Histoires Des Invitées
La Carotte Nantaise 32
Claude D'Eon
CHIENNE DE LIT
Notre maîtresse s’accroupit pour nous flatter la tête :
—
« Voilà, vous allez vous entendre, à présent. Mais soyez sages mes
petits chéris, dormez un peu, je reviendrai avec votre pâtée. »
Après m’avoir détachée, elle sortit en nous adressant un dernier regard
ému, et la porte se referma sur sa croupe étroite tendue de cuir noir.
Je repensais aux infâmes croquettes de Ouissecasse, et à ma Maîtresse.
J’espérais ne pas y avoir droit cette fois !
De nouveau seuls, nous nous regardions en chien de faïence. Je n’arrivais
pas à cerner les sentiments de Didier à mon égard : je finis par me
demander s’il n’était pas tout simplement hostile à ma présence... Il
aurait peut-être apprécié la compagnie d’Alicia, mais celle de Luc semblait
l’indisposer. Me considérait-il comme un rival ?
Sultan s’était recouché sur sa couverture, mais moi, je n’en avais pas. Le
contact du béton froid sur mon corps nu me donnait des frissons. Et envie
de faire pipi, aussi…
Je me remémorai les paroles de Dame Claudine, ma Maîtresse, qui attendait
de moi que je me comporte comme un vrai chien. J’avisai une bouteille de
gaz contre le mur et me mis en devoir de l’arroser en levant la jambe.
Didier se mit à crier :
—
« Hé, mais t’es dégueu ! Arrête ça tout de suite ! Ho ! Tu m’entends ?
»
Nullement perturbé par ses vocalises, je finissais juste de me vider la
vessie en quelques spasmes que la porte s’ouvrit avec fracas. Dame Claudine
fonça droit sur moi, brandissant une trique pour l’abattre sur mon dos et
mes fesses en une volée cinglante :
—
« Sale bête ! Tu ne pouvais pas demander à sortir ? Je vais te faire
nettoyer ça ! »
Elle m’arracha ma muselière et m’écrasa le visage dans ma flaque d’urine.
— « Lèche moi ça ! Tout de suite ! »
Je m’exécutai aussitôt, sans l’ombre d’un état d’âme. Le sol, bien que
relativement propre, n’était que le sol bétonné et peint d’un garage…
Dame Claudine se retourna et cracha d’une voix sourde, animée d’une rage
froide :
—
« à nous deux, mon trésor… Tu connais le prix d’une telle faute ? »
Il ne répondit rien mais acquiesça lentement en baissant la tête. Il ferma
les yeux quand la trique s’abattit à de nombreuses reprises sur son dos, et
il hurla quand sa Maîtresse termina sa correction en frappant son sexe et
ses testicules saillants. Elle conclut sa peine par quelques coups de
talons aiguilles dans ses bourses et finit même par tenter de l’en pénétrer
maladroitement.
Dame Claudine revint vers moi et tira doucement sur ma chaîne pour me
relever la tête :
—
« C’est bon, Rex. Ce n’est pas ta faute, après tout, tu n’es qu’un
chien… Sultan va te remplacer, il l’a bien mérité. »
Didier faisait « non » de la tête. Il ne semblait pas goûter du
tout le jeu de sa Maîtresse, ce qui semblait, elle, l’amuser de plus en
plus.
Elle prit une voix doucereuse pour lui dire :
—
« Si tu n’es pas plus obéissant, je vais devoir de ramener en dressage
chez Dame Aurore. Mais comme la première fois ne semble pas avoir été
assez efficace, je t’y laisserai jusqu’à ce que tu sois totalement
soumis. »
Elle le motiva en le poussant d’un talon vicieux entre les fesses, ce qui
lui arracha un cri. Parvenu en face de moi, elle ôta sa muselière et nous
souffla d’une voix langoureuse :
— « Embrassez-vous… »
Didier ne put réprimer une grimace en voyant mon menton mouillé de mon
urine. Il finit quand même par s’exécuter, caressé par sa Maîtresse qui
prenait beaucoup de plaisir à voir son époux embrasser un autre homme. Elle
mit fin à nos effusions –Didier embrassait bien et semblait commencer à
apprécier modérément- par un déchaînement de coups de trique sur nos dos :
—
« Sales bêtes ! Vous ne pensez vraiment qu’à ça ! Allez, Sultan, lèche
! »
Cette fois, Sultan obéit sans broncher et commença à laper docilement le
sol. Après quelques coups de langue, Dame Claudine l’arrêta en tirant son
collier avec douceur :
—
« ça ira, mon chéri. Tu m’as obéi, je ne t’en demande pas plus. Soyez
sages, mes trésors, maman va nettoyer vos bêtises pendant que vous
mangez. »
Pendant tout le temps de l’absence de Dame Claudine, nous sommes restés
face à face, immobile. Didier me souffla au visage :
—
« Merci pour ton petit cadeau ! Je n’étais pas très chaud de partager
ma maîtresse avec toi, et ce n’est pas ton numéro qui me fera changer
d’avis. Ne t’avise plus de la toucher, elle est à moi ! »
Pour toute réponse, je me mis à grogner pour lui manifester mon désaccord.
