|
|
<AVIS : Cette série possède
des aspects très sombres que mes autres écrits ne possèdent
pas : cette série nest pas pour tout le monde. Si vous ne
lavez pas encore compris, jexplore, avec laide de mes
écrits. D, M/F+, rudesse, danger calculé. Vos suggestions
et commentaires sont bienvenus.>
Un pas. Un autre. Puis un autre. Porté
par les ailes de la chanson, soutenu par les voix de ceux qui avaient
été mes compagnons.
Un pas. Un autre. Puis un autre. Le
fouet du vent polaire, aspirant ma chaleur, volant mon souffle.
Un pas. Un autre. Puis un autre. Ainsi
il en avait été, depuis deux jours, marchant lentement,
mais à un rythme soutenu dans la longue nuit polaire, sous la lumière
froide des deux lunes. Sans arrêt. Car arrêter revenait à
se reposer, se reposer à dormir, et dormir à mourir.
Le froid nétait pas aussi
intense quil lavait été il y avait maintenant
une semaine, mais jétais au bout de mes forces, et ce qui
passait pour un temps chaud sur les plaines de glace allait bientôt
machever, malgré mon équipement, ma fourrure épaisse,
mon corps adapté pour le froid. De la neige, de la glace sur lépais
foulard qui couvrait mon museau.
Il y avait une étrange dualité
à mon esprit. Dun coté il y avait ce loup qui marchait,
tel un automate, qui chantait dans sa tête, qui imaginait des compagnons
marchant à ses cotés, alors que de lautre il y avait
ce loup qui arrivait à penser, lentement, mais capable de le faire
malgré sa profonde hypothermie.
Javais peur de dérégler
lautomate, dinterrompre cette chanson qui le portait. Jaurais
depuis longtemps dû abandonner le traîneau : plus de combustible
pour me réchauffer, une tente inutile, une nourriture gelée
qui me volerait plus dénergie quelle ne men fournirait
si je la mangeais. Ce traîneau, un poids mort qui ne me servait
plus. Mais me libérer du harnais casserait la transe. Et si cela
arrivait, la mort suivrait. Une mort douce, presque chaude.
Jétais bien, je ne sentais
plus vraiment le froid, un signe certain de mon état. Mes extrémités
répondaient toujours, mais avec difficulté. Pas encore de
graves engelures. Ça viendrait.
Une main, levée pour frotter
mes lunettes protectrices, empêcher laccumulation de glace.
Un mouvement programmé par la fin de la longue chanson. Et le démarrage
de cette même chanson, à nouveau, comme je le faisais depuis
presque deux jours.
Un trébuchement, ma transe vacillant,
mais lun de mes compagnons allongea une main, me garda sur mes pieds.
Séval. Je lui donnai un sourire. Séval, de la bonne humeur
infaillible. Séval, ami véritable, indéfectible,
qui avait toujours cru en mon innocence. Séval, qui tentait de
sourire, mais qui était trop inquiet pour moi. Séval le
cerf. Séval le fier. Séval, qui était mort depuis
bientôt cinq ans. Jhallucinais.
Javais trébuché
sur un corps. Un autre marcheur, vêtu du même genre de vêtements
que les miens, orange-fluo pour plus de visibilité. Javais
probablement marché dans sa direction en le voyant dans la neige,
par automatisme. Gelé solide. Jétais passé
sur son corps. Ça mavait fait trébucher. Avait-il
encore du combustible? Jen doutais. Ça navait pas dimportance.
Il était maintenant de nombreux pas en arrière.
En avant de moi, à moins de
deux kilomètres, la lumière bleue et rouge, scintillante,
des feux de position de la base, mattirant. La visibilité
était mauvaise, le vent portant la neige et cachant parfois les
feux
mais jétais proche du but. Deux kilomètres.
Une distance infinie.
La chanson, mon seul refuge. Un pied
après lautre.
Une distance impossible. Javais
fait de mon mieux. Sans le blizzard, jy serais parvenu. Ce serait
une mort honorable. Mon état se détériorait rapidement
: mon foulard avait glissé, et lair dune température
glaciale atteignait maintenant mes poumons. Jaurais pu lever une
main pour corriger la situation, mais
tout aurait alors été
terminé.
De toute manière, il ny
avait plus rien à faire. De la glace sétait formée
dans mes lunettes. Je ne voyais plus grand-chose. Un fierté obstinée,
la volonté de combattre jusquau dernier pas, ces deux choses
étaient mes seules raisons pour continuer, ne pas au moins apprécier
la douceur de la neige pour un temps.
Un autre trébuchement. Deux
de mes compagnons mattrapèrent à temps, me gardèrent
sur mes pieds. Lun deux me libéra de mon arme, lautre
prit mon sac à dos. Javais honte de ma faiblesse, moi qui
avait toujours été le plus fort, celui qui aidait les autres.
Javais un compagnon de chaque coté, prêt à me
supporter si besoin était. Notre chant possédait une noirceur,
une urgence.
Un autre trébuchement. Puis
un autre. Et un autre. Toujours attrapé. Jusqu'à cette dernière
chute, ou jétais trop flasque. La neige sous ma face, confortable
comme une oreillée. Une partie de moi comprit alors que cétait
terminé. Malheureusement, il y avait le sergent, un rat cruel qui
me rouait de coups de pied, qui minsultait, me força à
reprendre pied, à marcher.
