il va refroidir…
Le moment n’était pas encore venu de signer le traité de paix. Je restais
silencieux. Rachel se taisait. Le climat devenait de plus en plus
irrespirable. Finalement : « Bon. Je crois que je vais rentrer chez moi. »
Rachel ne répondit rien.
Arrivé à la maison tard dans la nuit, j’eu la surprise de découvrir dans le
salon ma femme Myriam, debout, bien éveillée, lisant Le Figaro Madame.
– Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure-là ? Lui demandai-je avec
surprise
– Je t’attendais
Sans me laisser réagir, elle ajoute : « Rachel m’a téléphoné… » Puis, après
un moment d’hésitation, comme cherchant la formule idoine : « Elle m’a
raconté tes idioties. Elle m’a chargée de te dire deux choses. D’abord
qu’elle ne t’en veut pas. Tu as possédé son corps. Mais son âme est restée
libre – bien plus ; elle s’est libérée de toi. (J’appris plus tard qu’il
fallait prendre cette formule au pied de la lettre.) Pour elle, ajoute
Myriam, c’est ce qui compte le plus. Ensuite elle a dit qu’elle a besoin
d’un peu de temps pour se remettre de ce choc à la fois traumatisant et
libérateur. Elle te fera signe le moment venu. »
Je ne retiens que la dernière phrase. (En fait, c’est le qualificatif
‘libérateur’ qui s’est révélé par la suite le plus important.) Tout n’est
donc pas rompu entre ma soumise et moi, pensai-je tout bas. (Je me faisais
beaucoup d’illusions.) Même si le fameux ‘moment venu’ tarde à venir, il
reste toujours l’espoir qu’il arrive. Je respire mieux. Myriam interrompt
mes pensées : « Ah ! Rachel m’a aussi demandé une chose, c’est de prendre
soin de toi. Je lui obéirai. » (Ici encore, je ne mesurais pas encore le
poids de ce dernier verbe.) Un silence pesant suit cette déclaration. Nous
allons nous coucher, chacun de son côté. Myriam dans le lit conjugal, moi
dans la chambre d’ami. Depuis ce jour, ma femme et moi faisons ‘chambre à
part’.
Cette situation dure plusieurs mois. Rachel n’a toujours pas donné signe de
vie et ne me donnera plus jamais signe de vie, si ce n’est par les marques
laissées sur le corps de ma femme. Les jeux sadiques pratiqués avec Rachel
me manquent, je me retourne vers Myriam. Curieusement, nos relations
s’améliorent. Nous faisons toujours ‘chambre à part’ ; mais, lorsque
l’envie me prend – exceptionnellement à la demande de Myriam – je la
rejoins, ou elle vient dans mon lit. Je la prends, systématiquement, par
son étoile de derrière. D’une façon volontairement brutale. Peut-être pour
me venger (de moi ou de Rachel ?). En fait, depuis mon viol perpétré contre
mon esclave, jamais je n’ai accepté de faire autre chose que de sodomiser
mon épouse. Myriam, elle, semble de plus en plus détendue, apaisée,
heureuse. J’imagine qu’elle s’habitue à la sodomie brutale, ou bien que son
travail professionnel marche à la satisfaction de ses patrons. En fait, ce
n’était pas cela la vraie raison.
La vérité
J’entrevus la vérité lorsque, par hasard, me trompant de porte, je pénétrai
un mardi matin du mois de mars dans le cabinet de toilette de ma femme.
Elle regardait l’un de ses pieds, penchée devant le grand miroir, ne
portant sur elle qu’une petite culotte de soie assortie de dentelles sur
les bords. Au bout d’un instant, mon œil est attiré par plusieurs grosses
balafres rouge-sang sur son dos.
– Qu’est-ce que cela ? Demandai-je interloqué
Myriam se retourne et me répond tranquillement
– Rachel m’a punie
– Mais je croyais que vous restiez bonnes amies, que vous vous répartissiez
équitablement les rôles de soumise et de maîtresse…
– Vois-tu, la situation a évolué depuis ta dernière rencontre avec elle,
j’allais dire ton idiotie. Rachel n’est plus ma soumise en pointillés, ni
moi la sienne. Je suis désormais son esclave à part entière, et elle ma
maîtresse à plein temps. Mais, ne t’y trompe pas. J’y trouve un
épanouissement certain. Peut-être parce que cette soumission totale me
repose ; elle compense ma plus large responsabilité professionnelle. Ça me
défoule de la tension intérieure due à l’autorité dont je dois faire preuve
quotidiennement au travail.
