Jétais vidé, exténué,
titubant presque, en rogne. Toujours sans emploi ferme, il marrivait
de devoir faire un petit revenu en utilisant mes talents de guérisseur.
Ils étaient rares, les guérisseurs, et précieux.
Une partie de moi détestait lOrdre auquel jétais
obligé dappartenir de par la loi. Une autre partie était
reconnaissante à lOrdre, car cétait eux qui
mavaient fait tester, avaient révélé mes talents
latents, et mavaient sauvé de la peine capitale. Les guérisseurs
étaient trop rares et précieux, et lexécution
nétait pas une option, alors on mavait condamné
à cinq ans de bataillon pénitentiaire, à la place.
Même différence. Contre toute attente, jy avais survécu.
LOrdre régissait les guérisseurs,
dictait que ceux-ci ne pouvaient accepter que de maigres dons en reconnaissance
de leurs services, et ces lois étaient appliquées fermement.
Un guérisseur qui y dérogeait, dune manière
ou dune autre, même par des moyens détournés,
se faisait vite attraper. Je pouvais comprendre le principe sassurer
que tous aient un accès égal-, mais jaurais bien aimé
pouvoir en vivre. Oh, un salaire honnête, certains privilèges,
et un grand respect étaient disponibles en étant membre
actif de lOrdre, mais cétait un ordre religieux, et
il métait hors de question de travailler pour Milikki, même
de cette manière.
Aider les gens du dispensaire local,
cétait différent. Avec les petites donations auxquelles
javais droit
Javais travaillé toute
la journée. Comme toujours lorsque jy allais, javais
puisé profondément dans mes énergies pour guérir
les autres. Il y avait un docteur et trois infirmières au dispensaire.
Des conditions de travail difficiles, des médicaments périmés,
des ressources limitées. Lorsquils avaient trop de malades
ou blessés graves, lorsque toutes les civières étaient
occupées, lorsque certains cas graves atteignaient leur cur
malgré leur blindage surtout des enfants gravement malades-
ils mappelaient.
Ils mavaient appelé à
leur aide, ce matin.
Des gens dune grande bonté.
Tant que cela restait raisonnable, il métait difficile de
refuser. Et puis, tous dans ce secteur savaient que jétais
guérisseur, connaissaient quelquun que javais aidé,
et me laissaient un peu despace lorsque jen avais besoin,
malgré leur ambivalence envers mon héritage. Ça aidait
aussi au niveau de la sécurité : les paladins intervenaient
_toujours_ lorsquun précieux guérisseur avait été
tué, agressé, ou volé, alors aucun truand ne se risquait
à toucher à un cheveu dun guérisseur connu
ou portant lécusson vert.
En ce moment, jaurais pu faire
sans. Jaurais bien aimé avoir une raison de buter quelquun.
Javais un mal de tête profond. Jallais être plusieurs
jours à me relever de leffort. À peine suffisant pour
justifier la semaine dautonomie gagnée par les quelques dons
quon mavait donné. Javais mal au cur. La
gueule de bois dun guérisseur était une chose à
craindre.
« Bonsoir, Monsieur Arkel
»
Le sourire dAlem était figé, son expression très,
très polie. Sa voix était pleine de tension et je décelais
la peur dans son odeur. Il était vrai que javais probablement
lair prêt à tuer à la moindre provocation. Mon
halo était traître, révélait mon état
desprit. Le corridor était bien illuminé, mais je
semblais marcher dans les ombres tellement mon halo radiait la noirceur.
Alem était un salaud qui aurait
probablement vendu son âme aux démons sil avait su
comment. Jétais tenté de mettre fin à sa misérable
existence, mais jétais trop fatigué. Plus tard.
Il recula, pâle, à la
vue de mon sourire.
Malgré lheure, il y avait
du monde dans les corridors, mais tous me laissaient passer, lorsquils
ne pressaient tout simplement pas le pas ou tournaient de bord pour éviter
de me croiser. Deux chiens qui se battaient furieusement se mirent soudainement
à fuir.
Lorsque jétais de mauvaise
humeur, je ne détestais pas du tout cette réaction des gens.
Des portes à droite, des portes
à gauche. Ça me prenait plus de temps quà laccoutumée
pour me rendre. Un autre corridor, puis un autre, et jétais
rendu dans mon coin, une zone plus tranquille et propre. Un coup dil
à ma porte me permit de constater quelle avait été
ouverte depuis mon départ.
