Une semaine passée à
voyager, dans le cadre de mon travail. Une semaine à protéger
ce patron, ce client que jaimais de moins en moins. Un client qui
sentourait de gardes du corps par prestige, pour avoir lair
important, pas parce quil avait des ennemis mortels. Peu importe.
Il payait à temps, et bien.
De nouveau dans mon secteur. Javais
changé le badge de spécialiste que la loi me forçait
à porter pour un autre, moins impressionnant. Dans les niveaux
inférieurs, je pouvais me permettre une telle chose. Dans les étages
supérieurs, les autorités pouvaient me causer des ennuis
pour « port de faux ».
Une semaine au loin. Javais gardé
contact avec Milène, bien sûr, mais
disons que javais
bien hâte de lembrasser, de la sentir sous moi.
« Bonsoir, Monsieur Arkel
»
Le sourire dAlem était détendu. Il pouvait voir, de
par la faible puissance de mon halo, que jétais plutôt
allègre. Et pourquoi pas? Milène mattendait, et jallais
pouvoir lembrasser, sentir ses cuisses nues contre les miennes.
Alem nétait pas exactement
une bonne personne, mais il avait eu une enfance difficile et tirait son
épingle du jeu assez bien, sommes toute. Pressé, un peu
distrait avec les visions érotiques se bousculant dans ma tête,
je ne lui répondis que par un sourire.
Des portes à droite, des portes
à gauche. Je tentais davoir lair nonchalant, tout en
ayant un pas rapide. Un chien en montait un autre avec une vigueur animale
que Milène
allait connaître. Certains passants sétaient
arrêtés pour les voir à luvre. La propriétaire
de la chienne je présumais- arriva avec un grand bac empli
deau froide, et le versa sur les chiens en gueulant. Quelle cruauté!
Un autre corridor, puis un autre, et
jétais rendu dans mon coin, une zone plus tranquille et propre.
Un coup dil à ma porte me permit de constater que Milène
était présente. Javais fière allure, bien habillé,
pétillant dénergie. Jouvris la porte dun
grand mouvement, ouvrant la bouche pour
Mon appartement
Iblis
Iblis?!
Iblis tira, matteignit au torse.
Soudainement, jétais au sol, pris de spasmes violents, sonné.
Pistolet à décharge électrique. Je luttais pour reprendre
mes sens, contrôle de mon corps, mais Iblis eut amplement le temps
de fermer la porte, puis de me menotter.
« Salut le chat, »
elle me dit, dun ton profondément satisfait, alors quelle
me sécurisait. Elle me prenait au sérieux, ne prenait aucune
chance.
Iblis, amante occasionnelle et ennemie
jurée. Iblis, qui tout comme moi était maudite dun
halo noir. Iblis, tout de cuir vêtue. Iblis, à la grâce
féline, au mauvais caractère légendaire, et à
la beauté envoûtante. Dun noir dencre, ses cheveux.
Des yeux dun bleu aigue-marine comme je nen avais jamais vu
sur quiconque.
Milène, nue, son dos à
moi, attachée contre une croix en X. Sa tête
était tournée : elle avait entendu louverture
de la porte, le tir. Les yeux bandés, la bouche bâillonnée
le dos et les fesses rougies
Mon appartement, méconnaissable.
Un mur avait été enlevé, joignant mon appartement
à un autre, doublant lespace disponible. Il y avait eu réaménagement.
Il y avait de nombreuses boîtes, et tout mes meubles à
lexception du vieux fauteuil de cuir que jaimais tant- étaient
disparus, remplacés par dautres, très élégants,
stylisés, et modernes. Mylène avait profité de mon
absence pour
faire des réaménagements.
« Honte à toi, Arkel.
Tu dois toujours bouger. Prends racine, et quelquun viendra te scier
les jambes. Sois heureux que ce ne soit que moi. »
Elle me tirait par les aisselles, pas
trop douce, mais pas trop dure non plus. Mes tentatives de reprise de
contrôle résultaient en moins de spasmes, plus de succès.
