Histoires Des Invités

 

Le Loup 8

Par Arkann

 

« Cette chambre sera la tienne. » C’était la deuxième chambre dans mes quartiers. Un peu plus petite que la mienne, tout aussi confortable.

Valérie avait une bonne conception de ce qui était réalisable, et ne fit que répondre, « Merci, Maître », plutôt que de tenter de me convaincre que sa place était dans ma chambre, comme pour Vaya.

« Je préfèrerais que tu m’appelles par mon nom, » je lui dis.

Elle me sourit. « Non, mon Maître. Cela me serait trop inconfortable, car j’aurais l’impression de ne pas vous être respectueuse. »

Maître. Chaque fois qu’elle m’appelait ainsi, mon estomac faisait un tour. « Même si je l’ordonnais? »

Son expression était polie, mais il y avait une étincelle espiègle dans ses yeux. « Alors j’obéirais, Maître. »

Coincé, entre souffrir une appellation inacceptable, et la traiter comme si elle était une esclave et faire passer mes préférences avant les siennes. Je sentais combien la situation l’amusait, l’aise avec laquelle elle arriverait à me coincer, à m’aiguillonner. Comme tous les membres de son espèce, elle était un peu manipulatrice.

Au moins, je pouvais me conforter en me disant qu’elle pouvait m’appeler Maître si elle le voulait, et même le croire, mais qu’en bout de ligne, elle s’assurerait elle-même de faire comme bon lui semblait sans que je lui ordonne quoi que ce soit.

« Si tu as besoin de quelque chose, laisse le moi savoir. »

« Ça, ce sont mes paroles, Maître, et non les vôtres. »

Ça allait être dur. « Bon. Je te laisse. » Déjà, j’avais la main sur la poignée, que trop heureux de battre en retraite.

« Pas si vite, Maître. Nous avons des choses à discuter. »

« Ah? » Un instinct me disait de répondre « plus tard », mais… cela aurait été impoli, sans une raison légitime.

« Les points sont nombreux, » elle me dit, « mais plusieurs peuvent attendre. Deux points me semblent plus prioritaires : je dois vous mettre au courant de ce que je crois être les plans de Mia ho’Shavayan vous concernant, et voir avec vous ce que vous pouvez faire pour la compenser un peu pour montrer votre appréciation de son don de moi à vous. » Elle positionna une chaise proche de moi. Je préférais rester debout sur mes béquilles. Le Mia ho’ qu’elle utilisait était l’honorifique respectueux souvent utilisé par un esclave envers un Maître qui n’était pas le sien.

« Vous me dites que j’ai une dette envers Vaya? »

« Vous me vouvoyez, Maître? » Elle remarqua, avec une voix désapprobatrice, « vous devez me tutoyer, Maître. À moins bien sur que me causer déconfort et me faire mal paraître soit votre but. C’est votre droit, naturellement. » Elle avait une expression angélique sur son museau.

« C’est normal qu’une esclave soit comme ça? » Je lui demandai cela d’une voix sèche comme le désert.

Son sourire devint un peu narquois. « Seulement lorsqu’un Maître sans expérience doit être formé. Ou encore, lorsque l’esclave croit que son Maître à besoin de s’affirmer un peu. Cela arrive aussi lorsqu’une esclave sent le besoin d’être… punie. Cela devient parfois un jeu. Je suis soumise, mais cela ne veut pas dire que je n’ai pas de feu, mes besoins et désirs. »

Un soupir. « Bon. Tu n’as qu’à me dire ce que tu veux, et je verrai ce que je peux faire. Et puis, cesse de tenter de me former : lorsque nous aurons une réponse des résultats, tu retourneras à Vaya. »

« C’est un jeu agréable, Maître, plein de bonne tension et d’imprévisibilité. Je ne puis toujours clairement manifester mes désirs sans compromettre une partie du plaisir que moi et vous en dériverons. Vous devrez apprendre à me deviner, à me discipliner, à me plier à votre volonté. Je suis soumise active, par opposition à soumise passive. Je crée les opportunités, plutôt que de les attendre. Je suis très… créative. » Encore une fois, ce sourire narquois, cette lueur espiègle dans ses yeux.