Milène était en mission
depuis maintenant deux semaines, et aurait laissé un signe.
Une main alla à mon épée,
lautre à mon pistolet, alors que je commençai à
reculer, lorsque
« Entre, Arkel
»
Une voix à peine audible au
travers de la porte. Une voix que je navais pas entendue depuis
le jour de mes quinze ans. Un choc.
Je pris le temps de composer mon expression,
de ne rien laisser paraître de mes émotions. Puis jentrai.
Confortablement assise sur le vieux
fauteuil de cuir un peu taché et déchiré, perdue
dans les ténèbres provenant de son halo, ma mère.
De sa face, je navais jamais vu plus que les formes générales.
Et les yeux. Des yeux dun vert émeraude, dune profondeur
infinie, qui capturaient lâme, qui lemprisonnaient.
Une ange déchue, presque sans pouvoirs, sa beauté angélique
cachée à perpétuité par les ombres les plus
noires.
Toutes les lumières étaient
allumées, mais seule une pénombre grisâtre et diffuse
régnait la ou elle nétait pas. Je fermai la porte.
« Tu as bien grandi, Arkel.
Tu es un solide gaillard, maintenant. » Il y avait de lapprobation
dans sa voix, et cette approbation
me rendait furieux, provenant
de celle qui avait toujours été une mère sévère,
et qui mavait poussé hors de son nid pour voler de mes propres
ailes le jour de mes quinze ans.
Rien ne paru sur ma face, mais elle
savait. Elle savait toujours. « La colère est source
de force, pour autant que tu saches lharnacher, » elle
me dit, dun ton amusé.
Le silence fut ma seule réponse.
« Tu as appris beaucoup,
je vois, » elle me dit, dune voix satisfaite. « Tu
as survécu énormément, sans requérir beaucoup
dinterventions de ma part. »
« Sans aucune aide. »
Il métait impossible dempêcher ma voix dêtre
froide.
Elle ria. « Tu te trompes.
Jai une bonne idée de ce que tu penses de moi. Mais laisserais-je
ma progéniture sans aucune forme de protection, sans garder une
trace, sans intervenir lorsque cest en mon pouvoir? Non. Jai
mes contacts, mes agents, mon influence. Peu importe ce que tu penses,
je suis ta mère. Il valait mieux pour toi dapprendre à
faire face à tout ce que ce bas monde peut tenvoyer. Tu as
les qualités des meilleures épées. Un peu trop de
colère, et je suis la preuve vivante quil ne paie pas de
sen prendre à Milikki comme tu le fais, mais autrement
je suis très heureuse du résultat. »
Un autre silence de ma part, quelle
laissa traîner. Puis, « Tu es fort dans ces Talent que
tu sais que tu possèdes. Tu manies larme qui ta été
laissée avec une aisance que son propriétaire saurait reconnaître.
Je suis fière de toi et de ta sur. Vous avez atteint la maturité
que je désirais vous voir atteindre, au travers de parcours difficiles
qui ont forgé votre âme. Tu es prêt pour plus. Beaucoup
plus. »
« Oh? » Je gardai
lhostilité hors de ma voix, de mon expression.
Un ton très sérieux.
« Si Framm tombe, je tombe, ainsi que les autres anges déchus.
Ainsi la voulu Milikki, pour nous punir de manière utile.
Tu es talentueux. Tu es capable de grandes choses, de faire ta part pour
garder une victoire de lennemi loin de tous. »
« Ton instrument, donc. »
Un sourire, que je pouvais percevoir.
« Je tai mis au monde car je te désirais, et non
pas pour avoir un outil. Je laisse à mes frères déchus
le soin de répandre leur essence avec abandon dans le corps de
simples mortelles. La plupart de ceux qui portent le halo noir sont le
résultat dune brève union. Mais toi
tu es de
moi, un investissement massif de temps, defforts, et oui, damour,
exprimé dune manière que tu nas jamais aimé
mais que tu apprendras un jour à apprécier. »
« Donc? »
« Hmmm. Tu as un rôle,
comme tous ceux qui sont de nous. Comme, dailleurs, ceux qui sont
issus des batifolages de mes anciens frères darmes, »
elle dit, avec une certaine touche denvie amusée que jarrivais
à détecter. « Un assaut important de lennemi
surviendra dans une vingtaine dannées, le genre dassaut
qui mettra sérieusement en péril lexistence de toutes
les âmes de Framm. Nous nous préparons. Je te reparlerai,
le temps venu. Pour le moment, je tavise, afin que tu puisses te
faire à lidée. »
Un vent glacé semblait souffler
le long de ma colonne à cette terrible nouvelle. Un assaut total.
