Jétais fatigué.
Mais jétais heureux. Les trois dernières semaines
avaient été très payantes. Tout cétait
bien passé.
Spécialiste, je pouvais porter
des armes en public. Je pouvais les porter dans les aéroports,
les navettes, les zones gouvernementales, pratiquement partout. Un tel
avantage était particulièrement intéressant pour
un garde du corps. Et puis il y avait mon halo qui me rendait menaçant,
ce qui était très utile pour dissuader les gens qui cherchaient
à trop sapprocher. Javais enfin trouvé une manière
de faire un travail payant tout en ne mouillant pas dans le crime. Je
naimais pas mon client, mais je navais pas besoin de laimer.
Je portais veston et cravate, de beaux
pantalons, une ceinture de cuir. Des souliers cirés à la
place de mes bottes de combat. Jaurais préféré
mon linge habituel, parfaitement adapté pour le combat, mais si
cétait le sacrifice à faire pour me sortir du trou,
je le ferais allègrement. Je devais avouer que javais une
particulièrement belle gueule, rasé de près, astiqué,
éminemment présentable.
La vie était belle!
« Bonsoir, Monsieur Arkel
»
Le sourire dAlem était détendu. Il pouvait voir, de
par la faible puissance de mon halo, que jétais de bonne
humeur. Et pourquoi pas? Alem nétait pas exactement une bonne
personne, mais qui létait, devant survivre dans les bas-fonds
de la société?
« Et une bonne soirée
à toi aussi, Alem, » je lui répondis, ce qui
sembla lui plaire.
Des portes à droite, des portes
à gauche. Je prenais mon temps. Deux chiens se battaient dans un
corridor, certains passants arrêtés pour les voir à
luvre. Ils eurent une petite pause, me regardèrent,
et décidèrent de recommencer à se mordre allègrement.
Un autre corridor, puis un autre, et jétais rendu dans mon
coin, une zone plus tranquille et propre. Un coup dil à
ma porte me permit de constater quelle avait été ouverte
depuis mon départ, mais Milène avait laissé sa marque
habituelle.
Elle était présente.
Comme cétait le cas depuis que je lui avais fait mon coup
au cinéma, elle ne répondit pas à mes salutations.
Elle me boudait. Depuis plus de trois semaines. Tant pis pour elle. Jétais
de bonne humeur. Le pire, cétait quelle avait réussi
à bien sen tirer : avec sa longue chemise lui tombant
à mi-cuisse, elle était parvenue à faire comme si
de rien nétait, à prétendre quelle avait
des shorts sous sa chemise, et à bluffer son chemin jusquà
mon appartement. Combien de temps me bouderait-elle encore? Difficile
à dire. Pas important.
Je me mis à laise, mettant
des vêtements plus confortables. Larmoire ouverte, une fine
robe blanche capta mon attention. Je rangeai mon veston, puis tirai cette
robe à ma vue, souriant de plus belle. Ah! Quelle nuit que celle
la avait été! Il y avait maintenant deux mois, moi et Milène
avions entrepris de la « déflorer » à
nouveau. Nous en avions fait tout un rituel. Elle avait joué lange
innocente. Je lavais « instruite ». Deux jours
ensemble, dévoué à ce petit jeu, à bâtir
le moment, à aiguiser lanticipation.
Un jour, peut-être, elle irait
voir son spécialiste en la matière pour se refaire encore
une autre virginité. Peut-être. Ce jeu se devait de demeurer
rare, ou il perdrait sa valeur.
Je sentais ses yeux, et je savais combien
elle se rappelait du moment. Elle était entrée profondément
dans son rôle, lavait joué à la perfection,
et ces deux jours avaient été encore plus intenses pour
elle que pour moi, ce qui nétait pas peu dire.
La robe avait une déchirure
à laine, toute cette zone tachée de sang. Le tissu
était plus fragile en cet endroit, mais cétait son
hymen reconstitué qui avait déchiré avant le matériel
de la robe. Jallais men souvenir longtemps. Du sang sur un
matériel dun blanc pur et éclatant. Juste à
le regarder
Je sentais la frustration de Milène.
