Ma petite Baronne avait un nom :
Tasha. Un nom plaisant à mes oreilles, que je trouvais gracieux.
Je le lui avais donné, ce matin, au terme dune nuit mouvementée.
Elle puait le loup et la louve, ne sentait presque plus la biche. Il y
avait des parties de sa fourrure, spécialement à laine,
sous la queue, et dans la face qui étaient collées contre
son corps. Elle navait plus fière allure, notre baronne.
Une longue perche que je supportais
à une extrémité, que Vaya supportait, à lautre.
Entre les deux, pendant de cette perche, notre fière baronne, attachée
par les chevilles et les poignets. Elle était complètement
nue. Elle navait plus la force de garder sa tête relevée,
et ses oreilles touchaient presque le sol. Une prise de chasse. Les gens
que nous passions regardaient. Il était rare pour eux de voir des
prédateurs ramener ainsi leur proie, mais dans un Empire fondé
par les loups et pour les loups, une telle chose était parfaitement
normale.
Cest moi, qui avais pensé
à ce moyen pour la ramener. La biche était épuisée,
mais je la sentais bouger, parfois, et je savais que son sexe était
luisant. Plus dune fois, un passant ou une passante allongea une
main, pour toucher sa fourrure, fasciné, leur Endoctrination les
rendant téméraires.
Elle avait été servie,
cette proie.
Il y avait un temps ou elle avait désiré
la discrétion. Où cela lui était vital. Ce matin,
elle avait réalisé que cela ne lui importait plus du tout.
Pas face à la perspective dêtre vue ainsi. Moi et Vaya
avions marché toute la distance. Presque deux heures en tout. Lappartement
de la famille de Vaya dans la Capitale, qui était le plus proche.
Javais téléphoné à Valérie, pour
quelle soit présente. Nous y étions enfin.
On nous ouvrit la porte. Les esclaves
de Vaya, mais aussi ceux en charge des lieux, que je ne connaissais pas.
Certains faisaient partie dune caste intermédiaire. Ce lieu
était dans une zone moderne, huppée. Lappartement
était en fait un complexe dappartements reliés entre
eux, assez vaste, luxueux. Pas du tout situé dans lancienne
cité, plus prestigieuse, mais vastement moins confortable.
Lorsquun membre de la famille
de Vaya, ou encore une des vassales, était de passage dans la Capitale,
cette personne venait ici. Shavayan navait pas de gouvernement central
fort, et ce complexe de la famille Shavayan faisait office dAmbassade.
Tout était décoré à la manière de Shavayan,
avec grand goût. Un cerf impressionnant semblait en charge, une
impression confirmée quelques instants après que nous ayons
déposé notre fardeau sur le sol.
« Arkel, voici Solrac, notre
Chastelain dans la capitale. »
Une poignée de main solide.
Il avait les yeux vifs, ses bois étaient magnifiques, et je me
doutais bien qui satisfaisait Vaya en mon absence. Vaya
avait un
goût plutôt marqué pour les cerfs bien bâtis,
en avait deux parmi son harem.
« Bienvenue dans notre domaine,
Arkel de Kivat. »
« Solrac, Arkel fera un
jour partie de ma famille, avec tout ce que cela implique
»
Vaya lui annonça cela avec une grande confiance, sans même
me regarder. Deux jours avant, jaurais dit quelque-chose. Mais après
ce que nous avions partagé cette nuit, compagnons de chasse
une chose était tombée en place, sans que nous ayons besoin
den parler. Valérie, qui était présente, haussa
un sourcil en surprise, puis sourit lorsque je ne réagis pas.
« Mes félicitation,
Maîtresse, » il lui dit, semblant sincère, puis
inclina sa tête en ma direction. « Et à vous aussi,
Citoyen. »
Vaya avait un air franchement satisfaite.
« Solrac, jaimerais que tu fasses découvrir certaines
choses à Arkel, lorsque tu en auras la chance. » Vaya
roulait une épaule douloureuse en disant cela.