Toutes les batailles que javais menées nétaient
rien en comparaison de ce quelle parlait. Même si nous gagnions
ce combat, il laisserait le monde en ruines. Je ne doutais pas quelle
était bien placée pour savoir quand cette horrible chose
arriverait.
Elle le voyait bien. « Ne
tinquiète pas trop, Arkel. Milikki ne laissera pas ce monde
chuter sans déployer des moyens colossaux pour prévenir
cela. Moi et mes partenaires déchus travaillons fort pour que tous
les mortels soient prêts, armés, entraînés,
et aient les nombres requis pour faire face. Les agents de lennemi,
nous les éliminons. Nous coopérons avec les Paladins et
les Inquisiteurs. Nous vaincrons, le temps venu. » Elle disait
cela avec une confiance calme.
Elle se leva. « Nous reparlerons.
Pour le moment, ta petite amie semble être importante. Milikki elle-même
est intervenue pour que vos chemins se croisent. Je sens sa main. »
Ça confirmait ce que Milène
pensait déjà.
Elle sapprocha, me mit une main
sous le menton, et me donna un petit bec sur le front. « Prends
soin de toi, Arkel. Tu en doutes, tu me détestes, mais tu es mon
fils, et je taime. » Des mots prononcés avec une
conviction tranquille.
« Pourquoi, alors
»
Elle me mit un doigt sur la bouche.
Puis sen alla. Ma mère, dont je ne connaissais même
pas le nom.
**
Trois jours pénibles à me remettre de ma gueule de bois
de guérisseur. Trois jours pénibles à repenser à
cette discussion avec ma mère. Trois jours à oublier.
Et au quatrième matin, Milène
entra chez moi, de fort bonne humeur. Mon humeur nétait pas
à la hauteur. Elle voyait bien que je sortais à peine de
ma gueule de bois, et ninsista pas. Elle me prépara une tisane
comme elle seule avait le secret, et ça maida un peu. La
meilleure partie dune journée à ne pas se parler,
à vaquer à nos occupations, chacun de notre bord.
Jaiguisais cette épée
que mon père avait laissée. Un ange. Ma mère ne me
lavait jamais dit, mais lépée était dune
telle perfection, que ce ne pouvait quêtre larme dun
ange. Elle vibrait dune magie intérieure. Elle réagissait
à la présence de démons puissants par une lueur bleutée,
irréelle, qui semblait émaner du cur du métal.
Parfois, dans des combats désespérés, il y avait
comme un chant féroce, plus sentit quentendu, qui provenait
delle. Les démons en avaient toujours été terrifiés.
Une fois, la fois ou javais combattu en la présence dun
ange, elle avait réagi à cette présence en émettant
une lumière incandescente qui illuminait tout, bannissait lhorreur
et la terreur. Malgré mes talents, malgré ma grande compétence,
jamais je naurais survécu aux bataillons pénitentiaires
sans cette arme.
Un jour, ce père qui mavait
abandonné se présenterait peut être pour ravoir son
arme. Sil osait jamais se montrer, je la lui redonnerais bien volontiers,
enfoncé dans son ventre ou sa poitrine. Je le détestais,
lui et Milikki, elle qui mavait condamné à expier
des crimes commis par ma mère longtemps avant que je nexiste.
Milène sentait cette morosité.
Pas que ce soit difficile : jaiguisais une arme qui navait
jamais eu besoin dêtre aiguisée. Dans mon état
actuel, elle était aussi coupable que Milikki. Par association.
Et comme toujours, la pensée
que je commettais une injustice similaire à celle qui mavait
été faite
punir une innocente pour un crime que je
savais commis par une autre.