Puis, « pour ce qui est de retourner à Mia ho’Shavayan, cela ne se passera pas. Vous allez perdre votre pari. Si une centaine de personnes décident d’aller sur votre monde, j’en serai surprise. »

Je la regardai dans les yeux. « Je comprends que le territoire de Vaya est administré avec une main moins lourde que d’autres territoires, mais la flamme de la liberté brûle en chacun de nous. Mille sur une population de trente millions, c’est peu. Il est impossible que je perde. »

Son expression était sobre. « Prenez les vingt plus grandes villes de votre monde et vous obtiendrez environ trente million d’âmes. Combien d’entre elles décideraient de refaire leur vie sur Shavayan, avec une offre similaire à celle offerte? »

« Personne, naturellement. Qui voudrait devenir membre de l’une de vos castes inférieures? » J’en étais certain. Oh, peut-être une poignée, mais encore…

Elle sourit. « Pour vous, Maître, cela va de soit. Et vous avez raison. Il en va de même pour nous. La situation est différente, mais similaire. Faites vous à l’idée. Je suis votre propriété, votre outil. Apprenez à vous servir de moi. »

« Je comprends. Votre monde tient une propagande négative sur le mien. » Je pouvais très bien imaginer.

Elle avait l’air un peu triste. « Non, Maître. La simple vérité est suffisante. Des mondes importants de l’Empire, vous avez le plus faible taux d’immigration, même si votre taux d’émigration est pratiquement nul. Il y a de nombreuses raisons. Le communisme, votre Darwinisme appliqué, la pauvreté, votre militarisme, vos attentes très élevées envers tout citoyen. »

« Nous ne sommes pas pauvres. Nous ne sommes pas communistes. » Mon ton était mordant, mes doigts fermés durement autour des poignées de mes béquilles.

« Je vous offense, Maître. Je m’en excuse. Mais la réalité est que votre monde est pauvre. Vos gens sont confortables, mais sans pouvoir d’achat. Toutes les entreprises importantes son d’état, et les trois quarts de votre population active travaille pour l’état, d’une manière ou d’une autre. Même des colonies établies il y a moins de deux siècles vous dépassent, vous qui avez été la deuxième colonie de l’Empire. »

« L’argent n’est pas tout. »

« Non. Vos gens sont satisfaits de leur sort, et l’esprit de communauté et de civisme, de sacrifice et de patriotisme qui vous anime est beau à voir. Mais ce que nos gens savent de votre monde, c’est aussi que vous vous réclamez comme étant notre ennemi juré malgré que personne chez nous ne vous veut du mal. Un régime autoritaire –démocratique, j’en conviens-, militariste. Des termites dans leur forteresse, travaillant très fort pour le bien commun de leur colonie. C’est l’image simpliste que beaucoup ont. »

Un moment de silence de ma part, à considérer. Il existait de bien meilleures images… mais je ne la détestais pas, cette image.

« Ce n’est pas une vision compatible avec ce que veulent les membres de la société d’où je proviens. » Elle me dit cela avec un sourire, un sourire m’invitant à accepter les différences de vues.

Cette invitation, je l’acceptai. « Tu me parles d’une dette envers Vaya. Je ne lui dois rien. Elle m’impose ta présence. Sans vouloir te blesser, c’est un lourd fardeau à porter. » Je savais qu’elle comprendrait.

Elle hocha de la tête. « Naturellement. Je le sais, et elle le sait. Mia ho’Shavayan ne s’attend à rien de vous sauf de respecter les conditions qu’elle énoncera, mais sur Shavayan, si cela se sait que vous n’avez pas cherché à la compenser, ne serait-ce que d’une manière symbolique, vous passerez pour une personne méprisante. On dira alors que c’est typique des gens de Kivat. »

Un serrement de dents. « Très bien. Que dois-je faire? »

Elle sourit. « Rien qui ne vous sera trop onéreux. Deux manières simples : la première, offrez quelques unes des nuits vous appartenant au service de Mia ho’Shavayan. Elle vous présentera à des louves influentes, et vous serez un levier qui lui permettra d’obtenir beaucoup pour quelques heures de votre temps. La deuxième manière… tout simplement de me laisser continuer à faire ce que je fais déjà, de collecter votre semence et de la lui donner. Pour ses vassales, que leurs enfants partagent le même géniteur celui de ses enfants… cela les liera encore plus fermement à sa famille. »

« C’est tout? »

Elle hocha de la tête. « Il y a d’autres prix à payer que juste mon prix. Faites ces deux choses pour un temps, et vous serez quittes, toutes les autres dépenses et obligations amplement couvertes. »

« Bon. Il faut me le dire si tu me vois faire des choses qui pourraient donner mauvaise réputation à mon monde. »

Elle sourit. « Certainement, Maître. Certaines habitudes se changent, d’autres doivent continuer, même si certains sur mon monde pourraient désapprouver. Ce qui me mène à l’autre point, les plans de Mia ho’Shavayan vous concernant. »

« Non! Tu ne dois pas me révéler les secrets de ta Maîtresse. »