Elle se rendait bien compte que je nallais pas être le premier
à plier, que cétait bien plus dur pour elle que pour
moi, et les souvenirs déclenchés par la robe tachée,
les désirs ravivés
Elle capitula, éventuellement,
avec un rire franc. « Très bien, Arkel. Tu gagnes. Bonjour
à toi aussi. »
« Tu as eu une bonne journée? »
Je lui demandai, rangeant la robe, puis me tournant pour lui faire face.
« Disons. Jai vu mieux. »
« Des problèmes? »
Elle secoua la tête. « Juste
un manque de progrès dans une affaire que jaurais dû
être en mesure de résoudre depuis un temps, déjà.
Ça arrive. » Elle était assise à la table
de cuisine, son ordinateur portable déployé. Il y avait
des paladins qui laissaient leurs aides faire lanalyse des données,
mais Milène était du type à vouloir faire une partie
de ce travail elle-même. Cétait laborieux, mais elle
disait mieux comprendre ses dossiers ainsi.
« Tu veux quon en
parle? »
Elle secoua la tête. « Désolé.
Cest un peu en haut de ta cote de sécurité. »
Je hochai de la tête. Puisque
jétais son petit ami, que nous discutions parfois de son
travail, les paladins mavaient accordé une cote de sécurité.
Une cote plutôt élevée. Il y avait bien des généraux
qui navaient pas ma cote. Mais même avec celle-ci, elle ne
pouvait discuter dau moins la moitié de ses dossiers avec
moi. Ses dossiers nétaient pas sur son ordinateur même,
mais sur leur ordinateur central, accessibles au travers dun lien
bénéficiant dencryptions avancées. Lappartement
était discrètement vérifié à chaque
semaine par une équipe de spécialistes pour des microphones
et autres systèmes despionnage.
Même maintenant, si je me concentrais,
je pouvais entendre le bourdonnement à peine perceptible dun
des systèmes qui faisaient quon ne pouvait nous espionner
au travers des murs, plafonds et planchers.
« Tu as besoin dune
pause? » Je lui demandai cela, car je savais combien elle avait
tendance à sacharner, même lorsquelle était
trop fatiguée pour avoir des résultats.
Elle hésita un moment, regarda
son écran, puis hocha de la tête. « Tu es très
beau, habillé convenablement, » elle me dit, avec un
regard direct.
Un message assez clair. Je repris mon
veston et refis le nud de ma cravate. « Allons manger.
Je tinvite. »
« La dernière fois
que tu mas invitée
»
Je lui donnai un petit sourire carnassier.
« Viens prétendre que tu nas pas aimé la
tension, le risque, chaque regard désapprobateur, la question sur
le visage des gens, se demandant si tu avais quelque-chose sous ta chemise. »
Elle rougit. « Mes papiers
étaient dans ma poche de pantalon. Les policiers auraient trouvé
une arme dans ma sacoche. Ils mauraient embarquée. »
Je souris. « Un appel de
téléphone, et tout aurait été réglé
en dix minutes. »
Elle renifla, lair hautain, « as-tu
seulement idée de lembarras qui aurait été
mien? »
« Tu ne tes pas fait
prendre. Et puis, tu as aimé, je le sais. »
Elle ne répondit pas immédiatement.
« Nous allons ou? »
Un changement de sujet, sil en
était un.
**
Javais de largent. Lorsque
javais de largent, jen faisais usage. Nous avions une
bonne table, nous avions bien mangé. Je prenais mon café,
tout détendu. Bonne bouffe, bonne compagnie, conversation intéressante
Milène me regardait depuis quelques
minutes, réalisant que quelque chose clochait. Elle me connaissait
trop bien. Sa face était emplie de suspicion.
« Toi, tu es comme le chat
qui a mangé le canari. »
« Peut-être. »
« Pas peut-être. »
« Hmmm. Très bien. »
Avant de quitter, javais glissé une lourde enveloppe dans
la poche de mon veston, sans quelle me voit faire. Je sortis cette
enveloppe, la poussai vers elle.
Elle regarda cette enveloppe une longue
minute avant de la prendre, de louvrir. À lintérieur,
il y avait des imprimés, donnant les détails. Et puis il
y avait cette carte didentité, avec sa photo. Un copain des
bataillons pénitentiaires qui me devait énormément
men avait émis plusieurs, il y avait maintenant quatre semaines.