« Ça te dirait de
sortir? Restaurant, cinéma, je-ne-sais-quoi? » Ça
brûlerait largent des dons si douloureusement acquis puisque
cétait moi qui invitait, mais peu importe comment, je trouvais
toujours moyen de payer mes comptes. De toute manière, depuis quelle
vivait avec moi, payait sa part, les choses étaient moins difficiles.
Elle eut un sourire radieux, dirigé
en ma direction. Mes premiers mots de la journée.
« Bien sur! »
Ses premiers mots de la journée.
Un repas en tête à tête
dans un excellent petit restaurant que je lui fis découvrir. Une
longue discussion, sur tout et rien. Je me détendais, mettais gueule
de bois et mère de coté. Reprendre contact avec Milène,
tout doucement. Elle semblait plus radieuse, plus détendue quà
laccoutumée, et ce depuis quelle avait emménagée
avec moi.
Je la sentais manuvrer la conversation,
suggérant, évoquant. Elle naimait pas mon appartement,
voulait plus grand, plus confortable, plus luxueux. Mieux équipé.
« Mieux équipé? »
« Mieux équipé, »
elle me répondit, avec un sourire espiègle. « Nous
ne pouvons pas en discuter ici. » Elle dit cela avec un chuchotement
bas, regardant les autres tables comme si on nous espionnait. Cétait
une actrice née : si elle avait lair de comploter, cest
quelle voulait en avoir lair. Parfois en mission dinfiltration,
il lui fallait pouvoir tenir un rôle à la perfection.
« Hrrrrmmm. »
Dans ce son, ma suspicion profonde était mise en évidence.
« Tu ne pourras toujours
me contenter en me donnant des missions, ou en me donnant de petites fessées
il y a des objets, beaucoup dobjets
»
« Je nen ai pas les
moyens, » je lui répondis, peut-être un peu sèchement.
« Oh, Maître! »
Presquassez fort pour que les gens aux autres tables puissent entendre.
Une expression triste au visage, mais ses yeux riaient.
« Milène. Une autre
fois. »
« Arkel. Jai des besoins. »
Normalement, jaurais coupé court à cette discussion,
mais son ton avait changé, et ce lien indéfinissable qui
nous unissait mavertissait de cette douleur intangible tapie derrière
son amusement.
« Ah? »
Elle hocha de la tête, mit la
main dans sa sacoche. Un grésillement, très discret, plus
ressenti quentendu. Elle venait denclencher un gadget de paladin
qui empêcherait lespionnage amateur.
« Depuis
»
elle hésita, ferma les yeux. Ne termina pas. Encore maintenant,
même avec moi, elle avait de la difficulté à parler
de son martyre. Puis, ouvrant les yeux, « janalyse, Arkel.
Je sais ce dont jaurai besoin. Je veux explorer. Jai besoin
de le faire. Je suis
devenue
» un sourire un peu
embarrassé, « je vais avoir besoin dexplorer très
graduellement- certaines choses. »
Un long moment de silence. Je ne parlais
pas, je savais quelle navait pas terminé. Puis, son
regard tenant le mien, « je vois une ceinture de chasteté,
et je mimagine la portant. Un corset? Jen rêve la nuit
suivante. Un fouet? Jimagine ce que tu peux faire avec. Depuis que
tu as utilisé mes menottes contre moi, je mimagine sans aucune
défense, à ton entière merci. Je vois des épingles,
et je frissonne. Jai peur, car je sais quun jour je verrai
un couteau, et je penserai à toi. » Un frémissement
de ses narines. « Jai peur, quun jour, jaurai
besoin que tu ailles très loin. Aussi loin que
»
elle était blême, ses mains crispées sur les bords
de la table. Elle suait, même sil ne faisait pas chaud. Elle
se rappelait. Elle se rappelait comment le démon qui lavait
eu en son pouvoir avait joué avec son esprit, lavait pliée,
avait perverti ses sens, douleur devenant plaisir, humiliation devenant
jouissance. Il navait jamais réussi à la casser, mais
il avait laissé sa marque indélébile. Elle ne lavait
jamais fait, mais elle savait quun coté de son âme
avait voulu supplier le démon de
prendre son âme, de
la tourmenter ainsi pour léternité. Elle avait cette
crainte quil avait réussi à la pervertir, dune
manière fatale.