Le cerf comprit le message. « Bien
sûr, Maîtresse. »
« Me faire découvrir
quoi, exactement? »
Elle avait un sourire espiègle.
« Cest une surprise, Arkel. Pour le moment
»
Elle tourna son attention vers notre proie, qui semblait très endolorie,
incapable de bouger. Deux heures suspendue ainsi, même avec le soin
que nous avions pris pour la laisser aussi confortable que possible.
Jaidai Vaya à détacher
la biche. « Socaris, cette biche me semble avoir un potentiel
génétique assez savoureux. Je crois quun croisement
entre toi et elle donnerait dexcellents résultats. Rends
la enceinte, si tu le peux. » Socaris était lun
des deux cerfs en service dans son harem. Tasha était probablement
trop vieille pour tomber enceinte, mais je la vis réagir. Excitée
à lidée, ses yeux tombant sur ce mâle à
peine moins impressionnant que Solrac.
« Ce sera avec grand plaisir, »
il répondit, regardant la Baronne de la tête aux pieds.
« Sache que si elle survit
le mois à venir, lengrosser lui sauvera la vie pour presque
un an. Si elle met bas, lenfant sera envoyé dans ta famille,
avec des perspectives positives. Pour le moment, rends la présentable.
Tu peux en faire usage comme et quand bon te semble. »
Socaris inclina sa tête. Que
la biche en soit encore capable ou pas, il ferait tout en son pouvoir
pour exhausser les souhaits de Vaya. Tasha jeta un regard lourd de sens
à Vaya. Un regard lourd de désir. Elle découvrait
que, finalement, nous avions énormément à lui offrir,
que son temps était loin dêtre venu. Si nous le décidions
ainsi.
Elle retourna son attention à
ce mâle qui la prenait dans ses bras, pour lemporter ailleurs.
Vers un bon bain chaud, je présumais.
Vaya roulait toujours son épaule,
grimaçant un peu, nous menant moi et Solrac- vers ses propres
quartiers, « je dois informer ma famille de mes intentions
envers Arkel. Il va y avoir quelques complications. »
Il me faudrait éventuellement
parler de tout cela à ma famille, et probablement parler à
un conseiller de lune de nos ambassades afin de voir ce qui pouvait
être fait, ce qui ne pouvait pas lêtre. Je pouvais imaginer
le genre de complication quil y aurait de son bord.
Vaya prit quelques minutes pour donner
des instructions claires et précises au cerf, puis cétait
le temps de la douche, suivi dune courte sieste. En début
daprès-midi, je rencontrais mon nouveau patron.
**
Un renard. Assez vieux. Le frère
aîné dArlenn Kerzah. Ministre des Affaires Impériales.
Patron officiel de la diplomatie impériale. Il me regardait avec
intérêt.
Javais mes meilleurs vêtements,
tout était repassé à la perfection. Le Sergent Elsenheym
naurait rien trouvé à redire de mon apparence.
« Il ny a pas pire
ennemi quun diplomate de carrière qui voit un jeune loup
nayant fait aucune preuve, sans aucune expérience, propulsé
à un poste plus élevé que le sien, sans raison quil
considère bonne. Tu auras des ennemis qui chercheront à
tassassiner avec classe, gentiment, en te donnant un sourire diplomate.»
Il me dit cela dun ton affable.
« Je veux commencer au bas
de léchelle, » je répondis.
Il secoua la tête. « Ce
nest malheureusement pas possible. Arlenn ne ma pas donné
ses raisons, mais je peux en imaginer plusieurs
Je dois faire en
fonction du cas le plus extrême. Je serais très embarrassé
dun jour répondre à la jeune héritière
du trône que son père est un simple fonctionnaire travaillant
sur un monde lointain et sans importance. Si Arlenn tassigne à
moi, cest quelle veut pouvoir se
débarrasser
de toi, tenvoyer loin, de manière plausible, dès que
tu nes plus nécessaire. »
Que pouvais-je répondre? Le
pire, cest que je savais avec qui javais couché cette
première nuit sur ce monde. Avec un peu de chance, quelle
ne se soit plus manifestée depuis voulait dire beaucoup.