Au moins, la douleur descendait rapidement, ne laissant quun inconfort,
un picotement sur tout le corps.
« Voila, » elle
me dit, après être arrivée à me placer sur
le lit. Elle sortit un couteau
et commença à menlever
mes vêtements, les détruisant au passage.
« Je tavais dit que
je te retrouverais, Arkel. » Son ancienne colère, présente
dans sa voix. Je lavais connue dans les bataillons pénitentiaires.
Condamnée à mort par le travers dune longue peine
dans les bataillons, tout comme moi, elle avait désespérément
cherché à joindre mon équipe. Je laurais prise,
avec grande joie, mais son caractère était tel que toutes
les autres qualités qui la rendaient désirable ne suffisaient
pas pour compenser. Forcée à former sa propre équipe
pour espérer survivre, elle avait juré de men faire
payer le prix.
Si jétais encore vivant,
cétait en partie parce que son peloton et le mien avaient
généralement été déployés la
ou la situation était la plus périlleuse, ensemble. Elle
me devait la vie, je la lui devais aussi. Une relation complexe, hargneuse,
parfois sauvage.
« Hmm. Toujours bien, mais
tu te laisses aller un peu, je vois, » elle me dit, caressant
du couteau mon corps maintenant dénudé. Javais pris
un tout petit peu de poids, mais je mexerçais souvent avec
Milène, et seul lorsquelle nétait pas présente.
« Toi aussi, »
je parvins à dire de manière assez claire pour quelle
me comprenne. Pas vrai, mais elle était vaine.
Mon coup ne fit aucun effet, son sourire
ne fléchissant aucunement. La pression appliquée par la
lame, en revanche, devint juste un peu plus forte. « Tu joues
avec le feu, Arkel. Comme toujours. »
Elle jeta un regard vers Milène.
« Tu as du goût. Je dois avouer une certaine surprise
quune fière chevalière de Milikki sassocie avec
un type comme toi. » Un moment de pause, puis me regardant
à nouveau, « encore que, avec ce que je sais
»
Javais de la difficulté
à parler, mais je reprenais contrôle de mon corps. Très
désagréable. « Et que sais tu, Iblis? »
Lamusement se lisait sur sa face.
« Cela fait maintenant deux mois que je vous fais filer. Je
sais tout de vos allées et venues. De vos
petits jeux. Une
paladin qui se fait passer pour une pute? Juteux. Je sais tout de vos
petites habitudes. Des marques sur la porte. Si jétais démoniste,
tu serais déjà en route pour un joli petit rituel.»
Pas de commentaire à faire.
Elle avait raison sur ce point. « Ce nest pas très
sage. »
Elle ricana. « Je ne suis
pas sage, non. Ils sont coriaces, les paladins. Mais je suis prudente.
Ne tinquiète pas : il ny a pas déquipe
dassaut prenant place pour la libérer. Personne ne se doute
de rien, ne le fera pour un jour ou deux encore. Un petit gaz sous la
porte, pendant la nuit, pour la neutraliser. Je savais que tu étais
sur le chemin du retour. Je serai partie bien avant quune équipe
dintervention narrive. »
« Peut-être, mais
ils ont le bras long. »
Elle concéda le point dun
hochement de tête, « tu devras tout simplement la contrôler.
Je ten voudrai beaucoup si je la vois se pointer, un de ces quatre
»
Je grimaçai. « Tu
surestimes mes capacités. Elle nen fait quà
sa tête. »
« Elle nen fait quà
sa tête car tu aimes les femmes fougueuses, tu aimes la surprise,
tu adores devoir te battre un peu. Si tu préférais les soumises
passives, elle le serait. Avec moi
elle répondait plutôt
bien. » Une voix un peu plus dure, « sur ce point,
tu forceras son obéissance. Pas de vengeance. »
Une relation complexe avec beaucoup
de non-dits, de règles non écrites. Ma surprise avait été
totale, lavantage complètement sien, et jétais
donc son prisonnier pour un temps. Un amour féroce
couplé avec une malveillance passionnée; cétait
simpliste, mais la plus simple description de ce quelle me vouait.