Je lui mis une main sur une joue, la
caressai doucement. « Je suis la. Je le serai toujours. »
Je savais quelle pensait que jétais sa seule planche
de salut : tant que jexistais, il y avait une personne en qui
elle pouvait faire une confiance absolue, avec qui elle pouvait sabandonner
complètement, sans crainte de jamais tant désirer quelle
succomberait à la séduction des démons. Cette crainte
était terreur, bien ancrée en elle, mais je la connaissais :
elle ne succomberait jamais à cet appel. Sans quelquun pour
laider, je savais aussi quelle ny survivrait pas.
Elle frotta sa joue contre ma main,
telle une chatte marquant son humain avec les glandes de son museau. La
tension la quitta, aussi soudainement quelle était apparue.
Un sourire franc et radieux, de nouveau. La discussion tourna de nouveau
vers des sujets plus anodins.
Une humeur
pas du tout mauvaise,
finalement. Plutôt bonne, même. Milène était
heureuse, et il me faisait plaisir de croire que jen étais
partiellement responsable. Je ne lavais jamais vue aussi détendue.
Je réglai la note, puis je décidai
de jouer les trouble-fêtes. Ça allait prendre la majeure
partie de mon argent restant, mais
tant pis. Un bras autour de ses
épaules, souriant, je lamenai dun pas paresseux jusquau
centre de transports le plus proche. Des rames de métro, un train
trans-habitat
et des ascenseurs pouvant mener sur tous les étages.
Elle se mordit une lèvre pour
ne pas rire lorsque je jetai mon choix sur lascenseur qui nous mènerait
directement aux étages supérieurs, là ou les gens
extrêmement riches vivaient, et les moins fortunés nétaient
pas bienvenus. Deux policiers se tenaient à proximité de
lascenseur, pour sassurer que personne ne se « trompait »
de destination. Si cet ascenseur était utilisé plus dune
centaine de fois par jour, jen aurais été surpris.
Les policiers hésitèrent
puis choisirent de regarder dans la mauvaise direction. Deux vétérans
armés. Sur ce niveau, il valait mieux laisser faire.
Je pressai le bouton pour le centième
étage. Une accélération constante pendant quelques
secondes, les étages défilant. Puisque nous étions
au niveau -30, cela prenait quand même un certain temps. Aucun arrêt
jusquà létage vingt
puis un arrêt
à chaque dix étages
mais nous gardions lascenseur
à nous seuls : les gens sapprêtaient à
entrer, voyaient mon halo, et décidaient quils pouvaient
attendre, finalement. À létage soixante, quatre policiers
entrèrent avec nous, manifestement avisés par le central.
Jaffichai un sourire moqueur, sifflotant un petit air connu, que
les policiers détestaient. Il était clair quils allaient
chercher le trouble alors, tant quà faire
« Papiers. »
Un ordre sec, impératif.
Milène lui tendit sa carte.
De vrais faux papiers. Jétais bien au fait de lidentité
quelle utilisait lorsquelle était avec moi, et je ne
fus pas surpris de voir le policier hausser un sourcil. Cétait
bien moins impressionnant que sa vraie identité, mais cétait
tout de même plus quassez.
« Excusez moi, madame. »
Un ton fort obséquieux, le policier semblant hésiter à
croire ce que lui disait son lecteur. Je remarquai comment il appuya discrètement
sur un bouton rouge, envoyant une demande prioritaire de vérification
de faux à lordinateur central, mais les faux papiers de Milène
étaient plus vrais que vrai.
« Vous faites votre travail,
officier, » elle lui répondit, avec un sourire. Puis,
« il est avec moi. » Le petit accent snobinard de
la haute société qui allait avec son identité paraissait
un peu plus quà laccoutumée.
« Bien sur, Madame. »
Les policiers descendirent à
larrêt suivant.
« Cest ennuyeux. »
Des mots dit à Milène. Il y avait probablement quelquun
qui nous écoutait, alors je faisais attention à ce que je
disais.
Elle comprit aisément. « Tu
cherches le trouble. Pas moi. »
Quelques moments de silence, puis nous
étions arrivés à notre destination. Le centre de
transports était impeccablement propre, les murs peints de couleurs
plaisantes qui navaient jamais connus les graffitis. Lair
était
doux, doté dune senteur de pin, à
peine décelable. La température parfaite. Sur le quai dembarquement
proche, un train partait
et les écrans indiquaient que le
suivant arriverait dans un peu moins de deux minutes. Sur cet étage,
la densité de population était relativement faible, mais
les transports en commun étaient rapides et confortables. Tout
était neuf et propre. Chaque fois que je maventurais sur
les étages supérieurs, la tentation daller pisser
sur les murs me prenait. Une très mauvaise idée, mais une
tentation puissante.