Sa Maîtresse nous avait donné l’ordre de ne pas parler, de nous comporter
en chiens, et lui ne jouait pas le jeu. Son dévouement me semblait des plus
limités, et je mettais un point d’honneur à lui montrer que bien que je ne
fusse qu’un soumis occasionnel, j’étais bien plus dévoué que lui.
Son épouse reparut avec deux gamelles chromées, un seau et une serpillière.
Elle s’accroupit pour nous tendre notre pitance, et je ne pus me retenir de
lorgner sous sa courte robe qui se retroussait facilement, distillant ses
torrides effluves féminins. Dame Claudine s’en rendit compte et me sourit
en m’ébouriffant les cheveux : l’exhibition de ses dessous –quand elle en
portait- ou de son intimité semblait être un de ses petits plaisirs…
Notre pâtée, bien que ressemblant fort à ce que pourrait ingurgiter le
Médor moyen, était tout à fait comestible, et même très bonne : un genre de
salade de riz avec du thon. Bien sûr, Carole n’aurait pas été la dernière à
dire que la présentation fait la moitié du plat, mais bon, j’avais craint
le pire au sujet de la nourriture.
Je relevai la tête pour contempler la croupe étroite de notre Maîtresse qui
chantonnait gaiement en épongeant mon urine. Tout à son bonheur, elle ne
vit pas le regard plein de ressentiment que me jetait son Sultan. J’en
étais un peu malheureux, j’aurais tant aimé leur apporter un peu de bonheur
à tous les deux… Seule elle semblait y trouver son compte.
Notre repas terminé, Dame Claudine nous fit sortir dans le jardin pour
qu’on y fasse nos besoins, au cas où nous aurions encore quelque chose à
faire… Outre la haie de clôture, une haute ceinture de paillage délimitait
un petit espace à l’abri des regards du voisinage. En plus d’un modeste
carré d’herbe, nous disposions d’un bac à sable : Toutes les commodités
dont rêve la gent canine, le réverbère en moins…
Elle nous laissa divaguer quelques minutes, le temps que nous fassions ce
que nous avions à faire. Seul Sultan soulagea sa vessie dans le sable, une
patte en l’air comme il se doit, me jetant un regard sérieux comme pour me
dire « C’est comme ça qu’on fait quand on est bien dressé. »
La nuit tombait rapidement, et Dame Claudine se serra les bras frileusement
avant de frapper dans ses mains :
—
« Allez mes chéris, on va se laver et faire un gros dodo maintenant ! »
Moi aussi je commençais à avoir froid. La lourde chaîne glacée qui courait
sur mon dos en me donnant des frissons n’était pas pour me réchauffer… Elle
nous lava nos intimités à l’éponge savonneuse et nous sécha sommairement.
Sultan était parti en avant, mais sa maîtresse l’attrapa brutalement par sa
chaîne, manquant de l’étrangler :
— « Non, Sultan ! Toi, tu es un vilain, tu dormiras au garage ! »
Comme il ne semblait pas comprendre ce qu’elle disait, elle le lui expliqua
à coups de trique et le traîna jusqu’à sa couverture :
— « Sage ! Pas bouger ! Et je ne veux pas t’entendre ! »
Elle referma la porte sur une tête de chien battu : Didier allait m’aimer
encore plus, je le pressentais… Moi, j’étais resté au milieu du couloir, un
peu malheureux pour lui, et Dame Claudine m’ébouriffa les cheveux et dit
bien fort en se tournant vers la porte du garage :
—
« Toi, tu es un brave toutou. Tu vas pouvoir dormir sur le lit de
Maman… »
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