Son sourire ne changea aucunement.
Javais cette impression quil avait toujours ce sourire, que
les nouvelles soient bonnes ou pas. « Peut-être ne saurai-je
jamais si tu seras le géniteur de la prochaine Impératrice.
Tant que je ne le saurai pas, peu importe ta compétence ou
son absence-, tu auras un poste prestigieux. Tu es de Kivat, et donc travaillant.
Tes résultats académiques sont plutôt bons, et les
notes des instructeurs à votre Académie Militaire recommandaient
de tassigner à des unités de combat afin de confirmer
ton potentiel. Ils voyaient donc en toi un officier capable de mener,
et datteindre un haut rang. Il y a donc espoir que tu te montres
un jour à la hauteur du poste que je te trouverai. »
Sur Kivat, le clan se chargeait habituellement
de trouver un emploi pour un de ses membres, mais avec la réputation
du clan en jeu, la personne était placée aussi bien que
le clan le pouvait, dans un poste pour lequel elle avait les compétences
requises. Ceci
cétait profondément humiliant.
Je navais aucune compétence, aucune aptitude. Je détestais
ce genre de traitement de faveur. « Je suis désolé. »
Il ria. « Les Aristocrates
cherchent toujours à utiliser lÉtat pour placer leur
progéniture dans des postes prestigieux. Mon Ministère semble
être leur proie favorite, et je ne peux pas toujours dire non. Pour
une fois, jai une personne avec qui jarriverai peut-être
à faire de bonnes choses. Et Arlenn ne me ferait pas cela si ce
nétait important, alors
soit le bienvenu à mon
Ministère. »
Son amusement manifeste ne me rendait
pas plus confortable. « Je vais travailler très fort
pour ne pas vous décevoir. » Une promesse. Malgré
les louves, les activités, les diverses demandes sur mon temps,
javais réussi à mettre en moyenne onze heures de travail,
me gardant une journée de repos, pour faire les études recommandées
par lAmbassadrice. Elle mavait accordé beaucoup de
son temps, javais lu tous les livres, javais fait usage des
connaissances profondes de Vaya en la matière. Entre elle et la
renarde, il y avait beaucoup de choses que je comprenais bien.
« Hmm. Je détesterais
voir lImpératrice me malmener en réponse à
un surmenage qui te rendrait
inutilisable. De toute manière,
sur Kazin, les loups mâles nont pas le droit de travailler
plus de 32 heures semaine, histoire de vous donner une chance de survivre
au tout, de dormir de temps à autres. Les louves paient une cotisation
spéciale afin que vous ayez tous un salaire décent. »
« Nous ne fonctionnons pas
ainsi sur Kivat, » je lui répondis.
« Oui et non. Mais peu importe.
Je mattends à ce que tu gères bien ton temps. »
Il me regardait, caressant son museau. « Je me demande
tu es un loup
jai peut-être une idée. »
« Ah? »
« Tu es un loup. Je nai
quune poignée de loups mâles parmi le demi-million
de personnes à mon service au travers de lEmpire, et jen
ai un qui mest particulièrement utile. »
Javais une petite idée
de ce qui venait. « Ah? »
« Une manière pour
toi de _vraiment_ gagner ton pain. Quatre mondes sur cinq sont dirigés
par des louves. La plupart des litiges internationaux impliquent des louves,
à un point ou à un autre. Deux directrices de négociations
des louves, bien sûr-, avec un loup mâle pour les modérer?