– Et puis-je savoir les raisons de cette punition ?
– Cinq coups de canne, fermement appliqués. C’est quand je lui ai avoué
que, fatiguée de n’avoir de relations sexuelles avec toi – à sa demande –
seulement par sodomie, j’avais – c’était la troisième fois – profité d’un
congrès professionnel pour assouvir mon besoin de relations vaginales. Cette
dernière fois, c’était avec le chef des ventes de Barrut, une entreprise
sous-traitante. À chaque incartade de ce genre, elle me punit. La première
fois, elle me frotta longuement la chatte avec des orties qu’elle m’enfonça
ensuite dans le vagin. « Tu souffres là où tu as péché » me dit-elle. C’est
très douloureux mais, d’une certaine manière, assez jouissif. La deuxième
fois, la punition pour la même désobéissance fut plus corsée. « En
désobéissant à mon commandement exprès, tu t’es couverte de boue,
m’expliqua-t-elle. Il te faut aller jusqu’au ‘bout de la boue’. » Sur le
moment, je ne saisis pas le jeu de mot. Mais je compris vite : elle m’emmena
derrière une ferme abandonnée près de Hornoy-le-Bourg sur la route
départementale 211, au Sud-Ouest d’Amiens. Là croupissait une marre où se
mêlaient restes de fumier, purin, boue noire épaisse et peut-être un peu
d’huile de vidange. Après m’avoir attaché les mains derrière le dos et
entravé les pieds, elle me poussa dans ce cloaque où je m’étalais de tout
mon long, incapable de me remettre debout. Elle entra elle aussi dans la
marre, me couvrit consciencieusement de la boue immonde. Puis, saisissant
ma tête, elle l’enfonça dans la boue assez longtemps, par deux fois, la
première fois quelque cinq à six secondes, la deuxième fois, près de dix
secondes. Ne pouvant plus respirer, ma bouche et mes narines se remplirent
de ce liquide nauséabond. Je ne pus m’empêcher d’un avaler un peu. C’était
horrible. Finalement elle me traîna hors de la marre. Nous nous laissâmes
sécher un bon moment au soleil, puis nous sommes revenues sur Amiens. Dans
la voiture, l’odeur était atroce. De retour dans son appartement, nous
primes ensemble un bon bain chaud, suivi d’un charivari bien arrosé de
champagne et d’une nuit d’amour torride.
– Elle t’interdit les rapports vaginaux…Mais depuis quand Rachel se
permet-elle de dicter ta conduite sexuelle ?
– Depuis que je suis devenue son esclave. Je l’ai accepté en bonne et due
forme, voici un peu plus de deux mois – engagement écrit faisant foi. Je
suis désormais soumise à sa seule volonté, à l’exception de tout ce qui
touche à mon travail professionnel.
Cette révélation me laisse perplexe. Je ne sais que répondre. Cependant,
une idée chemine peu à peu dans mon cerveau. Quelques jours plus tard, je
la rejoins dans son lit. Pour qu’elle n’ait plus à aller chercher ailleurs
des relations sexuelles vaginales (interdites par sa terrible maîtresse
Rachel) je lui propose une relation sexuelle plus conforme à la tradition
des couples bourgeois, la position du missionnaire. J’ai bien conscience
d’être le tentateur qui l’incite à la désobéissance. C’est de ma part un
objectif délibéré. « Pas de rapports vaginaux, Rachel les a interdit. »
Mais, à croire que le viol de l’interdit augmente la jouissance, Myriam
accepte. Post coïtum, elle m’en remercie chaleureusement par une fellation
‘gorge profonde’, ‘et ‘sperme avalé’. Je retrouve un certain goût de vivre,
et nous redécouvrons pour quelques temps une vraie connivence sexuelle.
Cette connivence ne dura pas longtemps, du fait de Rachel. Un soir, de
bonne humeur, je m’allonge sur le côté gauche de mon épouse.