Un pas. Un autre. Un autre. Puis une
chute. Le sergent ne pourrait plus rien. Il pouvait me tuer sil
le voulait. Il était malheureusement vicieux, et menvoya
Séra, à la place. Séra, que javais conforté,
que javais aidé, que javais forcé à dépasser
ses forces, à continuer
et réussir. Elle utilisait
mes mots, mon ton de voix, sa compassion. Elle maida, me pria de
faire un effort, un de plus, juste un peu plus. Elle me rappela comment
elle sétait battue pour se relever, comment je devais faire
de même.
Les brins de fierté me restant
furent suffisants. Un pas. Un autre. Un autre. Une perte déquilibre
mais pas de chute. Jétais accoté contre une surface
verticale. Il y avait une grosse lueur rouge. Je ne pouvais rien voir
de plus. La transe était cassée. Mes amis nétaient
plus la. De longs moments furent requis pour analyser ma situation, comprendre..
comprendre que javais atteint la base, que jétais à
lune des portes, quil y avait un bouton, tout proche, un bouton
qui me sauverait
Je ne sentais plus grand-chose. Un
regain dénergie, un désir de ne pas mourir debout
accoté contre une porte. Cinq centimètres me séparaient
de la chaleur
mes bras, utilisés comme des bâtons,
trouvèrent le bouton, le frappèrent. Et la porte souvrit,
les battants senfonçant dans les cloisons en un chuintement
doux et harmonieux. Sans support, surpris, je tombai vers lavant,
mais natteignit jamais le sol : des mains mattrapèrent
-léquipe durgence-, me libérèrent de
mon harnais Jentendais des voix, les mots indistincts, quoique je
pouvais dire quelles étaient alarmées.
Jétais sur le dos, sur
une civière. La porte était fermée. Mes vêtements
se faisaient couper, ou enlever. On me mettait à nu. Un pincement
qui se voulait dur, mais que je sentis à peine. « Reste avec
moi, Citoyen! » Un ordre.
Je pouvais sentir le vent brûlant
du désert soufflant sur les parties encore sensibles de mon corps.
Cétait étrange, considérant que toutes celles
dans léquipe étaient chaudement vêtues. Un masque
sur ma face, un air chaud et humide. Traitement hypothermique. Personne
ne tentait de réchauffer la surface de mon corps par friction,
ce qui aurait fait plus de mal que de bien. Mieux valait me réchauffer
de lintérieur.
Je pensais. Jen étais
capable. Mais tout allait très vite. Jétais déjà
à lhôpital de la base. On me parlait, on tentait dattirer
mon attention, et je voulais participer, mais personne nattendait
assez longtemps pour que je réponde vraiment. Un cathéter
dans mon bras droit. Un fluide qui provenait dune machine qui réchauffait
ce liquide avant quil ne passe en moi.
On me demandait mon nom, même
sils savaient déjà la réponse. Un temps de
réflexion, puis, « Arkel ». Le son qui sortit de ma
bouche navait rien à voir avec mon nom. Jobtins un
sourire, cependant, ce qui était bien.
Combien de temps passa? Impossible
de le dire. Mais je reprenais mes sens, je pensais à nouveau. On
me donna un liquide à boire : un peu plus chaud que la chaleur
interne de mon corps, sucré, salé. Javais soudainement
une soif indicible, incroyable, mais on ne me donna que quelques gorgées.
On me parlait constamment, il y avait de réels sourires parmi léquipe.
Je compris que jallais survivre.
Éventuellement, voyant que je
pouvais bien comprendre, le docteur me dit, « cest prometteur,
Arkel. Ta température est très basse, du mauvais coté
de lhypothermie sévère, mais tu sembles bien récupérer,
et nous naurons pas à faire usage dun traitement trop
agressif. Tu as des engelures superficielles : ça va faire mal,
surtout aux doigts, mais tu nas rien à craindre. Reste tranquille,
laisse nous faire. On va te donner un bain dès que possible. Ça
sera probablement le meilleur bain de ta vie. Il te paraîtra très
chaud, mais ce ne sera quillusion. »
Je répondis dun faible
hochement de tête. Jarrivais maintenant à parler, mais
je bavais, et je parlais comme si je sortais de chez le dentiste après
mêtre fait arracher une dent.
Un réchauffement graduel, puis
on me jugea prêt pour le bain. Sur la plupart des mondes, jaurais
été considéré invalide. Ici, on prenait soin
de mon orgueil. Il aurait été parfaitement convenable pour
moi de me laisser porter, et jaurais préféré,
mais si on me laissait la chance de le faire, cest que je le pouvais.
Javais besoin daide, le support des autres, mais jarrivais
à marcher. Elles durent maider à enjamber le bord
du bain, mais jétais plus que satisfait.
Leau était
très
chaude. Je leur faisais confiance, alors jy allai sans hésitation.
Elles me glissèrent doucement au fond. Le plaisir était
sublime. Trois semaines au froid. Trois semaines sans me laver. Trois
semaines sans avoir chaud une seule fois. Après le contact initial,
la température de leau était tout simplement parfaite,
maintenue à la température idéale par le système.
Sublime. Mieux que nimporte quoi.
Cest comme si je pouvais aspirer lénergie de leau
et la faire mienne. Je reprenais vie. Ça se voyait. Des commentaires
amusés, des tons de voix pleins de soulagement. On me parlait,
je répondais de manière fatiguée, mais assez enjouée.
Puis une pensée.
