Histoires Des Invitées
La Carotte Nantaise 33
Claude D'Eon
MASTERE ET SERVANTE
Assistée de Marianne, je les aidai à s'installer à table selon les bons
usages : le maître de maison occupait un bout de la table, et, à l'opposé,
la chaise encore vide de Solange lui faisait face.
Sans l'attendre aucunement, ils attaquèrent un plateau de fruits de mer qui
patientait au frais, discourant sans fin sur la qualité d'un vin blanc qui
l'accompagnait. Je finis par comprendre la raison du repas en rassemblant
des indices piochés au fil des conversations : Julien et Damien font partie
de la même société de négoce de vins de bordeaux et ils fêtaient la
réussite d'un salon faisant la promotion de leurs produits.
Le conseiller général les aurait efficacement épaulés dans leur projet, et
Édouard... Eh bien, il était à la fois le beau-frère de Damien, et un ami
proche de Julien. À part faire le pique-assiette et mettre de l'ambiance,
je ne lui voyais pas d'autre utilité dans cette affaire... Je n'étais même
pas certaine alors qu'il fût médecin.
L'absence prolongée de la maîtresse de maison chagrinait visiblement
Camille :
—
« Excuse-moi, Julien, Tu crois que Solange va finir par nous rejoindre
? Je sais bien que ce n'est pas la préoccupation première de mon
égocentrique de frère, mais cela me gêne de commencer à manger sans
elle... »
—
« Tu as raison. Alicia, vous pouvez aller voir si mon épouse a terminé
? Et si vous pouviez la presser un peu, cette histoire me met mal à
l'aise vis à vis de mes invités. »
J'avais à peine esquissé un mouvement que Marianne m’emboîta le pas :
—
« Je t'accompagne, Alicia. Elle a peut-être besoin d'une aide
quelconque... »
Nous avons vite disparu derrière le paravent où la stoïque Salomé, figée
dans la même position qu'à mon arrivée, attendait patiemment que l'on
daigne venir la délivrer. Tout ce temps, elle était restée absolument
silencieuse, à moins de deux mètres de la grande table de la salle à manger
et de ses convives...
Sans plus de bruit, nous l'avons libérée de ses diverses entraves pour la
relever et la soutenir jusqu'à sa chambre.
Elle était parfaitement au courant de ce qu'elle devait faire, et, toujours
sans un mot, elle s'allongea sur son lit, les cuisses écartées. Marianne
défit provisoirement le petit cadenas doré qui maintenait la chaînette
condamnant l'accès à son vagin sans trop de précautions puis elle y
enfourna une sorte d’œuf allongé en plastique blanc, rayé de deux bandes
métalliques et terminé par un fil d'une dizaine de centimètres, muni d'un
anneau à son extrémité.
Marianne passa la chaînette à travers l'anneau qui dépassait et replaça le
cadenas :
—
« Tu as de la chance, celui-là, c'est une nouveauté. Maître Karl a tenu
à l'essayer sur moi, et à mon avis, tu vas l'adorer ! »
Ce fut la seule fantaisie dont bénéficia Salomé. Nous nous sommes dépêchées
de terminer de la préparer, ce qui fut vite fait : une paire de bas, un
porte-jarretelles, sa robe de cocktail, une petite retouche de maquillage
et un dernier coup de brosse... Le tout ne prit pas plus que quelques
minutes.
Une fois Salomé apprêtée, Marianne tint à nous faire passer par la cuisine.
Malicieusement, elle s'accroupit au dessus d'un verre à pied vide et nous
fit :
—
« Allez-y, je lui sers un bon verre de vin blanc et je vous rejoins ! »
Bien qu'elle gardait toujours le silence et supportait sans broncher son
traitement pervers, je pus déceler une lueur d'angoisse proche de la
panique dans son regard : le vin blanc servi à l'entrée, fierté de Julien
et de son associé, était couvert d'éloges par tous les convives : il était
hors de question qu'elle fit la grimace en plongeant les lèvres dans son
verre, malgré toute l'abnégation dont elle savait si bien faire preuve...
À suivre dans " La carotte Nantaise 34: Adieu petite fille.
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