Les encourager, les diriger
un loup dominant, qui saura récompenser
les progrès
Tu pourras alors accomplir ton devoir de loup
tout en travaillant. »
« Vous parlez de sexualité. »
« Oui. Un motivateur de
succès très puissant pour les louves, surtout si les rumeurs
actuelles qui courent à ton sujet sont connues par elles. Elles
le seront. Je marrangerai pour que certaines des nuits que tu dois
à lÉtat soient à ta disposition. Un tel travail
de ta part
me serait profondément, totalement, et complètement
utile. Il ny a pas grand-chose de plus difficile à faire
bouger que deux louves bornées campées sur leurs positions,
et mon Ministère à trop de contentieux importants à
régler pour que je ne te fasse pas cette offre. Si tu y as des
aptitudes, je tuerais pour recevoir ce cadeau quArlenn me fait en
me demandant cette faveur. »
Un moment pour y penser. Je comprenais
très clairement de quelle manière je pouvais être
utile, et javais souvent vu comment deux louves dominantes et opposées,
qui ne pouvaient se battre sur des points dordre professionnel,
se tournaient souvent vers un mâle considéré neutre
pour les aider à régler leurs différends. Ce qui
était le plus difficile était de demeurer impartial. Il
fallait aussi être prêt à subir les foudres des deux
parties, mais ça, je navais pas de problème. Il me
surprenait que lEmpire exploite langle de la sexualité
mais je me surprenais maintenant de ma surprise. Ce que lAmbassadrice
et Vaya mavaient dit de lempire révélait une
machine profondément pragmatique et souvent amorale.
« Cest intéressant, »
je lui dis, avec précaution.
Son sourire devint plus large. « Je
suis heureux de voir que nous sommes daccord. » Il se
leva. « Ton équipe tattend. Une équipe
chevronnée, méticuleuse et pleine dénergie.
Ton bras droit est une mouffette nommée Venka. Vois la comme une
sergent de grande expérience, et toi comme un lieutenant frais
peint : tu commandes, mais elle suggère. Appuie toi sur elle.
Si tu es sage, pour commencer, tu verras ses suggestions comme
étant le chemin à suivre. Elle te montrera les rouages.
Je serai ton supérieur direct, mais je ne te cacherai pas quelle
sera mes oreilles pendant ta période dessai. »
Il tendit la main, « très heureux que tu aies accepté. »
Je métais levé
moi aussi, et répondit à sa main tendue de manière
automatique. « Mais je nai pas- »
Il me coupa, secouant ma main avec
cette vigueur des gens de Kazin, « mais si, mais si. Naie
pas de doute, fonce, et sers lEmpire. »
**
Jétais fatigué.
Javais dormi moins de quatre heures dans les deux derniers jours,
mais javais aussi une énergie
surprenante. Jétais
heureux.
Le Ministres des Affaires Impériales
mavait allègrement poussé dans les bras de Venka,
se débarrassant de moi
mais je devais avouer que cette mouffette
à lhumour noir mavait impressionné par sa compétence.
Elle ne semblait pas men vouloir, car il était manifeste
que jétais loin dêtre de son calibre
mais
je la dirigerais. Je lui en avais parlé, et elle avait résumé
sa pensée en quelques mots : de par mon espèce et mon
sexe, jaccomplirais des choses que la compétence pure narriverait
jamais à faire. Son nom se trouverait associé à tout
ça. Lattention du Ministre était sur elle, du moins
en partie.
Javais passé une partie
de la journée avec cette diplomate dexpérience, et
elle me guidait au travers des méandres bureaucratiques, sassurant
que tout était en ordre. Mon cas avait été traité
avec un soin particulier lorsque le bureau du Ministre était
directement impliqué, les gens faisaient très attention-
et la mouffette me faisait suivre une voie dintégration écourtée
et accélérée. Il en serait ainsi pour les jours à
venir, allant des règles quil me fallait connaître,
mes droits et privilèges, mes obligations, et ainsi de suite. Il
y aurait plusieurs cours. Elle mavait donné certains documents
à lire pour que je me familiarise avec mon premier dossier. Les
premiers cas allaient être relativement simples, afin que je me
fasse la main.