« Les autres? »
Lamusement disparu. Il y avait
une douleur dans les expressions des femmes, une tristesse. Le docteur
sassit sur le bord du bain.
« Il ny a quun autre
marcheur parmi ton groupe qui soit encore vivant. Nous pensons quil
y parviendra. Un renard blanc. Le blizzard
le blizzard a été
terrible. »
Je fermai les yeux. Nous avions été
une trentaine, dispersés dans les plaines, ceux de mon groupe en
santé et sans infirmité, des espèces les mieux adaptées
pour le froid. La plus grande distance à parcourir. Ceux des autres
groupes avaient probablement évité ce blizzard, qui était
survenu à une époque de lannée ou il était
rare que de telles tempêtes arrivent Au moins, les familles de ceux
qui étaient morts sauraient quils nétaient pas
mort parce quils étaient faibles. Les épreuves étaient
calibrées pour ne tuer que les plus faibles, les moins débrouillards.
Parfois, des choses comme ceci arrivaient, et seuls les plus forts survivaient.
Darwin, rien de plus.
« Nous avons eu grand peur pour
toi, » elle continua. « Ta première chute, à
quelques mètres de la porte... Tu te relevais, marchais, tombais.
Et puis tu as trouvé la porte, de longues minutes sans rien faire.
Nous pensions que tu tétais endormi, debout, que tu allais
geler sous nos yeux
»
Je pouvais imaginer leur désespoir,
ne pouvant maider, me voyant mourir
lune delles
me massait les épaules, une autre me caressait le bras gauche,
comme pour sassurer que jétais bien vivant.
Une grande tristesse. Mais une grande
victoire. Un grand réconfort pour ma fierté qui avait tant
été mise à mal par mon incarcération dans
la plus dure des prisons de la planète. Les autorités aviseraient
ma famille de ce qui sétait passé, que javais
survécu mon épreuve de manière plus quhonorable.
Cela les aiderait un peu à éponger la honte publique de
ma condamnation.
Leau était si parfaite,
la joie mêlée de tristesse si grande, et le massage de mes
épaules si relaxant
**
Je sortais de mes rêves, très
graduellement. Un passage très doux, très lent, très
agréable.
Javais chaud, je haletais un
peu. Et pour cause : sur le coté, jétais collé
contre une louve, un bras autour de sa taille. Collée contre mon
dos était une lapine. Difficile de faire plus agréable pour
traiter lhypothermie.
La nature érotique de mes rêves
sexpliquait : celle qui était derrière moi caressait
ma nuque de sa face, déposant de légers baisers ici et la.
La louve contre qui jétais collé caressait ma main
de ses doigts. Jétais physiquement trop épuisé
pour que mon corps réponde, mais le cerveau
le désir
était présent.
Combien de temps avais-je dormi? Pas
facile à dire. Longtemps, selon ma vessie. Javais survécu,
jallais remonter la pente, mais mon corps était tout simplement
au bout du rouleau. Javais faim, sans avoir dappétit.
Au moins trois jours sans manger.
La soif me travaillait, javais
la bouche pâteuse.
De petits mouvements. Elles savaient
déjà que jétais éveillé. Elles
comprirent rapidement ce que je voulais, maidèrent à
me lever. Jétais endolori. Lénergie me manquait,
mais je pouvais marcher par moi-même. La chambre de bain
puis,
plus tard, un bain. Un long bain à leau bien chaude, comme
pour bannir plusieurs semaines de souffrance. Un réel plaisir.
Plus tard encore, devant le miroir
le loup qui me regardait était mal en point : pas loin de deux
mètres de haut, doté dune carrure imposante même
pour un loup, il avait néanmoins une fourrure grise et noire qui
avait perdu de son lustre, qui collait à un corps amaigri. Les
oreilles normalement tenues haut étaient affaissées vers
les cotés. Leffort de tenir ma queue haut était trop
important et, de toute manière, toutes celles présentes
ici étaient au courant de leffort que javais donné,
savaient que toute personne osant douter de mon rang dominant le faisait
à ses risques et périls. À présumer que cette
personne nétait pas plus forte quun chaton.
Mal en point, mais une vivacité
renaissante se lisait dans mes yeux, et la bonne humeur se voyait sur
mon expression. Mes efforts à brosser mon poil, à le forcer
à avoir plus de corps, de volume
ces efforts étaient
partiellement vains, mais
jétais débordant de
confiance, de puissance. Peu importe mon apparence, cétait
_moi_ qui était le loup dominant.
Et ce loup avait une assez belle gueule,
une très belle odeur. Un soupir amusé, et je revins à
mon état normal.
On mattendait avec des vêtements.
Un repas était sur la table, couvert pour garder sa chaleur. Le
pelage de la louve était presque totalement noir, elle avait une
assez bonne carrure, était dans la trentaine, et son regard était
poli, mais avait une certaine impudence, une grande confiance. Manifestement,
elle avait un certain rang, ce qui était loin de me surprendre.
Elle semblait me voir comme son égal, ce qui me satisfaisait. Ce
qui maurait excité, si jen avais été
capable. Une belle apparence, une belle confiance en elle. Sa queue était
tenue bien haut, et je sentis comment la mienne répondit instinctivement,
malgré leffort requis. Elle était maintenant vêtue,
des pantalons et une veste, tout ce quil y avait de plus utilitaire,
et des bottes aux pieds.