Les policiers me regardaient dun
air profondément désapprobateur, mais Milène avait
été contrôlée
et les policiers avait
été avisés de ne pas nous inquiéter. Nous
marchions dans ces corridors si beaux mais sans caractère-
comme si nous étions dans notre bulle, les gens évitant
soigneusement de sapprocher de ces deux individus à la mine
patibulaire, lhomme marchant sous un halo marquant sa nature maudite.
Les gardes du corps des gens que nous croisions nous surveillaient. Personne
naimait notre présence.
Puis, notre destination finale. Un
cinéma.
« Je suis désolé,
monsieur, mais
» Les mots glissèrent lorsque mon
regard croisa les yeux de ce gardien bellâtre en veston et cravate
signés qui pensait quil arriverait à minterdire
laccès.
Je payai les billets un film
daction à gros budget- pour un prix dix fois supérieur
à celui ayant cours dans les étages inférieurs. Un
prix obscène, mais
« Tu veux vraiment voir
ce navet? »
« Oui. Ça va être
divertissant. » Encore un autre film de désastre, linvasion
en règle dun habitat par des démons, le héros
plongeant dans les profondeurs de la structure pour sauver sa bien-aimée
coincée dans les bas-fonds de lhabitat.
« Si tu veux me faire plaisir,
on va plutôt voir ce film la, » Milène me dit,
pointant un poster pour un film typiquement fille quelle savait
quil me serait insupportable de penser à voir.
« Non. » Une
main agrippant fermement son épaule.
« Oh! Du maïs soufflé! »
Elle tirait dans une direction qui ne me plaisait pas. Elle faisait par
exprès, bien sur.
« Non. »
« Oh! Des autos tamponneuses! »
« Non. »
« Oh! Cest Mayan Braya
par la! Allons demander un autographe! »
Un grondement profond, tel un loup.
Elle ria, se colla contre moi et se
laissa guider. Nous étions tôt. Une bonne place. Et comme
toujours, personne ne voulait sasseoir près de moi, comme
si ma malédiction était contagieuse. Jadorais cet
effet, à tout le moins quand jétais au cinéma.
Jembrassai Milène. De
longs et langoureux baisers, en attendant le film. Puis les lumières
baissèrent en intensité, et elle se blotti contre moi. La
publicité, les bandes-annonce, puis le film lui-même. Une
très bonne musique. Des personnages stupides, insipides. Laction
commença vite, les démons ouvrant des portails tout partout.
Aucune crédibilité : avec une telle débâcle,
larmée navait quune option, activer les charges
de destruction immédiatement avant de perdre la zone complète.
Le héros était bel homme,
avait une gueule assez particulière, mais moi et Milène
partions à rire à chaque fois quil abattait un démon
dune rafale bien placée, ou en tuait un dun coup de
hache bien senti. Des ricanements, en le voyant descendre et descendre,
à contre-courant, jusquà létage -48.
Il ny avait jamais de survivant, dans de telles profondeurs.
Ridicule. Encore plus improbable était
quil arriva à retrouver son amoureuse. Pire encore, il se
faisait casser la gueule en corps à corps avec les démons,
mais se relevait toujours. Je jetai un coup dil : les
gens regardaient avidement. Explosions et effets spéciaux. Parfait.
Je défis la braguette de mon
pantalon. Javais espéré ce moment depuis un certain
temps. Javais fait bien attention de ne pas être trop excité.
Milène navait pas vraiment idée de mes intentions.
Je la tirai fermement, doucement, à moi, la forçai à
baisser le torse.
« Quest ce que tu
fais?! » Elle me demanda en un murmure, puis, « oh
»
Elle résista, tenta de se redresser,
mais je savais ce que je voulais, et je savais aussi que la situation
lexciterait assez rapidement. Javais raison
elle me
mordit, juste assez pour me réprimander, mais considérant
ce quelle allait faire, je navais aucun problème. Personne
ne semblait se rendre compte de quoi que ce soit.