Instinctivement, je porte la main droite vers son bas-ventre, soulève
doucement sa nuisette et tends le bras pour caresser sa chatte. Je sens
sous mes doigts un objet métallique. Je lui chuchote dans l’oreille : «
Qu’est cela ? » Elle me donne la réponse : « un petit cadenas qui traverse
mes deux grandes lèvres et ferme la porte de mon vagin. Désormais, tu ne
peux plus me prendre comme un bon missionnaire ! » Manifestement, Myriam
s’était vantée de sa faute devant sa maîtresse !
– Je voudrais bien voir ça ! Dis-je d’un ton brutal
– Voir, c’est facile. Mais tu ne pourras pas l’enlever. Ton ancienne
esclave Rachel, désormais ma maîtresse, en possède seule la clef. C’est
quand je lui ai dit comment tournaient nos relations au lit – en violation
de ses ordres formels – qu’elle m’imposa ce cadenas
– Mais c’est insensé !
– Détrompes-toi. C’est dans la logique de ce que je cherche : me
débarrasser sur ma maîtresse de tout souci concernant ma vie autre que
professionnelle – et donc ma vie sentimentale et sexuelle. J’en ai déjà
fait l’expérience bienfaisante : un jour, à l’occasion d’une discussion
serrée, un collaborateur, très beau gosse, me tapait dans l’œil. Ma pensée
glissa alors vers des relations davantage érotiques que professionnelles,
quitte à gauchir un peu en sa faveur les contrats que nous discutions. À ce
moment, remuant les cuisses pour aller prendre un dossier, je ressentis,
comme un avertissement, le petit pincement du cadenas tirant sur mes lèvres
intimes. Mes songeries érotiques s’arrêtèrent net. Et je revins
immédiatement à mon habituel professionnalisme rigoureux. J’en remerciais
intérieurement ma maîtresse.
– C’est stupide. Tu me fais penser à ces curés qui répétaient cette formule
apprise au séminaire : « Garde ta soutane, et ta soutane te gardera
(sous-entendu du péché de la chair) ».
– Non, réplique Myriam. Ce n’est pas stupide ! Et j’ai même l’intention
d’aller plus loin. Jusqu’à faire ce qu’un Père de l’Eglise, dit-on, a fait
pour se libérer de la concupiscence. Il s’est coupé les couilles ! Rachel
m’a menacée de me faire exciser par l’ablation du clitoris si elle
apprenait que j’excite mon bouton d’amour sans sa permission. Eh bien,
j’envisage de me donner un tel plaisir devant elle pour qu’elle exécute
sans faiblir la punition annoncée. Ainsi je serai définitivement
débarrassée de toute préoccupation sexuelle. Puisque, ne pouvant plus
physiquement prendre de plaisir ni vaginal, ni clitoridien, j’aurai ainsi
remis à Rachel mon encombrante responsabilité sexuelle.
C’est du délire, pensai-je, car le désir sexuel n’est pas enfermé dans les
organes génitaux. Mais je ne voulais pas continuer cette conversation
oiseuse. Je retirais ma main de son bas-ventre tout en ruminant de
curieuses pensées dans ma tête. Le cadenas, l’interdit sexuel imposé à ma
femme par une autre femme, l’ablation de son clitoris, tout cela réveilla
mon instinct de voyeur.
J’imagine Rachel en maîtresse cruelle, s’excitant contre mon épouse... Sur
le moment, ce désir surpasse toutes mes autres envies. Devenir par
procuration le bourreau de ma femme ! Pour la punir de m’avoir délaissé au
profit de celle que je n’avais pu maîtriser. J’eu le tort d’exprimer ce
fantasme à haute voix devant Myriam, avant de conclure : « À défaut d’un
peep-show, au moins, promets-moi de me montrer la marque de la punition sur
ton corps, lorsque Rachel te l’infligera. »
Ce ne fut qu’une lubie, qui ne se réalisa jamais. Car, en réaction à mon
désir pervers exprimé trop ouvertement devant mon épouse – qui s’empressa
de le dénoncer à sa maîtresse – quelques jours plus tard, se soumettant à
un ordre express de Rachel, Myriam demanda le divorce. Cela rentrait dans
le contrat passé entre elles-deux, puisque l’activité professionnelle
n’était pas directement touchée. Sitôt le divorce prononcé, Myriam
s’installa en esclave auprès de sa maîtresse Rachel. J’ai ainsi perdu
épouse, maîtresse et esclave, femmes soumises. Seuls demeurent de
merveilleux souvenirs.
Fin
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