La lapine était vêtue
de manière similaire, la coupe des vêtements révélant
quils faisaient partie du même standard que ceux de la louve,
quoique les siens étaient plus colorés, probablement avec
des couleurs que je ne pouvais percevoir.
Elle était souriante, mais elle
avait aussi une expression narquoise, comme si elle était amusée
par la constante compétition des loups entre eux. Je pouvais la
sentir, son odeur allumée, excitée, couvrant presque celle
de la louve. Elle me regardait droit dans les yeux, dune manière
qui aurait forcé un combat si elle avait été de mon
espèce. Le défi nen était pas moins palpable.
Elle était mienne, de toutes les manières possibles et imaginables.
Elle le savait. Elle le voulait. Clairement, elle désirait que
cette expérience soit des plus intenses possibles
Javais encore un peu de misère.
Elles maidèrent avec les vêtements, la louve me mordillant
les oreilles, me chuchotant quelle allait peut-être profiter
de ma faiblesse temporaire
une menace qui ne se voulait pas sérieuse,
mais qui nétait pas dénuée dun certain
charme. Elle nabuserait pas, bien entendu : se battre pour le rang
était normal pour tout loup, mais profiter dune blessure,
maladie ou faiblesse temporaire était très mal vu, aussi
mal vu quun jeune loup utilisant la force de son age pour sen
prendre à un loup beaucoup plus vieux, à qui était
dû un certain égard.
Le nom de la lapine était Arta.
La louve
gardait le mystère. Il ne faisait nul doute quelle
me ferait travailler pour le plaisir de son nom.
Lodeur du repas parvint éventuellement
à mon nez, et mes yeux sécarquillèrent.
La voix de la louve dans mes oreilles,
« notre cadeau à toi, O fine gueule pour qui de la viande
normale nest pas à la hauteur. Du chevreuil, provenant des
vastes forêts de la Terre. Une cousine en visite au système
solaire men a ramené une grosse pièce. »
Sa voix était pleine de satisfaction.
Avec raison. Il métait arrivé de goûter à
de la viande animale, par deux fois dans ma vie. Le reste du temps, je
mangeais de la « viande synthétique » : toutes les
protéines dont javais besoin, avec des tentatives de goût.
Il métait possible davoir des repas satisfaisants,
mais
Je fis mon chemin à la table
avec toute la retenue dont jétais capable. Puis, assit, je
soulevai le couvercle
et lodeur se répandit. Le grondement
de lestomac de la louve, puissamment audible. Et le mien
Une grosse tranche épaisse,
à peine cuisinée, sous un coulis de sauce aux bleuets. Plusieurs
jours sans manger. Une torture exquise, celle qui était de mobliger
à prendre le temps, de savourer, de dévorer lentement. Je
me coupais de petits morceaux
une grosse tranche, pour un loup affamé.
Ce nétait pas assez. Lanimal au complet naurait
pas été assez. Un doucereux moment de regret de ne pas être
né sur la Terre, de ne pouvoir me réclamer du droit de chasse
dans les grandes forêts ancestrales qui couvraient ce monde doù
nous provenions tous.
Quand jeus fini, il ne restait
rien, chaque trace de saveur léchée de lassiette et
des ustensiles. De mémoire, le meilleur repas de ma vie.
Elles mavaient regardées,
avec intensité. La louve me regardait dun air supérieur,
ses bras autour de la lapine qui frémissait. Cette lapine qui mappartenait,
du moins pour un temps. Il ne faisait nul doute quelle savait que
sa vie nétait nullement en danger avec moi, mais elle prétendait,
simaginait. Une proie, avec son prédateur. Son Endoctrination
supprimait ses instincts, façonnait ses désirs, amplifiait
la jouissance de ce danger quelle simaginait. Son Endoctrination
faisait delle une proie volontaire.
Et puis il y avait cette Endoctrination
que javais, qui me poussait à prendre mon rôle légitime.
Cette Endoctrination que je résistais, depuis mon plus jeune age,
une tentation profonde et séduisante dassumer mon réel
rôle dans la société. Comme toute chose touchant à
lesprit, cette science était inexacte. Certains étaient
trop endoctrinés la lapine létait certainement-
et dautres ne létaient pas assez, ce qui était
mon cas.
Il y avait un temps, au début
de tout, ou personne navait jamais été endoctriné.
Ce temps, ou les humains nous avaient créé pour être
leurs soldats, leurs ouvriers, leurs servants
ce temps, avant Kush,
avant sa peste qui avait décimé les humains avant quils
ne puissent nous exterminer
mais il y avait eu le bannissement,
presque sans équipement ou ressources, labandon par nos maîtres
sur un monde inhospitalier, hostile. Sans nourriture.
Nos ancêtres avaient survécu.
Les loups avaient mené. Sans notre espèce, tous auraient
péri. Un loup doit manger
lhistoire ancienne des enfants
de lhumanité était violente et sans pitié.
Éventuellement, les prédateurs sétaient entendus
avec leurs proies : les prédateurs acceptaient de garder leur nombre
faible en proportion du nombre de personnes faisant partie des espèces
non carnivores. En contrepartie, les proies acceptaient la prédation
de leurs prédateurs. Pour garantir cette acceptation, la science
de lEndoctrination avait été créée.
Un long processus dessais et erreurs, de calibration. Nombreuses
avaient été les erreurs, les conséquences, mais cette
science était maintenant aussi exacte quelle le serait jamais.