Et si quelquun sen rendait
compte, si les placiers ou la police débarquaient, il allait être
profondément amusant de voir comment Milène sen tirerait.
Me fallait-il
provoquer les choses? Je savais que Milène
devait se poser la question, à savoir si je le ferais
La situation lexcitait profondément,
mais elle ne voulait pas se faire prendre. Elle voulait cela, et cest
pourquoi elle se plia à ma volonté. Je résistais
sa langue, ses lèvres, ses doigts. Elle sentait ma mauvaise volonté,
combien je voulais que ceci dure, augmentant les risques. Elle me laissa
sentir ses dents, très légèrement, mais elle savait
déjà que la menace ne fonctionnerait pas. Mes mains sur
sa tête, caressant ses cheveux.
Je regardais le film, savourant ses
efforts, sa bouche si chaude, sa langue si agile. Un long, lourd soupir
de plaisir, peut-être audible pour mes plus proches voisins. Milène
bougea, se déplaça, mabandonnant quelques instants,
afin de pouvoir sagenouiller entre mes jambes, son dos contre le
dossier du siège en avant de moi. Elle me tenait dune main,
sa tête bougeant rythmiquement, ses lèvres appliquant une
bonne succion, alors que sa langue faisait des choses
Je fermai les yeux, laissant passer
un gémissement que seule elle pouvait entendre, mais elle savait
que dautres viendraient, plus forts, plus aisément reconnaissables
pour ce quils étaient. Elle augmenta un peu la cadence, fit
usage de tout son talent. Profondément dans sa bouche. Cétait
bon
mais je voulais que cela dure, je voulais la voir dans leau
chaude, et elle le savait, se doutait aussi que je nallais pas transformer
le risque de se faire prendre en certitude.
Je la sentais, toute excitée.
Ses petites culottes étaient probablement humides. Comme toujours
en un tel cas, jy allais avec le flot, les désirs impulsifs.
Je la laissai me rendre loin
puis jarrêtai tout, à
sa grande surprise. Je refermai lavant de mes pantalons, me levai
aussi bien que je pouvais avec elle dans mes jambes, et lentraînai
avec moi. En plein milieu du film. Les gens
naimaient pas
et faisaient des commentaires désobligeants. Si seulement ils avaient
su à quel point je me foutais deux
La sortie de secours. La barre panique
déclenchait un système dalarme, mais tout adolescent
des niveaux inférieurs savait comment la faire ouvrir sans délai,
et sans son aigu. Et puis nous étions de lautre coté
et je plaquai Milène contre la porte fermée. Ses pantalons,
je len débarrassai, ainsi que ses petites culottes. Je fis
usage delle, la pénétrant profondément, debout.
Plaquée contre la porte, qui était comme une caisse de résonance.
Usage rapide, intense, qui la fit crier de plaisir. Plus une question
quelle savait que beaucoup, de lautre coté de la porte,
pouvaient entendre, devaient deviner ce qui se passait
« Arkel
»
Ses doigts, agrippant mes épaules, enfoncés dans ma chair.
Je navais aucune intention de me faire attraper. Un sprint. Un noir
dessin. Elle savait que le son nimportait plus, que ce nétait
quune question de temps. Elle se laissa aller, laissa libre voix
à son plaisir, qui gagnait en intensité plus elle était
bruyante. Ce nétait pas le coté physique qui importait
le plus, mais le coté psychologique. Pour moi, comme pour elle.
Mon plan improvisé, trop excitant.
Jéjaculai en elle, rapidement, la femme me suivant tout de
suite après. Sa jouissance fut
puissante. Trop puissante.
Je navais pas complètement fini, mais je savais que les placiers
allaient être avisés dans les secondes qui viendraient, si
ce nétait pas déjà fait. Milène était
comme une chatte en chaleur, aussi bruyante et distraite. Le moment était
bon
je me retirai delle, la laissai tomber. Son pantalon,
ses petites culottes, saisies dune main, lautre tenant mon
pantalon en place.
Un sprint.
« Arkel! » Sa
voix, étranglée, urgente, excitée, furieuse, ses
mains tentant datteindre ses souliers
Il allait être amusant de voir
comment elle allait se débrouiller, sa longue chemise la seule
chose cachant son sexe dégoulinant
Framm
5
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