**
Deux semaines. Deux semaines à
étudier, travailler, à suivre des cours intensifs. Officiellement,
une semaine normale durait 32 heures, mais Venka mon bras droit-
avait effectivement les attributs dun sergent, et ne faisait que
peu de cas des règles ennuyeuses se trouvant sur son chemin, et
me tenait si occupé que je navais pas encore eu le temps
de faire un peu de tourisme. Jétais heureux. Jétais
libre. Je travaillais, avait la profonde impression que jarriverais
un jour à contribuer à lEmpire de manière substantielle.
Jétais heureux, mais ce
quAurore mavait dit au sujet de la noblesse était vrai.
Pas une des nuits dues à lÉtat ne fut passée
avec dautres louves que des louves de la Noblesse. Certaines étaient
des partenaires agréables, mais la plupart arrivaient à
mirriter sans même essayer. La moyenne dâge était
aussi plus élevée.
Pas un signe dAurore depuis cette
première nuit, et ça, cétait un soulagement.
Il y avait bien une petite part de regret avoir été
choisi par lImpératrice elle-même aurait été
très flatteur-, mais je me disais que davoir été
considéré parmi les meilleurs loups de lEmpire était
déjà beaucoup.
Je voyais Vaya à loccasion.
Pas autant que nous laurions voulu.
Et puis on me confia mon premier litige.
Un cas relativement simple, mais ou les deux parties étaient campées
sur leurs positions et refusaient de bouger. Deux louves, bien sûr.
Des négociatrices ayant mandat de régler une fois pour tout
ce litige commercial opposant leurs deux mondes. Elles étaient
cordiales, avaient fait appel à lEmpire pour arbitrer. Les
intérêts de leurs mondes étaient trop grands pour
laisser ce litige empoisonner leurs relations commerciales plus longtemps.
Le Ministre lui-même se chargea
de mintroduire aux louves et à leurs équipes, les
avisant que cétait ma première arbitration, et dêtre
gentil avec moi, ce qui fit rire tout le monde. Il ne dit rien dautre,
mais ces louves avaient une certaine imagination et arrivaient à
lire entre les lignes.
Pour pouvoir arbitrer, il me fallait
connaître le litige comme le dos de ma main. Cela me demanda deux
semaines, malgré laide compétente de mon équipe.
Je nétais pas avocat. Il y avait des nuances et des complexités
qui me donnaient des maux de tête. Tout était plus compliqué
quil ny paraissait au premier regard. Rien nétait
totalement blanc, ni totalement noir. Les deux côtés avaient
raison
et tort.
Une semaine de tractations, à
aller dune équipe à lautre, à tâter
le terrain, à chercher les ouvertures, à faire preuve de
charme, de raison. À cajoler, tordre un peu les bras, à
faire quelques erreurs, à me rattraper. Et au bout de cette semaine,
le fruit de nos labeurs. Une entente, imparfaite, mais une entente. Une
résolution du conflit. Un résultat concret. Une preuve que
je pouvais dénouer des impasses. Un grand bonheur. Jamais je ne
serais Légionnaire, mais javais de nouveau un but.
Ce soir la
deux louves que javais
appris à connaître, deux louves modérément
satisfaites, deux louves décontractées après un bon
repas et de bonnes bouteilles, une soirée passée avec les
trois équipes.
Jamais le sujet navait été
abordé, mais jétais le petit cadeau, la récompense
pour un litige résolu. Javais un budget pour ce genre de
chose, et Venka sétait occupée de tout. Un condo luxueux,
beau, dans lun des plus grands édifices de la capitale, de
forme triangulaire la ou le bâtiment formait un éperon, les
murs extérieurs étant des baies vitrées qui donnaient
le vertige. Les vents étaient inhabituellement calmes, la visibilité
était très bonne pour Kazin, peut-être deux kilomètres,
et nous pouvions voir les lumières dune grande partie de
la capitale.