Elle ria. « Elle est une Maîtresse, Maître, mais elle n’est plus _ma_ Maîtresse. Il y a une certaine éthique à respecter, je ne puis révéler ce que je sais en confidence… mais ce que je puis déduire selon les informations que vous connaissez déjà, c’est autre chose. Je dois vous conseiller, tout simplement. »

« Très bien. Que dois-je savoir? »

Elle choisit ses mots avec soins. « Un jour, Maître, si vous êtes sérieux et voulez vraiment partager de votre vie ce qui peut l’être avec Mia ho’Shavayan, vous devrez devenir membre de la caste des Maîtres de Shavayan. »

Sans mes béquilles, j’aurais bondit. « Hors de question! »

Elle fit un mouvement signifiant que ma réaction ne lui importait pas. « Le choix d’accepter ou de refuser votre mise en candidature sera vôtre. Si vous l’acceptez, le Grand Conseil entérinera certainement votre candidature, et vous deviendrez alors Maître à part entière, avec les obligations et privilèges, doté d’une population et d’une zone que vous devrez développer et faire mûrir. »

« Hors de question. D’ailleurs, je n’ai aucune compétence de gestion. »

« Les compétences s’acquièrent, ou s’emploient. Si vous voulez obtenir Mia ho’Shavayan, ce prix devra un jour être payé. Il vaut mieux que vous le sachiez maintenant. C’est l’une des choses dont elle ne voulait pas parler, de peur de vous éloigner. » Le ton de la renarde était sobre.

« Il y a certainement d’autres manières. »

Elle hocha de la tête. « Probablement. Je ne les connais pas. Mais pensez bien, Maître. Jamais elle ne vous demandera de ne pas participer à une épreuve de Darwinisme qui pourrait vous coûter la vie. Prenez garde de ne lui demander des choses qui iront contre sa nature, de manière fondamentale. »

Je ne me sentais pas très bien. J’allais devoir penser. Plus tard. « D’autres plans? »

« C’est assez pour tout de suite, » elle me dit. « La tendance de Mia ho’Shavayan est de planifier, prévoir, de positionner méticuleusement ses pièces sur l’échiquier, de contrôler ce qui peut l’être. Elle ne cherchait pas à vous mentir ou vous cacher des choses, mais à gérer les surprises en les introduisant graduellement après avoir bâti des liens suffisamment solides pour survivre aux chocs. Elle sous-estime votre capacité d’adaptation, tout en surestimant ses capacités de présenter l’information sous son meilleur angle. Elle prétend vous voir comme son égal, mais elle se ment à elle-même. Vous devrez la combattre de nouveau, et la vaincre de manière convaincante. Vous pourrez vous attendre à un match de revanche dans les semaines suivantes, et vous le perdrez, si vous êtes sage. »

Un long moment de silence, puis, « tu sais beaucoup, en quelques jours. »

« J’observe. Je connais très bien Mia ho’Shavayan. Et l’on apprend énormément de vos ennemis, Maître. »

« Mes ennemis? »

« Le Lieutenant Amizar, nom retenu, et la Sergent Varenn, nom retenu. Les deux sont à bord, en rotation vers Anteram, dans la section à accès restreint du navire. »

Je fermai les yeux. Amizar et Varenn. Amizar avait été un bon ami. Varenn ne l’avait jamais été, mais avait été parmi mes instructeurs. Convaincue de mon innocence, elle aussi avait tout fait pour me prouver innocent. Les deux se comptaient maintenant, de manière officielle, comme mes ennemis. Nul doute qu’ils savaient que j’étais à bord.

« Tu les as vu? »

« Je leur ai parlé, longuement. Ils parlent avec passion. Vous avez des ennemis de calibre, qui vous détestent profondément. De telles personnes ne vouent pas un mépris aussi vibrant pour une personne à la légère. Ils m’ont parlé de ce que vous étiez, avant. J’ai longuement écouté. Des termes élogieux. Une déception sans fond. Vous avez inspiré une grande loyauté. Ils vous voyaient général, un jour. Ils saignent encore. J’ai appris beaucoup, de leur part. »

Un long moment de morne silence. Dans le peloton de tête pour ce qui était des résultats académiques et physiques. J’avais été excellent meneur, peut-être le meilleur. Un futur éteint, des amitiés détruites. Rien de bon ne restait.