La prédation nétait
plus requise depuis fort longtemps, mais le pacte entre proies et prédateurs
demeurait en vigueur. Par habitude, par désir de contrôle,
par stabilité, par
Endoctrination.
Il y avait de ceux qui, comme moi,
résistaient à cette partie deux-mêmes, inculquée
à partir du plus jeune age. La société voyait cela
dun mauvais il. Les clous qui dépassent
Il y avait de ces mondes le mien
en était- ou la société, sans rejeter le principe,
cherchait à restreindre lacte de prédation à
ceux qui le désiraient profondément. Pour les proies trop
bien endoctrinées, cétait comme une drogue : la consommation
du danger créait un désir pour un danger toujours plus grand.
Cela commençait par de simples fantasmes, la possession de revues
érotiques ayant quelques prédateurs dans des poses aguichantes
et graduait éventuellement avec la fréquentation de prédateurs,
de participation dans des activités ou des prédateurs pouvaient
être présents
jusquà ce que les statistiques
rattrapent la proie.
Pour ceux qui étaient trop ou
normalement endoctrinées, tout cela était fort normal, sans
aucun problème moral ou éthique. Pour ceux qui, comme moi,
regardaient, résistaient
les humains auraient sans doute
été atterrés de voir cette société
stable et florissante que nous avions créé. Encore que
les humains avaient laissé des histoires de vampires, de loup-garou,
des histoires ou la relation trouble entre proie et prédateur était
importante, séduisante
Et puis, les humains avaient eu leur
lot de civilisations barbares
Peu importe. Les humains nexistaient
plus, décimés par la peste créée par un tigre
qui avait vu une guerre dextermination comme étant inéluctable
et qui avait frappé le premier. Kush. La pitoyable nation quétait
lEmpire à cette époque avait été catastrophée
de laction illicite de lun de ses citoyens
mais ça
ne lavait pas empêchée de terminer le travail, et de
prendre aux humains tous ces mondes infiniment riches en industrie et
ressources.
Jétais maintenant debout,
proche de la lapine, mes yeux presque fermés, mes oreilles aplaties,
la reniflant. La louve la tenait. Comme si elle aurait tenté de
séchapper. Il ny avait pas de danger, pas venant de
moi. Arta le savait. Je le savais. Mais lillusion était présente,
puissante. Séduisante.
Je pouvais sentir sa peur, profonde
et aguichante pour moi. Cette peur qui déclenchait son Endoctrination,
la mienne. Cette peur qui nourrissait son désir, le mien. Elle
frémissait dun besoin sans fond.
Elle était trop endoctrinée.
Si elle était ici avec moi, cest quelle avait voulu
se livrer à un prédateur. Si je lui donnais ce quelle
cherchait, je lui donnerais les outils pour résister pour un temps
après mon passage dans sa vie. Avec un peu de chance, pour longtemps.
No yeux se rencontrèrent. Je
pouvais sentir lenivrante odeur de sa peur, mais je ne pouvais la
lire dans ses yeux. Juste la détermination dobtenir le meilleur
de moi, le désir pour ce qui allait se passer entre nous. Elle
savait déjà que jallais lui donner les outils dont
elle avait tant besoin. Son désir de se livrer, qui était
plus fort que tout, ne voulait pas dire quelle ne désirait
pas continuer à vivre, et ce pour longtemps.
Doucement, je la pris par les hanches,
la tira à moi. Elle nétait pas grande, le haut de
sa tête arrivant à ma poitrine. Un bras maintenant autour
de ses épaules, la tirant très fort contre moi. Lune
de ses longues oreilles, à portée de ma bouche. Cette oreille,
trop tentante, saisie dans ma gueule, ma langue la caressant de lintérieur,
la mouillant de ma salive.
Elle poussa un cri de douleur, de surprise
et de plaisir lorsque mes crocs senfoncèrent le long du bord
extérieur de son oreille, causant deux encoches profondes. Ma signature.
Une de mes signatures. Elle était mienne, et je signais toujours
ce qui était mien. Je ne lui prendrais pas la vie, mais jallais
lui apprendre à en douter.
Elle saignait un peu. Un sang chaud
et délicieux, ma langue lapant ces quelques gouttes. Un grognement
profond provint de moi. Son odeur devenait plus intense, contenait plus
de peur. Un gémissement. Elle frissonnait, ces mains magrippant
de toutes ses forces
Jaurais tant voulu pouvoir la
pousser sur le lit et en faire un usage brutal. Le désir était
au rendez-vous. La capacité, par contre
je la relâchai
et me libérai de sa prise, pour faire face à la louve qui
avait une expression amusée, un peu moqueuse à cette défaillance
de mon corps.
« Je te remercie pour ce repas
sublime, O belle louve inconnue. » Une petite courbette pour accompagner
mes mots. Ils étaient sincères. Comme ceux qui suivirent
après mêtre redressé. « Sache cependant
quil te faudra éviter de pousser trop loin. »
Je la fixais des yeux, un regard qui
ne provoquait pas, mais qui promettait la réponse si son attitude
ne changeait pas. Elle fit un petit geste dexcuse pour montrer quelle
ne cherchait pas à me confronter, que son attitude un peu moqueuse
était une simple extension de sa nature. Le gestuel, le langage
corporel, tout indiquait que sont petit dépassement navait
pas été voulu. Un moment de plus, et la page était
tournée.