Le condo était une seule, grande
aire ouverte, et le lit était placé à lextrémité
de léperon, sur un plancher vitré qui donnait sur
le vide. La tête savait quil ny avait aucun risque,
mais le cur, les tripes avaient la certitude que de saventurer
sur cette plaque de vitre fragile qui céderait certainement sous
notre poids
Je serrai les deux louves dans mes
bras, puis, « on ferme les yeux et on avance! »
Des rires ayant juste une trace de
nervosité
un petit moment dhésitation en sentant
le changement de surface sous nos pieds
et nous y étions,
tombant sur cet îlot solide et rassurant quétait le
lit. Nous regardions par-dessus bord avant de revenir au centre du lit
en riant. Aucun de nous nétait entièrement à
laise. Mais leffet était puissant. Des loups confrontés
à un danger extérieur serraient toujours les rangs. Cela
cassait aisément la glace. Nous nous rassurions lun lautre,
nous cachions sous les draps pour ne pas voir
une tension fort plaisante,
un danger perçu qui ramenait à lavant certains instincts
Des caresses, des baisers
une
première ronde qui dura bien deux heures. Des discussions. De petits
jeux, en récupérant. Un enhardissement. Et puis un défi,
de lune des louves à lautre. Un défi relevé,
la louve sautant vaillamment hors du lit alors que lautre jurait
de bon cur davoir mal choisi son défi.
La louve savança, lair
de moins en moins certaine, monta la petite échelle, pour se retrouver
sur les mains et les genoux dans la pointe même de léperon,
une cage de verre à lextrémité ultime du bâtiment.
Je la voyais frémir, mais elle avait un bon courage.
« Un défi pour toi,
Arkel. Viens. Viens me faire lamour. » Elle me dit, dune
voix un peu rauque, très tendue, levant sa queue bien haut et vers
le côté.
« Ny va pas, Arkel!
Jentends des craquements! Reste avec moi! Tiens moi dans tes bras! »
Mon autre compagne me dit cela en magrippant. Mon rire avait une
touche de nervosité, mais je me libérai, puis me dirigeai
vers cette louve attirante qui faisait preuve dun courage pervers.
Le genre de courage quun loup ne savait résister.
Javançai dans le vide.
La nuit, nos lumières éteintes, la vitre était pratiquement
invisible. Les sens
étaient faussés, les instincts
les colorant. Javais peur, mais de ce genre de peur qui excitait,
aguichait. Je ne regardais pas en bas, fixant mon objectif, cette louve
avec la queue bien levée. Était-ce à dessin? Ici,
à cette extrémité, je ressentais le vacillement inquiétant
du bâtiment sous leffet du vent. Un effet normal, mais qui
était pleinement ressenti à cet endroit.
Et puis jatteignis ma compagne,
prenant position derrière elle, la couvrant, tenant fermement ses
courbes solides, rassurantes, et je lentendis soupirer de soulagement.
Kio! Quelle était serrée!
Tendue comme de la corde à piano, son sexe étreignant le
mien. Notre autre partenaire nous regardait, murmurait des mots pour nous
faire peur, sexclamant parfois, mais je ny portais aucune
attention. Jétais très proche, en ce moment, de cette
louve qui était sous moi. Trop proche. Je voulais profondément
la rendre enceinte, je la voulais à mes cotés pour longtemps,
une réaction instinctive, pas du tout rationnelle. Je sentais que
la même chose allait pour elle. Le partage du danger
Jimaginai que cétait
Vaya, sous moi. Il me faudrait vivre cette expérience ou une similaire
avec elle. Je lui faisais lamour, comme si cétait Vaya,
avec une douceur fougueuse, une tendresse brûlante. Je faisais lamour
à ma partenaire comme jamais un loup ne lui lavait fait,
et elle répondait. Oh! Quelle répondait!
Le
Loup 14
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