« Quand les as-tu vu? »

« Dès que j’ai réalisé l’intérêt que vous portait Mia ho’Shavayan. Je voulais en savoir plus. »

Je la regardai dans les yeux. « Et tu es avec moi pourquoi, maintenant? »

Elle se caressa le museau. « À part des autres raisons? Je ne sais pas. La curiosité? Tout le monde était si certain de votre innocence… peut-être l’êtes-vous vraiment? Et si vous l’êtes… pourquoi des preuves si parfaites? Quel mystère se cache? Et si je parvenais à percer ce mystère? Un leurre? L’Impératrice? Non, tout cela est lié. Je le sens. »

« N’oublie pas la Croix de Sivant. »

Elle fit la grimace. « C’est le seul défaut. Elle donne une réponse simple et plausible à tout. Il ne fait aucun doute qu’elle a été méritée. »

Je hochai de la tête. « Bon. J’ai beaucoup à penser. Mets toi à l’aise. »

**

« Quand me l’aurais-tu dit? »

Les quartiers de Vaya avaient des hublots donnant sur l’espace. Elle se tenait debout devant le plus gros, regardant la noirceur extérieure, son dos à moi, un verre d’un alcool bleu pale dans une main.

« Je ne sais pas, » elle me répondit, éventuellement. « Le temps venu. »

« Une fois qu’il aurait été impossible pour moi de reculer? »

Un long silence. Puis, « c’était l’idée. Une mauvaise idée. Je le vois, maintenant. »

« Je suis déçu. Mais je comprends. Je ne suis pas fâché. Mais je dois avoir confiance envers celle avec qui je serai, si je la trouve un jour, si cela est même désirable. Tu comprendras, j’espère. Une relation cordiale, pour le reste du voyage? »

Elle se tourna pour me faire face. Très mécontente. « Tu laisses tomber bien aisément, Arkel. »

« Une relation cordiale, Vaya. C’est ce que je propose. N’en parlons plus. »

Elle frémissait de tension, sa queue complètement immobile. « Je savais que c’était une très mauvaise idée que de t’envoyer Valérie. »

Je secouai la tête lentement. « Le contraire. L’aurais-je appris plus tard que ma réaction aurait été plus intense. »

Elle serra les dents, savait que j’avais raison. Une tentative différente. « Joins-nous. Réforme-nous de l’intérieur. »

Un sourire. « Un loup seul, contre le poids des traditions, d’une bureaucratie, de milliers de Maîtres? Non. »

Une autre tentative. « Je savais qu’elle t’en parlerait. Je ne t’ai donc pas laissé dans le noir, puisque je te l’ai envoyée. »

Un hochement de tête. « Ton meilleur argument, et je l’aurais considéré s’il avait été ton premier. Et rejeté. Je ne veux pas de cette vie qui est la tienne, pas si je dois la partager de cette manière. Amis, amants occasionnels si nos chemins se croisent. C’est tout. »

Un long silence. Puis, « très bien. Je te donne une semaine pour laisser décanter, Arkel. Nous reparlerons. Mais sache ceci : une fille de Shavayan ne laisse pas lui échapper ce qui lui appartient. Tu es à moi, comme je suis à toi, même si tu refuses de l’admettre. »

**

L’eau était chaude, de la vapeur s’échappait de la petite piscine. La pièce était à nous pour toute la soirée. Les louves, moi, le coyote, Valérie, et deux des esclaves mâles de Vaya. De l’alcool à profusion. Elles s’étaient cotisées, avaient refusé ma participation.

Mon attelle pouvait aller à l’eau sans problème, heureusement. Ça trinquait ferme. Demain, nous allions arriver en orbite autour de Conamel. De nouveaux passagers… et probablement quelques louves de plus. Un loup avec seulement quatre louves pour lui tenir compagnie? Une telle chose ne pouvait durer. Une opportunité à saisir. Demain, la dynamique de notre petite meute allait changer. Autant en profiter ce soir.

Le coyote se comportait correctement, malgré l’alcool qu’il ingurgitait. Nul doute sa femme lui avait spécifié fermement qu’elle ne tolèrerait aucune inconduite de sa part, tant que je portais une attelle.

Vaya était un peu distante. Fidèle à sa promesse, elle me laissait le champ libre pour décanter. Je n’avais aucune illusion que cela voulait dire qu’elle avait abandonné.

J’étais dans l’eau, mes bras sur le bord de la piscine, allongés, et dans le creux de mes bras, Valérie d’un bord, et Xi de l’autre. Arya était allongée sur le bord de l’eau, alors que Socaris –l’un des esclaves de Vaya- lui donnait un massage qui la ferait dormir. Son mari avait l’air un peu frustré, aucune des autres louves ne voulant aller avec lui, et Valérie était ma propriété. Il y avait bien l’autre esclave mâle de Vaya, mais le cerf était plus apte à lui faire découvrir ses bois que de lever sa queue pour lui. Esclave, peut-être, mais pas du coyote.