« Viens, » elle me dit,
« je vais te présenter aux autres. » Et elle nous mena
hors de la chambre, dans les quartiers communs ou les autres attendaient.
Quatre louves dans le même uniforme de ceux qui vivaient dans cette
vaste base. Elle les présenta par ordre de rang. À mes yeux,
il était évident que sa seconde tenterait dusurper
sa place le moment venu. Il y avait cette tension entre les deux louves.
Pour le moment, Leika se gardait bien de donner une raison à la
louve dominante daffirmer sa supériorité.
Venait ensuite une louve grise Sienna-
qui avait visiblement été battue. Elle parvenait à
peine à ouvrir lun de ses yeux. Sen était elle
prise à Leika et avait perdu? Ou bien était-ce Leika qui
sen était pris à elle et avait gagné? Probablement
le premier cas, car un loup dominant ne voulait avoir à toujours
défendre sa place, et « enseignait » aux loups de rang
inférieur à ne pas trop présumer de leurs forces.
Les louves soccupaient des louves, les loups des loups.
Les deux autres étaient belles
mais, de rangs inférieurs, elles étaient moins intéressantes
à mes yeux, et nauraient de moi que ce que les trois louves
dominantes voudraient bien leur laisser. Pas grand-chose, mais assez pour
les satisfaire
ou les forcer à prendre les moyens requis
pour en avoir plus. Pour le moment, elles ne comptaient pas beaucoup.
Ma compagne par tradition, la
louve dominante était la compagne du loup dominant, et vice-versa-
mentraîna ver un large sofa. Je me laissais faire, pas du
tout mécontent. Jétais nouveau dans leur petit groupe,
et il me prendrait quelques heures avant de bien comprendre toutes les
subtilités des relations quelles avaient établies
ces derniers jours.
Une position fort confortable, étendu
sur le sofa, ma tête reposant sur le ventre de ma compagne, et les
deux autres louves dominantes de chaque coté de moi. Les deux autres
louves se contentaient de regarder, découter, ce que faisait
aussi la lapine.
Bien au chaud, bien entouré,
un estomac plein
dommage que jétais sans énergie,
sinon je leur aurai donné ce quelles désiraient. Elles
désiraient énormément. Celles qui tomberaient enceintes
sauraient que le géniteur de leurs enfants possédait parmi
les meilleurs gènes que Kivat pouvait offrir Les meilleurs gènes
de Kivat, les meilleurs gènes de lEmpire, car seul sur Kivat
les males de lespèce faisaient face aux rigueurs cruelles
de notre Darwinisme appliqué.
Elles me parlaient delles, de
leurs plans futurs. Elles me posaient beaucoup de questions, des questions
anodines, évitant soigneusement mon passé, qui était
connu de toutes. Ici, la tradition voulait que le passé négatif
dun male soit mis de coté. Je pouvais sentir leur curiosité.
Certainement, je ne correspondais pas à lidée quelles
se faisaient dun traître à la nation. Cela les déconcertait.
Jétais innocent, mais les preuves étaient accablantes.
Le juge, surpris que je ne reconnaisse pas ma culpabilité, avait
ordonné le réexamen des preuves. Mes amis avaient cherché
à mexonérer. Comme ma famille, mon clan, et la Légion.
Tout ce qui avait été trouvé confirmait totalement,
sans ambiguïté, que jétais coupable. Le juge,
courroucé par mon manque de bonne foi, mon refus dadmettre
lévidence, mavait condamné à la peine
maximale, dans le bagne le plus dur. La pire condamnation était
celle de mes amis, de mon clan. Ma famille affirmait toujours que jétais
innocent, mais payait le prix de ce support indéfectible.
Il valait mieux guider mes pensées
vers de meilleurs sujets.
**
Stanza. Tel était le nom de
la louve qui était sous moi, en qui mon membre était toujours
profondément enfoncé. Elle mavait fait travailler
dur pour le plaisir de son nom. Je le lui avais soutiré, usant
dune arme redoutable; le plaisir. Son potentiel, sa promesse.
Elle haletait, langue pendante, les
yeux fermés. Je lavais fait crier. Elle avait bien tenté
de me forcer la main, mais une louve se trouvant sous moi, même
si je navais pas toute ma forme, était en position fort désavantageuse.
Et ce nétait pas la première fois que je me retrouvais
à devoir faire usage de cet avantage marqué.
Sa reddition avait été
savoureuse à souhait. Il ne faisait nul doute à mon esprit
quelle tenterait bien de me rendre la pareille, plus tard. Elle
navait pas le choix, pas avec les quatre autres louves qui avaient
vu, entendu et senti sa reddition. Pour le moment, je lui donnais ce quelle
voulait. Je lembrassais, je la caressais, je lui léchais
le museau. Je mimprimais dans ses chaudes profondeurs, je restais
avec elle, en elle. Je navais pas éjaculé, jétais
resté maître de la situation, tout au long. Je lui murmurais
des mots doux aux oreilles. Je lui procurais lillusion dun
compagnon qui ferait partie de sa vie pour longtemps. Dans ces temps si
difficiles, lillusion dune telle chose avait une grande valeur,
et pour elles, et pour moi. Depuis trois jours, nous prétendions
être un mini-clan, comme les meutes de loups qui chassaient dans
les vastes forêts de la Terre.
Après de longues minutes, tout
doucement, je me retirai delle. Elle ouvrit les yeux, mit une main
à larrière de ma tête. Membrassa avec
une paresse qui soulignait son contentement. La morsure douloureuse qui
suivit, à mon épaule gauche, était un avertissement,
une petite punition bien méritée pour lavoir tourmenté
si longtemps.