« Lordinateur central
de la police va tout de suite détecter quil sagit dun
faux, mais si ce nest quun contrôle sans connexion au
central
» Un sourire.
Elle sortit son ordinateur de poche
de sa sacoche, et glissa la carte dans la fente. « Cest
une fausse. »
« Un ordinateur de police
ne le détectera pas ainsi, » je lassurai. Les
paladins avaient les meilleurs gadgets.
Elle ne mécoutait pas
vraiment. Elle accédait aux données contenues sur sa carte.
Données médicales, financières
et policières.
Je la vis frémir, se mordre la lèvre. Elle était
un peu blême. De longues minutes à lires les informations
à lécran, puis sur les papiers.
« Depuis quand as-tu cela? »
« Un temps. »
« Quand? »
« Depuis le mois dernier. »
Elle me jeta un regard incrédule,
puis ses yeux se fermèrent presque, ses narines frémissaient.
Elle était
fâchée. Et extrêmement excitée.
« Ça fait un mois que tu as ça, que tu me laisses
languir
»
« Tu aurais pu lavoir
bien plus tôt. Mais
tu ne répondais même pas
lorsque je te disais bonjour, alors
»
Oh! Que jadorais ses yeux, lorsquelle
était furieuse et excitée à la fois, incapable de
se venger.
Jétais bon dessinateur,
et javais fait un certain nombre de dessins pour elle, afin quelle
comprenne bien le style auquel je mattendais. Je pris lun
deux. « Il te faudra tarranger pour être moins
belle. Tu dois avoir lair un peu trash. Attention, pas de sexe avec
personne dautre que moi. Tu peux danser, tu peux aguicher, tu peux
faire ce que tu veux, mais personne ne te touche. »
Elle dévorait mes dessins des
yeux. Cétait elle, lair farouche, fatiguée,
usée. Trop de cosmétiques. Des vêtements trop provoquant.
Une prostituée de corridor qui avait eu une vie difficile. Une
prostituée, mais
javais capturé, sa défiance,
sa force. Je voulais lappeler pendant la nuit, la faire venir pour
une heure, en faire usage, la payer et la mettre à la porte. Ou
encore la trouver sur le bout de corridor quelle ferait sien, et
engager ses services pour dix minutes. Je voulais lamener dans le
genre dhôtel ou les prostituées servaient leurs clients,
la baiser la, ses faux cris de plaisir mencourageant, audibles au
travers des murs trop minces. Je voulais une version plus présentable
mais qui criait tout de même escorte et lamener
dans des bons restaurants, la faire subir les regards désobligeants
et moralisateurs des autres. Je voulais la voir se faire arrêter
par lescouade du vice, se faire prendre en photos, avoir un dossier.
Je voulais beaucoup.
De par son expression, je voyais quelle
voulait encore plus, quun monde de possibilités venait de
souvrir à ses yeux.
« Je serai ton proxénète.
Puisque tu ne seras pas une vraie prostituée, tu ne pourras me
ramener autant, mais lorsque tu as du temps, je mattendrai à
un certain
revenu. Tu trouveras certainement des clubs de danseuses
bas-de-gamme qui conviendront à ton personnage. »
Elle me jeta un regard, et je frissonnai,
car elle entrait déjà dans la peau de son personnage. « Je
nai pas de pimp. » Une déclaration ferme, pleine
danimosité, de combativité.
Une gifle qui claqua fort. Les têtes
tournèrent. Nous nétions pas dans ma zone. Personne
ne nous connaissait, ici. Les gens ne savaient pas comment répondre.
Jétais armé, après tout. Milène aussi,
mais seulement de son pistolet, caché dans sa bourse.
« Tu te trompes, ma douce.
Jai des plans, pour toi. »
Le patron des garçons de table
sapprochait, lair carrément hostile, la tempête
se lisant sur son visage. Il sarrêta à coté
de notre table, et le regard quil me donna était mauvais.