Xi me murmurait des mots à l’oreille, jetant parfois un regard vers Sha’ha. Était ce arrangé par Vaya? J’en doutais. C’était plus une question de loyauté envers leur alpha. Elles savaient qu’il y avait des tensions entre moi et Vaya, voulaient la repayer un peu pour être une louve dominante qui prenait si bien soin de leurs besoins. Elles cherchaient à m’influencer, à nous rapprocher.

Cinq jours, depuis notre dernière discussion sérieuse. Cinq jours moroses.

Et puis, ce que Xi proposait… était amusant. J’acquiesçai. Xi expliqua son idée aux autres… qui furent toutes amusées, proposèrent des améliorations. Les suggestions fusaient de toutes parts, la plupart rejetées. La personne qui arriverait à me faire éjaculer me gagnerait pour son usage exclusif, pour 24 heures le lendemain, avec le droit de me dominer, juste un peu, sans excès. Seul un alpha bien certain de sa dominance, confiant en lui-même, accordait jamais une telle chose. Je savais qu’elles avaient l’intention de tenter de faire gagner Vaya.

Au moment d’établir l’ordre, le coyote saisit son opportunité… et voulut faire partie du jeu. « Je suis une personne, non? » Un ton pseudo-respectueux, un sourire qui tentait de cacher la moquerie qu’il contenait. C’était sa seule et unique chance d’un jour dominer un loup mâle, de pouvoir le pénétrer. Aurais-je pensé à cette possibilité que je n’aurais pas accepté ce jeu. Les louves étaient un peu consternées, mais changer les termes du jeu aurait été de perdre la face… j’acceptai avec un sourire, même si tout ce que je voulais faire, c’était d’infliger une terrible raclée à ce coyote prétentieux. Oh! Qu’il était fier de lui, ce coyote! Sa femme le regardait, mi-fâchée, mi-fière. Secrètement, il y avait certainement un côté d’elle qui espérait qu’il gagne.

On me banda les yeux. Chaque séquence allait être choisie au hasard, Socaris en charge de pointer à qui était le tour. On me déplaça, afin que je puisse caler un pied entre la paroi et l’échelle, pour que je reste stable, l’eau étant trop profonde pour que j’atteigne le fond. Personne ne parlait.

Une première personne plongea, utilisant une main sur l’échelle pour se garder profondément sous l’eau. Une bouche, une langue. Qui était-ce? Pas Vaya. Qui? Ça ne dura pas longtemps : a peine commencé, cette personne refaisait surface, toussant. Je ne savais pas qui, mais c’était assurément une louve. Le coyote allait tout faire pour rester sous l’eau longtemps, sa volonté très forte.

Une autre bouche, une langue agile. Une langue qui allait partout, sans gêne, sans hésitation. Qui? Longuement, presqu’une minute complète. Je tentais de reconnaître cette bouche avide, mais c’était peine perdue. Pas de bruit reconnaissable en surface. « Ne triche pas, Arkel! »

On venait de voir comment mes oreilles s’étaient subitement orientées. Valérie mit ses mains sur mes oreilles, commença à me parler pour mieux occulter les sons, alors qu’une autre bouche se fit connaître. Arya. J’étais capable de reconnaître son style. Elle dura quelques secondes, refit surface.

Une suite ininterrompue de bouches, de langues sur mon pénis, bâtissant mon plaisir. Étrangement excitant, comme une sorte de roulette russe avec un seul mauvais choix dans le barillet à cinq chambres. Il n’y avait qu’Arya que j’arrivais à reconnaître avec consistance. Malgré les mains de Valérie, je reconnus à un certain point le son du coyote refaisant surface, toussant à s’en cracher les poumons. Il n’avait pas duré longtemps. Était-ce une tentative de me faire croire qu’il n’arrivait pas à rester longtemps sous l’eau… ou était-ce la réalité? Impossible à dire.

Mon plaisir montait. À part pour Arya, à peine avais-je réussi à identifier une louve que son style changeait, comme si les louves ne cherchaient plus à faire gagner Vaya, mais à me confondre, excitées par l’idée que leur mâle dominant doive se soumettre à un simple coyote. Selon les règles, elles allaient toutes être présentes. Même Vaya jouait ce jeu. Je savais à quel point elle avait du souffle, mais elle n’utilisait pas ses capacités comme je savais qu’elle le pouvait. Il y avait de l’excitation dans l’air.

Tant pis. Une chance sur cinq. Avec un peu de chance, j’allais éjaculer dans l’une des bonnes bouches.

Le Loup 9

 

ŠLE CERCLE BDSM 2006