Mon érection était toujours
bien ferme.
Stanza était la louve dominante.
Lorsquelle était présente, cest elle qui sassurait
que la hiérarchie parmi les louves était respectée.
Elle pouvait décider de me monopoliser, mais le rôle de louve
dominante comportait entre autres un devoir déquité.
Tant que je la considérais comme mon égale, il était
malvenu de ma part dinterférer avec ses choix.
« Tu peux le lécher, Leika,
» elle dit, à celle qui convoitait son rôle. Me lécher.
Nettoyer de sa langue les traces quavait laissé Stanza sur
ma chair. Leika avait tenté de renverser Stanza, hier. Un combat
violent, ou les règles avaient été scrupuleusement
suivies par les deux louves. Leika aurait peut-être gagné
si elle avait été plus expérimentée. Visiblement,
Stanza voulait enseigner à Leika les conséquences de son
geste. Lhumiliation de sa défaite était encore trop
présente à lesprit de Leika pour quelle fasse
autre chose que de sexécuter.
Sur le dos, ma tête sur le ventre
de Stanza, ses mains caressant mes oreilles, mon museau, je fermai les
yeux, heureux, alors quune langue chaude et longue léchait
mon membre tressaillant. Jaimais bien Stanza, qui était de
toute évidence une louve distinguée, une demoiselle comme
je les aimais, qui savait maintenir lordre, punir de manière
juste et équilibrée.
Leika nettoya ma chair, ma fourrure,
forcée de goûter aux saveurs de celle qui était sa
compétitrice principale. Je pouvais sentir la satisfaction de Stanza,
et je savais déjà que
« Cest bon, Leika. Sienna.
À toi. Chevauche-le. Tu peux prendre ton plaisir, mais assure-toi
du sien en premier. »
« Il est à moi de droit,
» dit Leika avec un grognement hostile. Je navais pas besoin
douvrir les yeux pour voir son poil hérissé, ses oreilles
couchées, ses yeux presque fermés.
Je sentis le mouvement de Stanza sous
ma tête, entendis la gifle donnée au museau de limpudente
Leika. La louve dominante ne dignifia Leikadaucune autre réponse
et, quelques instants après, Sienna était sur moi. Elle
était ardente, brûlait du désir de me sentir jaillir
en elle.
Je savais déjà que toutes
les louves auraient leur tour. Toutes, sauf Leika, punie pour sa témérité,
forcée de regarder, sachant que des louves inférieures avaient
droit à ce quelle ne pouvait que désirer. Ou bien
elle parviendrait à battre Stanza, ou encore à arriver à
un arrangement avec elle
ou elle naurait dautre choix
que de dépendre de la bonne volonté de la louve dominante.
**
La base était grande. Il y avait
ici des centaines de personnes y vivant, de manière temporaire.
Comme toutes les nuits entre minuit et deux heures, les corridors et aires
communes se transformaient en terrain de chasse à grande échelle.
Les seules lumières étaient celles indiquant les sorties
de secours et les lumières durgence.
Mes oreilles aux aguets, mon nez humant
lair. Je chassais. Cette chasse nocturne était réservée
aux prédateurs ayant survécu lépreuve, et à
toutes les proies qui désiraient en faire partie. Il y avait donc
beaucoup de proies pour la poignée de prédateurs, mais ses
proies étaient éparpillées, se cachaient. Je cherchais
Arta, qui portait mon odeur pour aviser les autres prédateurs quelle
était mienne. Si un prédateur lattrapait, et quil
était courtois, mon odeur la sauverait. Je la cherchais, mais il
était improbable que je la trouve. Pas ce soir.
Je portais une ceinture avec quelques
équipements, mais jétais nu comme tous ceux qui faisaient
partie de la chasse. Jétais dans le hangar à véhicules.
Des motoneiges, des chenillettes, des avions dotés de skis. Des
pièces de rechange, des ateliers dentretien. Il y faisait
froid, mais rien de trop sérieux. Tout était pénombre.
Au loin, jentendais les sons dun renard ayant capturé
une proie, et prenant son plaisir avec. Un plaisir mutuel, vigoureux,
violent. Plus proche, il y avait les deux techniciennes faisant des réparations
durgence sur un hélicoptère.
Je me déplaçais, lentement,
dombre en ombre, jetant un il inquisiteur dans chaque coin,
inspectant du regard chaque véhicule. Il y avait des proies dans
ce hangar : je le savais, car je les avais vues, senties. Certaines savaient
que jétais ici. Mais je prétendais, je jouais avec
leurs craintes, leurs désirs. Comme cette proie tapie sous la chenillette
que jinspectais. Je ne pouvais la voir, mais je sentais son odeur,
même si une forte odeur dhuile émanait dun point
à proximité. Je prenais mon temps.
Un temps, puis je méloignai.
Était-elle soulagée? Déçue? Les deux? Je ne
le saurais jamais. Elle ne mintéressait pas. Pas de lune
des espèces que je désirais, ce soir la.
Puis une odeur. Une odeur aguichante.
Une renne, très excitée. Probablement sur-endoctrinée.
Une approche nonchalante, comme si je ne me doutais pas de sa présence,
mais elle comprit rapidement que cette attitude était factice,
en tira les bonnes conclusions. Me voyant se rapprocher, menaçant
sa meilleure ligne de fuite, elle bondit hors de sa cachette et déguerpit
à toute allure.