Elle ne sen était jamais cachée. Dans les bataillons,
notre relation tumultueuse avait fait couler le sang, celui de ceux qui
sen moquaient. On pouvait être amusé par Iblis, on
pouvait rire avec elle, mais se moquer dIblis
on le faisait
une fois, peut-être même deux fois
mais jamais trois
fois.
Javais avisé Milène,
une première fois il y avait longtemps, et une deuxième
en profondeur- lorsque Milène avait emménagé
avec moi. Elle naimerait pas, mais Milène naurait pas
dautre choix que daccepter les termes.
Pas le choix?
Jallais répondre, mais
il y eut un clic sonore qui fit se raidir Iblis. Je regardai
Milène nétait plus menottée, séloigna
de la croix en « X », massant ses poignets. Elle
regardait Iblis avec un air profondément amusé, malgré
ce bâillon qui lempêchait de parler. Iblis fit une esquisse
de mouvement vers le pistolet à décharge électrique,
mais elle lavait déposé sur la table, qui était
plus proche de Milène que delle. Une autre esquisse de mouvement,
probablement vers une arme cachée, mais elle était bien
consciente des limites à ne pas franchir.
Milène ne réagit même
pas, suprêmement confiante. Trop confiante. Un piège. Je
voyais Iblis penser, réaliser, comprendre. Était-ce une
caméra ou un micro qui avait été détecté?
Une équipe de filature qui sétait fait remarqué?
Un informateur qui avait parlé? Si Milène lavait laissée
la capturer, cétait quelle était confiante que
sa vie nétait pas en danger
et donc quelle savait
avant même quIblis ne bouge qui était derrière
tout ça.
Je connaissais Milène, savais
comment elle pensait. Iblis non. Elle roula hors du lit, alors que Milène
enlevait son bâillon, bougea sa mâchoire.
Milène était plus proche
de la porte quIblis ne létait. Je sentais Iblis calculer
furieusement. Elle jeta un bref coup dil vers moi, considérant
un instant lidée de me prendre en otage, mais elle rejeta
cette idée aussitôt.
Milène se racla la gorge, puis,
« cet équipement a été fait selon mes
spécifications. Il y a une gâchette cachée. En cas
durgence. Jaurais eu dautres moyens de men
sortir, de toute manière. Un paladin se retrouve souvent dans les
pires situations
et Milikki nous donne les armes requises. Tu es
arrogante, Iblis. On ne surestime jamais assez un paladin. »
Iblis gardait les yeux rivés
sur Milène, se déplaçait lentement vers la porte,
mais Milène secoua la tête, marginalement. « Il
ny a pas dissue, Iblis. La vengeance est douce au cur
du paladin, » elle dit avec un petit sourire amusé en
lui rappelant ce vieux dicton, « et tu me dois
certaines
choses. Jai porté chaque coup de cravache, chaque petite
humiliation, chaque caresse, chaque jouissance à ton compte. Il
est maintenant temps pour toi de régler. »
« Il me semble que cest
toi qui a une dette, ma petite. » On pouvait compter sur Iblis
pour tenter sa chance.
Milène ria. « Oh,
jai aimé, mais tu nas pas demandé, et tu es
maintenant en position de faiblesse. Cinq jours, et rien ne te sera fait
qui soit pire que ce que tu mas fait. »
Iblis serra les dents. « Plutôt
usuraire. Une journée, et cest généreux, car
je ne tai même pas eue en mon pouvoir aussi longtemps. »
« Cinq jours
mais
le cinquième, je serai à toi. Une paladin en ton pouvoir?
Nest-ce pas tentant? Et tu pourrais montrer des choses à
Arkel, jen suis certaine. »
Oh, mais je voyais combien Iblis était
tentée, bien malgré elle.
Moi aussi!
Framm
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