« Monsieur, jai quelquun qui appelle présentement
la police. Je vous conseille de quitter. Madame, nous allons vous protéger. »
Il y avait les garçons de table qui se tenaient relativement proches.
Ils semblaient beaucoup moins résolus que leur patron.
Milène
était rouge,
particulièrement la ou ma main avait giflé sa joue. Sa voix
était rauque. « Je vous remercie, monsieur, de votre
assistance, mais
ce nest pas nécessaire. »
« Êtes vous sûre,
madame? »
Elle hocha de la tête, se leva,
et je jetai quelques billets sur la table, ramassai les documents, et
la pris par le bras, lentraînai avec moi. Elle navait
pas sa grâce habituelle, se mordillait la lèvre inférieure.
Un retour en silence. Milène
ne rencontrait pas mes yeux. Elle créait sa personnalité,
alors même que nous étions dans lascenseur. Puis, alors
que nous approchions de notre zone, elle me surprit. Javais été
trop confiant. Pas assez alerte, sa prise était bonne
je
me retrouvai avec elle dans un corridor insalubre, mon dos plaqué
contre un mur couvert dune mousse gluante. Et la lame dun
couteau appliquée à laine.
« Je nai pas de pimp.
Tu nauras pas mon argent. Pas de passe gratuite. » Un
ton dangereux, une pression de la lame qui augmentait, un avant-bras contre
ma gorge. Son expression, féroce. Il y avait une lueur fiévreuse
dans ses yeux.
« Ça va, »
je lui dis, dune voix étranglée. Je ne lavais
jamais vue glisser pleinement dans le rôle dun personnage.
Elle devait faire une agente dinfiltration très efficace.
Elle me faisait juste un peu peur.
La pression du couteau satténua,
très lentement. « Tu tentes de devenir mon pimp, et
je te coupe les couilles. Clair? »
« Oui. »
Ses narines frémissaient. Ses
yeux verts, si beaux, si pénétrants
je la voyais combattre
le plaisir, je la sentais fléchir. Trop puissant, ce rôle.
Et puis ses yeux redevinrent durs. Cétait plus difficile
ainsi, mais tenir son rôle à la perfection, cela ne ferait
quaugmenter la puissance de leffet. Elle me donna ses prix.
Je marchandai avec elle, conscient que le prix final serait le prix de
base, pour le futur.
Elle allait me ruiner, particulièrement
si elle insistait pour tenir ce rôle trop souvent. Un problème
pour plus tard.
Pour le moment, je savais à
quel point elle avait besoin. Je lentraînai plus profondément
dans les ombres de ce corridor abandonné. Elle nétait
pas habillée pour loccasion, mais peu importe. Dans la noirceur,
jarrivai à lui baisser les pantalons.
« Tu paies avant. »
Je lui donnai son argent
javais
toujours sur moi le type de condom requis pour ceci. Dans le futur, elle
aurait tout ce quil lui faudrait, dans sa sacoche. Jenfilai
ce condom. Elle se tenait debout, les jambes écartées, pliée
vers lavant, les mains contre le mur.
« Doucement! »
Elle grogna, lorsque je commençai à lenculer, la,
dans un corridor puant et sombre. Jignorai ses paroles. En fit usage
comme bon me semblait. Javais loué son corps. Pour les dix
prochaines minutes, jen ferais bien ce que je voudrais.
Des cris rauques. Des encouragements
obscènes. Aucun passant ne pouvait avoir de doute quune prostituée
était à luvre dans ce corridor. Pas exactement
le bon secteur, mais pas assez anormal pour que personne ne sen
émeuve. Le seul problème pourrait venir de la gang locale,
qui voudrait sa part, mais ils nallaient probablement pas avoir
le temps de réagir.
Milène faisait tout, pour me
faire atteindre mon point de non retour rapidement. Elle tenait son rôle
à la perfection
exceptée quil ny en avait
pas beaucoup, des prostituées qui atteignaient lorgasme en
se faisant enculer bien fermement. Ce nétait pas lacte
lui-même qui lui procurait ce plaisir intense, mais cette humiliante
situation, ce
scénario. Puissant. Balayant tout.
Elle nétait pas la seule.
Une paladin, faisant la pute pour moi. Irrésistible.
Framm
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