Plus besoin de raffinement, de feindre.
Une charge effrénée, une poursuite bruyante dans le noir.
Elle
nétait pas sans atouts. Elle me mena à
une brebis, et pour un peu jaurais trébuché sur elle.
Puis une lapine, qui déguerpit dans une autre attention, la renne
tentant de me présenter dautres options, désirant
divertir mon attention sur dautres plus faciles à attraper.
Malheureusement pour elle, elle était exactement ce que je cherchais.
Je sentais ces instincts primordiaux
tapis au plus profond de moi, éveillés par cette excitante
poursuite. Entre son début et sa fin, celle-ci dura moins dune
minute, terminée par un bond puissant qui nous envoya tout les
deux rouler au sol. Sa défense fut vigoureuse et plutôt compétente,
mais contre un loup
Elle cessa de me rouer de coups lorsque
mes dents se fermèrent autour de sa gorge. Un cri lui échappa.
Un cri de
soulagement, de désir. Avait-elle craint quelle
arriverait à méchapper? Son odeur, si puissante, si
enivrante, son corps frissonnant de terreur alors que lesprit ne
ressentait que le désir obnubilant causé par son Endoctrination,
le danger manifeste. Plus intense la peur et le danger, la douleur, plus
fort le désir et le plaisir. Elle ne me connaissait pas, ne savait
pas que sa vie serait épargnée.
Des grognements profonds. Des grognements
dun loup affamé. Je jouais avec elle autant que je jouais
avec moi. Jétais sous-endoctriné
mais je létais
tout de même un peu, et avoir sous moi une proie à ma merci
une tentation puissante, et la meilleure manière de ne pas céder
était de céder. Un peu.
Mes genoux entre les siens, forçant
le passage, écartant ses jambes. Un ajustement de position, puis
la pénétration, sans avertissement, sans ménagement.
Un cri rauque de sa part, un raidissement de son corps, des gémissements
urgents. Une étreinte chaude et incroyablement mouillée.
Un usage violent, profond, sans égard
à son confort, avec toute la puissance dun loup. Mes dents
nétaient plus autour de sa gorge, mais profondément
enfoncées dans son épaule gauche, son sang exquis coulant
dans ma bouche Son corps se débattait, elle hurlait. Elle jouissait.
Nous avions une audience. Une douzaine
de proies se montrant, se rapprochant, sachant que jétais
trop occupé, voulant voir, simaginant à la place de
la proie sous moi. Elle aussi le savait, son plaisir augmenté par
la connaissance que dautres verraient, se masturberaient, se rappelleraient
longtemps
Dans la noirceur des ombres, il ny avait pas grand-chose
à voir, juste des mouvements devinés. Et les sons. Les sons
dun prédateur avec sa proie.
Elle avait des bois, comme tous les
rennes en cette période de lannée. Lentement, je me
saisis de ceux-ci, arrêtant de mordre, levant la tête pour
la regarder droit dans les yeux. Elle ne pouvait bien me voir, mais la
blancheur de mes dents, la faible lumière reflétée
dans mes yeux presque fermés
Lentement, délibérément,
lui laissant présumer de ce qui allait se produire, jutilisai
ses bois pour forcer sa tête vers larrière
exposant
sa gorge sans défense. Tel un vampire dans les histoires laissées
par les humains. Ses yeux étaient grands ouverts, ses lèvres
bougeaient, comme pour parler, mais les seuls sons qui sortaient de sa
bouche étaient cris et gémissements.
Son corps me travaillait sans cesse.
Je savais que je ne durerais pas. Lentement, je baissai la tête,
et pris sa gorge entre mes dents, presque délicatement. Précisément.
Elle cria, alors, frémissant. Aucune pression supplémentaire,
juste la menace. Et de durs coups de reins, un usage incessant.
Le plaisir montait en moi, irrésistible,
impossible à retenir. Je sentais le prédateur qui voulait
mordre, le retenait, lutilisait pour mon plaisir. Jusquà
ce que jatteigne ce point de non retour. De longs moments dune
brûlante passion, ma proie comprenant quelle était
sauf, pour le moment, enfin capable de redescendre des hauteurs prolongées
de son orgasme. Une minute? Deux? Ça avait été bref,
mais le plaisir était intense.
Petit à petit, je la sentis
relaxer. Je me rendis alors compte de ses doigts agrippant la fourrure
de mon dos, tirant le poil. La douleur, la ou ses poings avaient porté
avec efficacité. La tension me quitta aussi, lentement. Et puis
il y avait cette odeur de sang, ce sang qui coulait lentement la ou javais
mordu.
« Tu as un choix, » je
lui dis, doucement, dune manière audible pour les autres,
« on peut finir ça ici, ou chez moi
» Elle ne
se doutait pas que je ne ferais que la relâcher, si elle faisait
le premier choix. Mais si elle faisait le second
je la ramènerais,
je lutiliserais, et sa vie durant elle porterait ma signature sur
son corps, des traces de morsures qui ne pourraient se voir quau
toucher, un peu partout sur son corps. Je pouvais imaginer ses amoureux
futurs, découvrant chaque marque
Accepterait-elle de porter
mon sceau, brûlé au fer sur sa fesse droite?
Parfois, pour ne pas céder,
il fallait céder
un peu.
Le
Loup 2
|